TERESA

 

 

 

Personajes

 

ANDRÉS THOREL

TERESA THOREL

ARMANDO

MOREL

                         Destacado girondino

                           Esposa de Andrés

            Marqués, antiguo enamorado de Teresa

                    Portero de la casa de los Thorel           

                     Barítono

            Mezzosoprano


                         Tenor

                           Bajo

 

 

La acción se desarrolla en París, durante la Revolución Francesa

 

ACTE I


SOLDATS

(4 barytons, très rythmé)
Sellé, paqueté, bridé,
Le cheval part pour la guerre,
Le fantassin marche à terre
Sans souliers s'en va partout!

(tous le ténors et barytons; taper très
brutalement la crosse du fusil contre terre)

Mais baste, il ne s'en plaint guère,
Il marche alerte et content,

(4 barytons)

Laissant misère en arrière,

(tous les ténor et barytons)

Trouvant la gloire en avant!

(Octobre 1792. A Clagny, près de Versailles. Un
coin de parc. A gauche le perron d'un château
du temps de Louis XIV. Au fond une allée dont la

lointaine perspective se perd sous un voûte d'arbres
aux feuillages rouillés. Cette allée est précédée
par un bassin où lentement pleuvent les feuilles qui

tombent. Une banc de pierre à droite. Des soldats,
faisceaux formés, sont groupés ça et là sous les arbres
et achèvent le repas d'une halte. Rideau. Rires très
bruyants, très énergiques pendant trois mesures.)

UN OFFICIER
Nous serons à Paris, demain!
Avant Versailles,
le château de Clerval valait bien un coup d'oeil!

UN AUTRE OFFICIER
D'autant plus que beaucoup d'entre les camarades,
prends-en bien ton parti, ne le reverront pas!

LE 1º OFFICIER
Qui sait?
On part gaiement en soldat volontaire et,
si le sort le veut, on revient général.

LE 2º OFFICIER
Et s'il reste là-bas, tombant à la frontière,
tel qui ne revient pas du moins fait son devoir!

LE 1º OFFICIER
(aux soldats)
Allons, la halte cesse! Il faut partir! En route!

LE 2º OFFICIER
Mais notre hôte vaut bien qu'on lui dise merci.

LE 1º OFFICIER
Notre hôte! et Notre hôtesse!
Lui, fils de la Gironde,
Elle, la girondine et châtelaine ici.

LE 2º OFFICIER
Châtelaine?

LE 1º OFFICIER
Thorel a, sur enchères,
acquis parc et château...
le Marquis avant fui.

LE 2º OFFICIER
Le Marquis de Clerval... émigré!

LE 1º OFFICIER
Disparu.

LE 2º OFFICIER
(ironique)
Et nos nouveaux seigneurs remplacent nos marquis.

(André Thorel a paru sur le perron. Il est accompagné
de Thérèse. Elle et lui regardent un moment les soldats
qui refont leurs sacs, vont et viennent.)

THERESE
Pauvres gens! Braves gens!

ANDRÉ
Ils vont à la frontière.

THERESE
Mourir.

ANDRÉ
... pour le pays,
C'est la plus belle mort!
Mais, chère âme,
il est doux de savourer la vive même
dans le péril quand on a ton amour.

(Les soldats ont aperçu Thorel et Thérèse. Ils
s'avancent. L'un d'eux crie: Vive Thorel! Les
autres répètent le cri.)

LE 1º OFFICIER
(à Thorel)
Merci pour ces enfants qui,
gardant le mémoire de cette halte heureuse,
à leur représentant enverront de là-bas
leur dernière pensée
Avec tous leurs respects citoyenne Thérèse.

(Roulement de tambour sur un signe du commandant.
Le détachement se met en ligne. Avant le départ, il

présente les armes.)

ANDRÉ
(aux soldats)
A chacun son devoir, soldats de la patrie.

(grave)

Protégez nos foyers et la terre natale;
Nous veillerons ici
sur vos soeurs et vos mères.

(Après un dernier cri de: Vive Thorel! le détachement
part. Le détachement disparaît à travers les arbres, le
soleil rougissant la pointe des baïonnettes.)

THERESE
(à elle-même)
Leur devoir! Le devoir!

(à André)

Sais-tu quelle est ma crainte?
Eh bien c'est le devoir qui me fait,
loin de toi, t'attendre toute seule
et le coeur pleine d'angoisse...
La solitude est lourde
à des coeurs de vingt ans.

ANDRÉ
La solitude?

THERESE
Oui. Ta femme reste seule
 tandis que tu t'en vas parler, combattre, agir...
Chaque jour nous sépare et parfois
effrayée, penchée à la fenêtre
et guettant ton retour, je me dis: que fait-il?
Ah! Quel danger le menace?

(très dramatique)

S'il ne revenait pas?
S'il ne revenait pas?
Pour vous l'honneur suffit à remplir une vie,
Mais à nous, vois-tu bien, à toute âme de femme,
Il faut aussi l'amour.

ANDRÉ
Mais quand je reviens, n'es-tu pas consolée?

THERESE
Consolée?
Un malheur me semble là toujours,
toujours près de nous!

ANDRÉ
Chasse de ta pensée la terreur inutile; crois en l'avenir.

THERESE
L'avenir... il est plein d'angoisse et de mystère...
Je voudrais m'arrêter cette solitude,
respirer l'air du soir...
Et ne pas revenir dans l'immense Paris
Brûlant comme une forge
et qui gronde là-bas de ses cris de fureur.

ANDRÉ
Mais ce n'est pas pour nous,
ce n'est pas pour y vivre que j'ai mis une enchère
au prix de ce château; c'est ici,
c'est ici que dans cette demeure, fils d'intendant,
j'ai vu grandir, auprès de moi,
celui qui fugitif, errant, et mort peut-être,
me rappelle le temps,
le temps de ma jeunesse...
écoliers échappés
nous courions dans ces bois!

THERESE
Le Marquis!

ANDRÉ
Cher compagnon d'enfance, proscrit;

(d'un autre ton)

si quelque jour il revient au pays,
le girondin rendra le foyer de famille à celui

(très chanté, doux et triste)

que le vent, comme ces feuilles mortes,
emporte vers l'exil!

THERESE
L'exil... Mais c'est aussi l'exil...
la triste vie inquiète et terrible
avec le vent d'orage qui monte
de la rue et nous serre le coeur...
Là-bas,... si loin d'ici,
là-bas, dans la fournaise!

ANDRÉ
Alors ce qui te rend triste et silencieuse

(affectueux)

ce n'est pas un chagrin que tu me cacherais?
Et le coeur de ma femme m'appartient tout entier,
aujourd'hui comme hier?

THERESE
Mon coeur? Pourquoi mon coeur?...
Et que veux-tu me dire?

ANDRÉ
Ah! pardon, l'amour est plein de crainte...
Mais, cher être adoré, comment douter de toi?

THERESE
Si je ne t'aimais pas, serais-je pas ingrate?
Cette gloire qui rayonne éclatante
autour de nos deux noms,
C'est à toi que la doit Thérèse l'orpheline,
Et mon devoir à moi, c'est ton bonheur...

ANDRÉ
(affectueux)
Mon bonheur!

(Il la conduit jusqu'au bassin près de l'allée.)

Mon bonheur!
O Thérèse, regarde...
Regarde dans cette eau,
clair miroir de mon coeur!
Mon bonheur, chère enfant, penche-toi,
je t'en prie, regarde:
Il a tes traits, ton sourire et tes yeux;
Le reste est peu de chose...
Et j'ai deux espérance: mourir pour mon pays
ou vivre près de toi!

THERESE
L'amour fait vivre!

ANDRÉ
Vivre près de toi!

THERESE
Il faut aimer, c'est vivre!

ANDRÉ
Aimer!

ANDRÉ, THERESE
Aimer, c'est vivre!
Il faut aimer!

THERESE
Aimer c'est vivre!
Il faut aimer!

(lointain roulement de tambour.)

ANDRÉ
Le bataillon s'éloigne...
Il nous faut le rejoindre à la grille...
Je vais savoir si les chevaux sont prêts...
Je dois rentrer cette nuit à Paris;
Tu n'est pas seule ici... je reviens...

(Il s'éloigne; près de disparaître envoyant un baiser)

Aime-moi.

THERESE
(seule)
Oui, je t'aime! Je t'aime, André... je te vénère...
Bonté, douceur, dévouement, c'est bien toi...
Mais pourquoi ce doux nom que je n'ose redire,
le nom de l'exilé...
du fond de ma pensée où dort son souvenir...
pourquoi l'as-tu donc évoqué?
Armand... Armand...
Ce seuil, mes pas éperdus le franchirent...
Et ce château désert est plein de mes douleurs...
C'est là que, me fuyant et fuyant sa patrie,
un soir, un soir d'été...
plein de trouble et de fièvre, me parlant de mourir
et prêt à disparaître,
Armand me demanda d'emporter mon amour...
Et mon coeur a gardé son image...
Et ce parc nous a vus nous sourire et pleurer...
O maison de l'ivresse...
O maison des fantômes... c'est là!
ah! c'est là que je lui dis adieu!
c'est là que parmi les alarmes avec ses douleurs
et ses charmes,
le cher amour, revit encor!
O maison du baiser suprême...
c'est toi que j'ai voulu revoir.
Chère maison...
Et ce parc nous a vus nous sourire et pleurer...
O maison de l'ivresse...
O maison des fantômes... c'est là! ah!
c'est là que je lui dis adieu.

(Elle monte lentement les marches du
perron. Elle s'arrête au seuil de la porte.)

Ici le rêve et la tendresse...
là-bas... là-bas... la vie... et le devoir!

(Elle entre dans la château. La scène reste vide un
moment. Puis on aperçoit à travers les arbres, un
homme enveloppé d'un manteau de voyage, qui semble
du regard chercher autour de lui s'il ne pourrait être
aperçu et jusqu'au perron il s'avance lentement. Il
s'arrête)

Scène Muette

(Il va au bord du bassin, contemple l'eau où les feuilles

tombent, se dirige pas à pas vers le banc de pierre et le
regarde hochant la tête.)

ARMAND
(seul)
Le parc!
Et le perron! Le vieux banc...
Ma jeunesse... mon enfance...
et le sol qui vit mes premiers jeux...
Le château de famille...
et là cette fenêtre où les fronts vénérés
du père et de la mère... apparus, disparus,
m'apparaissent encor...
Je veux vous retrouver, souvenirs et sourires,
ô mains de mes chers morts
qui semblez me bénir...
Je veux vous retrouver, spectres de ma tendresse.
Logis de mes parents, logis de mes amours!
Hélas! Et qu'importe
au proscrit qu'on lui prenne la vie?
On étouffe en exil... on ne vit qu'au pays...
au pays où palpite notre âme...

(Il regarde encore le banc, écartant les
feuilles tombées sur la pierre.)

Elle était là pleurant lorsque je l'ai quittée...
notre dernier adieu ces arbres l'entendirent...
un an déjà passé... un an,
Mais c'est l'oubli,
Et la pierre du banc,
où tous deux nous nous assîmes,
me paraît aujourd'hui la pierre d'un tombeau...

(En revenant sur ses pas il aperçoit sur la muraille,
à la porte du château, les affiches apposées.)

Mais qu'est que leurs mains
ont mis sur la muraille?
Comme un stigmate au front sacré
de quelque aïeul, Ils placardent leurs lois...
Ah! que ma main l'arrache cette injure
au logis du marquis.

(Il monte vivement les marches.)

THERESE
(apparaissant et arrêtant le geste d'Armand)
Malheureux! c'est vous!

ARMAND
(avec un cri)
Thérèse!

THERESE
Vous! En France!

ARMAND
(chaleureux)
En France...et près de vous...
près de mes deux amours.

THERESE
(avec fierté)
Je vous croyais au loin, sauvé.

ARMAND
Tant que la lutte; pour ma foi,
pour mon roi n'aura pas eu de fin,
j'appartiens au danger, Thérèse, et je le brave...
et je vais en Vendée
où tombent mes amis.

THERESE
En Vendée!

ARMAND
Déguisé... errant, cherchant ma route;
Mais comme un viatique aimé délicieux,
j'ai voulu retrouver et j'ai voulu revivre
par le cher souvenir une heure d'autrefois.

THERESE
Ici...

ARMAND
Dans ce château plein de ta chère image,
dans ce parc où ton ombre
encor semble passer, près de ce banc désert
où nos mains se joignirent...
sous cette voûte sombre
où nos coeurs ont aimé.

THERESE
(tremblante)
Taisez-vous, taisez-vous.
Thorel peut nous entendre...

ARMAND
(ému)
Il est ici?

THERESE
Là-bas.
Je l'attends pour partir.

ARMAND
L'ami de mon enfance
et l'homme qui t'a prise.

THERESE
Que nous avons trahi,
qui m'aime et que j'admire.

ARMAND
Ton mari.

THERESE
Mon sauveur et mon guide.

ARMAND
Ah! tais-toi... tais-toi...
Laisse-moi croire encore à ce qui fut un rêve...

THERESE
Oubliez!

ARMAND
Oublier!
Jamais; seul je puis savourer la douceur du passé...

THERESE
(songeuse)
Le passé...

ARMAND
(chaleureusement)
Le passé? mais c'est ta jeunesse...
c'est ton sourire virginal...

(caressant et fébrile)

c'est toi! c'est toi!
C'est ta crainte... et c'est ta pudeur...
c'est le doux baiser de ta lèvre...
le regard profond de tes yeux...

(tendre et passionné)

c'est toi! c'est toi!
C'est le parfum de tes cheveux...
de tes cheveux d'enfant...

(beaucoup plus vibrant et très tendrement ému)

C'est toi! c'est toi! toi! c'est toi!!

THERESE
(courageusement)
Oubliez!
Je ne veux plus aimer, ami, que le devoir.
D'ailleurs songez-y bien, voyez, tout nous sépare...
Et le nom que je porte,
et nos périls divers.

ARMAND
Thérèse!

THERESE
Elle a son titre aussi, votre Thérèse...
Elle a juré de suivre au danger son époux...
Marquis, songez-y bien, je suis la girondine,
et nos coeurs désunis
n'ont pas la même foi.

ARMAND
(chaleureux)
Ils ont le même sang,
nos coeurs, la même flamme...
Ne cherche pas à dire non...tu mentirais...
Que venais-tu revoir ce parc...
cette demeure où moi-même aujourd'hui
je ne cherchais que toi?

THERESE
(très troublée)
Je venais...

ARMAND
(pressant)
Tu venais sur ce banc évoquer comme moi
les exquis souvenirs...

THERESE
(très émue)
Oubliez... oubliez...

ARMAND
Oublier! T'oublier!
Veux-tu que j'oublie l'heure délicieuse
où ton coeur se donna? Souviens-toi!
Les arbres de Versailles comme ceux de ce parc
gardent ces souvenirs...

(intimement)

Un soir... un soir d'été, la belle jeune fille
avec moi, le proscrit,
dansait ouvrant le bal...
Ah! le doux menuet tendre mélancolique,
le menuet de cour,
le menuet d'amour par le beau soir d'été.

THERESE
(avec mélancolie et charme)
Le soir du bel été, des songes...
des mensonges...
O les rêves de vingt ans...
des songes... des mensonges...

ARMAND
Le soir du cher été
des rêves de vingt ans...
l'été de nos serments...

THERESE
...des songes...

ARMAND
...l'été de nos amours...

THERESE
Mais l'automne est venu, voyez...les feuilles tombent
et nos songes aussi tourbillonnent là-bas!

ARMAND
(tendre passionné)
Les mêmes mots redisent nos serments...

THERESE
Des songes, des mensonges...

ARMAND
... le menuet de cour, le menuet d'amour
par le beau soir d'été.

THERESE
... des songes des mensonges...

(résolument)

Je ne pense qu'à lui dont je suis la compagne.

ARMAND
(courageusement)
Eh bien, je partirai, ma place est en Vendée.

(chaleureux et tendre)

Mais je veux ton regard,
ta dernière pensée...
Une dernière fois dis-moi que tu m'aimes.

THERESE
Jamais!

ARMAND
Thérèse, il faut aimer...
Thérèse, il faut revivre...
Donne-moi ton sourire dans un dernier adieu...
Laisse-moi t'emporter,
t'emporter dans un dernier baiser.

THERESE
(éperdue)
Laisse-moi! Laisse-moi! ah!

ARMAND
Je t'adore! Je t'adore, Thérèse!

THERESE
(qui a couru à André)
Lui. Mon ami...

ANDRÉ
(avec chaleur et sincérité)
Armand! Toi! quelle joie! Armand!

THERESE
Il va partir.

ANDRÉ
... mourir!

THERESE
Mourir!

ARMAND
C'est le devoir.

ANDRÉ
Il est à la frontière...

ARMAND
Il est partout, André,
où l'on meurt pour sa foi!

(La nuit est venue, la scène est envahie par une foule
qui pénètre dans le parc et vient saluer André.)

THERESE
(surprise et inquiète)
Qu'est cela?

ANDRÉ
(digne)
Ne crains rien!

LA FOULE
Vive Thorel!

ANDRÉ
(à la foule)
Silence!

(Il désigne à travers les arbres les volontaires
dont on entend au loin le chant.)

Ecoutez...
saluez ceux-là qui vont mourir,

LES SOLDATS
(au loin)
Sellé, paqueté, bridé,
Le cheval part pour la guerre,
Le fantassin marche à terre...

L'OFFICIER MUNICIPAL
(Il est accompagné d'un garde national
tenant une lanterne; regardant Armand)

Mais... votre compagnon, je crois le reconnaître...

THERESE
(à part)
Perdu...

ANDRÉ
(très calme)
Lui? c'est mon compagnon, mon frère!

(bas à Armand qui a fait un mouvement)

Pas un mot!

(à l'officier)

Et qui vient avec moi.

ARMAND
André!

ANDRÉ
(bas à Armand)
Mon toit, c'est ton asile...

ARMAND
(à part, très ému)
Près d'elle!

ANDRÉ
(à la foule)
Laissez passer ceux-là qui vont combattre.

LES SOLDATS
(plus loin encore)
Mais baste il ne s'en plaint guère,
Il marche alerte et content.

(en s'éloignant beaucoup peu à peu)

Sellé, paqueté, bridé,
Le cheval part pour la guerre,
La fantassin marche à terre!

THERESE
(à part, avec effroi)
Qu'ai-je fait?
Je les ai réunis...

(La foule s'écarte devant les trois personnages. Thérèse
effrayée suit lentement André qu'on salue avec respect.)

LES SOLDATS
Mais baste il ne s'en plaint guère,
Il marche alerte et content.

(très loin)

Sellé, paqueté, bridé,

(en s'effaçant de plus en plus)

Le cheval part pour la guerre,
Le fantassin marche à terre...



ACTE II


(En Juin 1793. Un intérieur de bourgeois aisé du XVIII
siècle; livres, bustes, meubles de style un bureau chargé
de papiers - une statuette de la Liberté sur le bureau.
Au fond une fenêtre à large baie s'ouvrant sur une
perspective des quais de Paris. On aperçoit dans le
lointain la Seine. Il est deux heures de l'après-midi.
André est à son bureau rangeant des papiers; Thérèse,
debout, contemplant, songeuse, le fleuve, les maisons.
On entend dans le lointain de sourds grondements de
tambours, de vagues rumeurs.)

UN CRIEUR
(au dehors, voix d'enfant)
Demandez le dernier bulletin!
«Nous et professions des suspects.»
Demandez le dernier bulletin!

THERESE

(sombre, préoccupée)
Jour de Juin! Jour d'été!
Les hirondelles passent
Jetant leurs cris de joie au ciel clair,
au ciel bleu...

(rude)

Et les hommes, là-bas, avec leurs cris de haine
Font tressaillir mon coeur d'un invincible émoi.
Comme on serait heureux dans les champs...dans la plaine...
Les bleuets sont fleuris
parmi les blés jaunis!
Comme on serait heureux...
Comme on serait heureux
loin des bruits de la ville...
Jour de Juin! Jour d'été!
Les hirondelles passent
Jetant leurs cris de joie au ciel clair,
au ciel bleu...

ANDRE
(interrompant son travail et regardant Thérèse
avec un sourire)
Que dis-tu? le tambour te fait peur, girondine!

(Tambours lointains)

THERESE
(sombre)
Oui, le roulement sourd qui chasse la pitié...
Ah! s'il pouvait couvrir la voix,
la voix sinistre des crieurs,
colportant la liste des suspects!

ANDRE
Tu songes à l'ami qui vit en cet asile...
Mais qui soupçonnerait son refuge?
Un proscrit chez moi, représentant!
Oui, je dis que ma vie a préservé la sienne.

(franchement)

Eh! bien, c'est ma fierté!
L'amitié, l'amitié sainte a ses lois...
oui, je les connais,
je garderai sans crainte
L'hôte que mon toit protège,
Restant fidèle à la fois à deux devoirs de ma vie:
L'amitié, la liberté!

THERESE
(montrant la statuette)
La liberté, c'est ta déesse...
Elle coûte cher aux mortels!

(violon dans la rue. On entend jouer et chanter la
romance de Fabre d'Eglantine «Il pleut bergère»)

DEUX VOIX
(au dehors, une voix de femme et une voix d'homme)
«Le pleut, il pleut bergère,
Rentrez vos blancs moutons...

ANDRE
(répétant le refrain avec une colère ironique)
«Il pleut, il pleut bergère»
Mais il pleut des décrets
proscrivant les bergers!

(Cris lointains plus accentués.)

UN CRIEUR
(voix d'homme, au dehors)
Demandez la liste officielle,
la séance complète du jugement du jour.

(Cris lointains plus accentués, plus terribles.)

THERESE
(avec effroi)
Toujours, toujours ces cris...

ANDRE
Ferme cette fenêtre...
On dirait que l'appel de tous ces malheureux
arrive jusqu'à nous...

THERESE
Mais lui, ne pourrait-il au lieu d'attendre l'heure...
Ici... sous notre toit, s'éloigner, disparaître?

(plus bas et émue)

Ne pourrais-tu trouver un sauf-conduit pour lui?

ANDRE
(discrètement)
Ce sauf-conduit...
au nom d'un fournisseur des guerre.
Je l'ai là...

THERESE
Le salut?

ANDRE
Oui, chère, et tu pourras ne plus trembler pour l'hôte
et ne penser qu'à toi...

THERESE
Moi?

ANDRE
... toi...
Bientôt viendra l'heure où libres
nous pourrons chercher modeste et sûre,
une demeure...où blottis, nous pourrons cacher
Le cher amour que je te garde.

THERESE
(mélancolique)
Au fond d'une retraite obscure...

ANDRE
...oubliant...

THERESE
...de tous oubliés!

ANDRE
...oubliés...

(changeant de ton, mais affectueusement)

Mais qu'as-tu donc et que regardent tes yeux
qui semblent s'égarer?

THERESE
(vaguement et très émue)
Je cherche au loin cette demeure...
où nous pourrons vivre cachés...
tous deux, oubliant...oubliés...tous deux.

ANDRE
...vivre cachés...tous deux...
oubliant...oubliés...tous deux.

(Morel apparaît. C'est le portier du logis
en costume de sectionnaire.)

THERESE
(à Morel)
Ah! vous!

ANDRE
Quoi donc, Morel?

THERESE
Morel, mon vieil ami!

MOREL
(d'une voix altérée par l'émotion)
Voilà! C'est effrayant... Là-bas...
aux Tuileries la foule est grande, ardente,
et je crains bien quelque orage,
quelque journée
Terrible à vous, les girondins...

THERESE
Grand Dieu!

MOREL
La vérité c'est que ça sent la poudre...

ANDRE
(ferme)
C'est bien. Je vais au poste
où mon devoir m'appelle.
Tu m'accompagneras, Morel.
Va, je descends!

(Morel sort.)

THERESE
(émue)
Ah! C'est la mort peut-être!

ANDRE
(calme)
La mort, pourquoi la mort?
Cent fois je l'ai bravée...
Soit! une fois de plus, elle reculera.

THERESE
(anxieuse)
Tu pars?

ANDRE
Et maintenant, à lui.

(Il va vers la porte de la chambre d'Armand.)

Armand...

(Armand entre portant des vêtement différents
de ceux de 1º Acte.)

Le danger s’accroît, l'heure presse...
Et qui sait, pour vous protéger,
demain n'aurai-je plus peut-être le pouvoir!
Fuyez le danger! Fuyez!

ARMAND
Quitter ce toit?

THERESE
Quitter la France!

ANDRE
Il faut toujours se séparer...
La vie est un départ dont le départ suprême
s'appelle de ce nom, la Mort!

(Il s'approche ému d'Armand et de Thérèse; à Armand)

Je vous aimais... comme je l'aime... Amour...
Amitié; vos deux coeurs battront pour moi,
vos deux coeurs battront pour moi,
si l'heure sonne où je ne dois plus vous revoir.

ARMAND
(à part)
Adieu, maintenant ô mon rêve!
Espoir, ô songes d'avenir!
ô mon rêve, adieu! Tout finit, hélas!
Le jour qui s'achève... n'est déjà plus
qu'un souvenir...qu'un souvenir!

THERESE
(à part)
O mon rêve!
Tout finit! ô mon rêve, adieu!
Tout finit, hélas!
adieu, mon rêve! adieu!

ANDRE
Je vous aimais comme je l'aime! amour! amitié! v
os deux coeurs battront...
vos deux coeurs battront!
Armand, si vous voulez, voici, vous êtes libre.

ARMAND
Libre?

ANDRE
(Il lui tend un sauf-conduit pris dans son portefeuille.)
Ce sauf-conduit vous permet de partir!

ARMAND
Partir!

THERESE
Etre sauvé!

ANDRE
La carte de civisme permet de circuler...

ARMAND
Sous quel nom?

ANDRE
Eh! qu'importe! votre salut d'abord... partez! partez!
Si je reviens... je serai votre guide jusqu'au faubourg...
et puis... à la grâce de Dieu!

THERESE
(à Armand)
Oui, oui, vous partirez...

ARMAND
(regardant la carte)
La liberté, la vie...

ANDRE
A ce soir.
Je m'en vais où mes amis m'appellent!

THERESE
(troublée)
Là-bas... l'orage gronde...

ANDRE
Eh! bien! va pour l'orage!
La foudre frappe nuit et jour...mais péril,
échafaud et rage, je brave tout et je garde
tout mon courage tant que je garde ton amour.

(Armand fait un mouvement de douleur. André
s'approche de Thérèse et lui donne un baiser sur
le front tendrement)

Cher être!

THERESE
(défaillante)
Mon ami...

ANDRE
(tendant la main à Armand)
A ce soir!

(à Armand qui a semblé hésiter à prendre sa main.)

Confiance!

(regardant la statuette de la Liberté sur son bureau)

C'est pour toi que je vais combattre, ô liberté!

(Puis il envoie un dernier baiser à Thérèse et
disparaît par la porte de droite.)

THERESE
Je suffoquais...

(Avec inquiétude et presque défaillante, elle ferme
les verrous de la porte par laquelle André est sorti.)

ARMAND
Et moi... mon coeur se déchirait!
Sous me yeux, son baiser...

(d'une voix altérée)

son baiser... devant moi, quel martyre!
Et sa loyale main me tendant mon salut...

THERESE
Le salut! oui, la fuite, Armand, et l'existence!
Pars! pars! n'attends pas ce soir!
quitte-moi... quitte-nous!

ARMAND
Te quitter? qu'as-tu dit? y penses-tu?
La vie, la vie, elle est ici avec toi! avec toi!
Loin de toi, c'est la mort... la mort la plus sûre...
Loin de toi!
Ah! ce baiser! atroce et cruelle morsure...
Si je partais, c'est lui que je verrais toujours!
Oui, dans ses bras, je verrais ton image,
son front penché vers toi,
sa lèvre sur ta lèvre!
Thérèse, entends-tu bien, je ne partirai pas!

THERESE
Mais, regarde donc cette foule,
ces piques, ces poings,

(sans respirer)

ces bras nus...
elle monte comme une houle;
c'est un torrent humain qui coule,
roulant des périls inconnus!

(très émue, suppliante)

Va-t'en! puisqu'il te rend la vive... va-t'en! va-t'en!
Renonce à notre cher désir!
Pars sans tristesse...pars sans envie.
Ah! je garderai ton souvenir toujours!

ARMAND
Je ne partirai pas! Je ne partirai pas!

THERESE
(toujours suppliante)
Tu veux donc que je meure, Armand?

ARMAND
Veux-tu donc me chasser? As-tu, si je demeure,
peur que l'autre, l'époux, te prenne encore à moi?

THERESE
(attendrissante)
Je n'ai peur que pour toi!
mais j'ai peur pour ta vie, si tu restes ici,
mon aimé! mon aimé!
quelque jour la hache te prendra,
m'arrachant mon amour!

ARMAND
(avec chaleur)
Eh! bien! si c'est pour toi que

(attendri)

tu veux que je vive... Vivons! Vivons tous deux!

THERESE
Que dis-tu?

ARMAND
Ah! viens! suis-moi!

THERESE
(palpitante)
Te suivre?

ARMAND
(tendre)
On laissera passer la girondine...
et nous le trouverons le paradis rêvé!

THERESE
(tremblante, émue)
Armand! y penses tu?

ARMAND
Je pense à ta tendresse...
je pense à ce baiser que je veux retrouver!

THERESE
Armand!

ARMAND
Ici c'est le danger plus vil, le mot qui trompe!
Assez de trahison! Fuyons! Fuis avec moi!

THERESE
(affolée)
Ah! ton accent m'affole!
oh! ta douce parole!

ARMAND
Fuis avec moi!
Ou me laisser mourir... Ou partir avec moi.
Choisis!

THERESE
(éperdue)
Ah! toi! Tu me perdras! Armand! tu m'as perdue!
Eh! bien! oui, je t'adore et

(s'abandonnant)

ne te quitte pas!

ARMAND
(hors de lui, enivré)
Tu veux? Tu le veux bien,

THERESE
Vis!

ARMAND
Tu veux bien que je vive? avec toi!

THERESE
…ô cher amour! vis!
Eh! bien! oui, mon coeur étouffe...
mon coeur n'a qu'un unique amour!
Et puis mourir, je ne veux pas... non!
je ne veux pas que tu meures!
On laissera passer, passer la girondine
au bras du bien aimé qui l'emporte là-bas!

ARMAND
Là-bas!

THERESE
Au loin... là-bas! Ah! viens partons! viens!
Fuyons vers une terre inconnue!
Il est des pays où l'on aime, ah!
viens, partons!
Il est des cieux plus doux... allons vers eux,
partons! allons cherchant le rêve!
ah! viens, partons! viens!
Fuyons vers ces pays lointains...

(avec élan)

Allons, partons!
allons cherchant le rêve où tu voudras!
Je n'ai connu de la vie
que l'austère devoir...

(rayonnante)

Ah! viens! viens! viens! partons! viens!
Fuyons vers ces pays lointains!

(avec élan et enthousiasme)

Allons, partons! allons cherchant le rêve

(avec un sourire enivré)

où tu voudras!
Je veux aimer! Je veux aimer!

THERESE, ARMAND
(enivrant)
Viens!

(On frappe à la porte violemment.)

THERESE
(haletante)
Qui vient là?

ARMAND
(à voix basse)
Si c'était...

THERESE
(angoissée)
Si l'on vient t'arrêter...

(Thérèse après avoir rapidement fait cacher
Armand qui rentre dans la chambre dont il était
sorti précédemment, court à la porte dont elle
ouvre d'abord les verrous. Morel paraît.)

Morel! mais vous êtes, tout pâle...

MOREL
(ému)
Ah! c'est que si vous saviez... un malheur...

THERESE
Un malheur?

MOREL
Votre mari...

THERESE
André...

MOREL
Arrêté!

THERESE
Arrêté! Lui!

MOREL
J'accours...

(d'une voix haletante)

«Morel va-t'en vers elle, m'a-t'il dit...»

(Rumeurs lointains.)

THERESE
(à la fenêtre qu'elle vient d'ouvrir)
Mais ces cris...

MOREL
Oui... là-bas vous verrez un cortège... oui...
nos représentants accusés... accusés!

THERESE
(fiévreuse)
Où les emmène-t'on?

MOREL
A la Conciergerie.

THERESE
André! André!
Lui! prisonnier! Le tribunal!

MOREL
Et de cette fenêtre... là... vous pourrez les voir!

(Morel sort épouvanté.)

THERESE
(à la fenêtre)
Les voir!

(effarée)

Le voir! grand dieu!

ARMAND
(sortant de sa retraite et courant vers Thérèse)
Là!

THERESE
(vivement, empêchant Armand
d'approcher de la fenêtre)
Pas vous! non! pas vous!

(désignant l'horizon)

Ah! c'est horrible!
Là! le soleil est rouge et rouge aussi la Seine!

(Soleil couchant sur le fond, sur le fleuve.
terrible, oppressée)

Soir de Juin! soir d'été!
Les hirondelles passent mêlant
leurs cris de joie à nos cris de terreur!

ARMAND
(chaleureux, passionné)
Mais nous irons cherchant
le rêve où tu voudras!

THERESE
Oh! non, non pas ces mots de folie! Partez!

ARMAND
Je partirai; mais au moins jure-moi
que lorsque tu sauras où t'attendra mon âme,
quand je te le dirai

(suppliant)

tu viendras, tu viendras!

THERESE
Oui, oui... oui... oui!

ARMAND
Tu le promets? Tu me le jures!

THERESE
Mais va-t'en, va-t'en!

ARMAND
Jure-moi lorsque tu le sauras...

(suppliant)

tu viendras, tu viendras!

THERESE
Je le jure! Adieu!

ARMAND
Non! au revoir! au revoir!

ARMAND, THERESE
...au revoir!

(Armand disparaît à droite.)

THERESE
Il est sauvé!

(songeuse)

Adieu le cher passé!
J'aurai, pour consoler mon âme inassouvie,
le souvenir exquis

(expressif)

... et l'austère devoir!
André!
Mot dont le froid accent glace mes fièvres...
devoir, pour qui l'on vit, devoir pour qui l'on meurt...

(regardant au dehors, inquiète)

Mais quelle est cette foule?
Elle gronde! Elle avance!

(avec effroi)

C'est l'échafaud qui vient, la charrette qui passe!

(Cris de mort très lointains encore.)

J'entends des cris de mort! Et qui donc va mourir?

(un grand cri)

Ah! grand dieu! qu'ai-je donc vu? Est-ce lui?

(avec effarement, déclamé)

C'est André! André! lui! Mon époux!
André qui va périr pour le salut de l'autre!

(avec désespoir)

André! c'est moi! André!

(à elle-même, avec égarement)

Je pouvais fuir, oui, fuir avec Armand!

(à André, avec volonté)

Mais je veux te rejoindre!
Je te donne ma vie... ayant porté ton nom!

(hors d'elle-même)

Salut, devoir! A bas la guillotine!
André! Attends! attends! André! Regarde-moi!

LE VOIX D'ANDRE
(au dehors)
Thérèse!

THERESE
(affolée)
...ah! André! Je te rejoins!

(avec plus d'affolement encore)

...allons! foule stupide!

(Elle rit atrocement.)

Réunis les époux! André! je veux mourir!

(au comble de l'exaltation)

André!
Vive le Roi!

(La foule au dehors hurle. elle a poussé a cri,
éperdue, échevelée, superbe, debout à la fenêtre.)

Vive le Roi!

(au dehors, nouveaux hurlements de la foule. La
chambre est envahie par les sectionnaires, les gens
du peuple et les femmes.)

LA FOULE
(cris divers)
A mort! à l'abbaye! au Tribunal! à mort!

THERESE
O mort! ouvre tes bras!...

LA FOULE
... à mort!

THERESE
... marchons!

LA FOULE
A mort! à mort! à mort!

(Cris prolongés. La foule s'est précipitée sur Thérèse
qui marche statue vivante, au milieu des cris de haine
et de colère.)




ACTO I


SOLDADOS
(4 barítonos, muy rítmicamente)
Ensillado, embridado, cepillado,
el caballo cabalga para el combate,
¡El soldado camina por todas partes
sin zapatos en sus pies!

(todos los tenores y barítonos; golpean las
culatas de sus fusiles con fuerza en el suelo)

Pero él no se queja
y sigue caminando atento y feliz...

(los 4 barítonos)

... dejando atrás la miseria,

(todos los tenores y barítonos)

¡Buscando la gloria futura!

(Octubre de 1792, en Clagny, cerca de
Versalles. Una esquina del parque. A la
izquierda la escalera de un castillo. Al fondo
una callejuela que se pierde en la lejanía bajo
unos árboles. En la callejuela se ve una fuente
sobre la que caen lentamente las hojas de otoño.
Un banco de piedra a la derecha. Los soldados
se reúnen, formando grupos, aquí y allá, bajo
los árboles, y se disponen a comer, entre fuertes
risotadas)

UN OFICIAL
¡Mañana estaremos en París!
Pero antes, bien que valía la pena echarle
una ojeada a Versalles y al castillo de Clerval.

OTRO OFICIAL
Sobre todo porque muchos de los nuestros,
¡no lo volverán a ver nunca más!

EL 1º OFICIAL
¿Quién sabe?
Se marcha alegre como soldado voluntario y,
si el destino lo quiere, se regresa como general.

EL 2º OFICIAL
Y si queda para siempre allí, caído en el frente,
¡al menos cumplió con su deber!

1º OFICIAL
(a los soldados)
¡Vamos, en pie! ¡Debemos partir ! ¡En marcha!

2º OFICIAL
Pero nuestro anfitrión merece un agradecimiento.

1º OFICIAL
Nuestro anfitrión... ¡y nuestra anfitriona!
Él, hijo de Gironde;
ella, la girondina y señora de este castillo.

2º OFICIAL
¿Señora del castillo?

EL 1º OFICIAL
Thorel, en una subasta,
adquirió el parque y el castillo...
al Marqués antes de que huyera.

2º OFICIAL
¡El Marqués de Clerval... huyó!

1º OFICIAL
Desapareció.

2º OFICIAL
(irónico)
Y los nuevos ricos reemplazan a los marqueses.

(Andrés Thorel aparece en la escalera
acompañado por Teresa. Ambos miran a los
soldados que van y vienen.)

TERESA
¡Pobres! ¡Valientes hombres!!

ANDRÉS
Van a la frontera.

TERESA
A morir.

ANDRÉS
... por la patria,
¡Que es la muerte más hermosa!
Pero, alma mía,
es dulce saborear la vida, aún en el peligro,
cuando se tiene un amor.

(Los soldados ven a Thorel y a Teresa y se
acercan. Uno de ellos grita:¡Viva Thorel!
Los otros repiten el grito.)

EL 1º OFICIAL
(a Thorel)
Gracias en nombre de estos muchachos
que guardarán en su memoria esta parada feliz.
Cuando estén frente,
su último pensamiento respetuoso
será para la ciudadana Teresa.

(A una señal del comandante el tambor
redobla. Los soldados forman en columna.
Antes de partir presentan armas.)

ANDRÉS
(a los soldados)
¡Cumplid con vuestro deber, soldados de la patria!

(con gravedad)

Protejed nuestras casas y nuestra tierra natal.
Nosotros cuidaremos aquí
de vuestras hermanas y madres.

(Después de un último grito de: ¡Viva Thorel! Los
soldados desaparecen a través de los árboles, las
bayonetas brillan al sol)

TERESA
(para sí)
¡Su deber! ¡El deber!

(a Andrés)

¿Sabes cual es mi temor?
El deber que me aleja de ti...
Esperar por ti
con el corazón lleno de angustia...
La soledad es muy dolorosa
para un a corazón de veinte años.

ANDRÉS
¿La soledad?

TERESA
Sí. Tu esposa permanece sola
mientras tú vas a hablar, a luchar, a actuar...
Todos los días nos separamos y, a veces,
asustada, me apoyó en la ventana y te espero...
Con frecuencia me digo: ¿qué estará haciendo?
¡Ah! ¿Qué peligro lo acechará?

(muy dramáticamente)

¿Y si no regresara?
¿Y si no regresara?
Para ti el honor es suficiente para llenar tu vida,
pero para nosotras, ya lo sabes, para una mujer,
el amor es necesario.

ANDRÉS
Pero cuándo regreso, ¿no te consuelas?

TERESA
¿Consuelo?
¡Una desgracia siempre se produce
alrededor de nosotros!

ANDRÉS
Aleja de tu cabeza ese terror; confía en el futuro.

TERESA
El futuro... está lleno de angustia y misterio...
Quisiera salir de esta soledad
y poder respirar el aire de la tarde...
No tener que regresar al inmenso París,
ardiente como una forja
y lleno estruendos y gritos de furia.

ANDRÉS
Pero este lugar no es para nosotros,
ésta no es vida, por eso puse en venta el castillo;
¡Aquí, aquí en esta casa,
cuando yo era el hijo del capataz,
él creció junto a mí!
Ahora es un fugitivo errante, y talvez muerto.
Esto me recuerda los tiempos
de mi juventud...
cuando escapando de la escuela
¡corríamos los dos por estos bosques!

TERESA
¡El Marqués!

ANDRÉS
El querido compañero de niñez, hoy proscripto;

(con otro tono de voz)

Si algún día él regresara al país,
los girondinos le devolverían la casa familiar.

(cantando muy suave y triste)

¡Ojalá que el viento, como a estas hojas muertas,
lo traiga del exilio!

TERESA
El destierro... pero también esto es un destierro...
la vida angustiosa y terrible
con sus vendavales de violencia
que corren por las calles
oprimiendo nuestros corazones...
¡Allí... no tan lejos de aquí, allí, aquella hoguera!

ANDRÉS
Entonces ¿lo que te vuelve triste y silenciosa

(afectuosamente)

no es una pena oculta?
¿El corazón de mi esposa me pertenece
por entero, hoy como ayer?

TERESA
¿Mi corazón? ¿Por qué mi corazón?...
¿Qué quieres decir?

ANDRÉS
¡Ah, perdón, el amor está lleno de temor!...
Pero, querida mía, ¿cómo dudar de ti?

TERESA
¿Si no te amara, no sería una ingrata?
Esta gloria que brilla alrededor
de nuestros dos nombres,
es a ti a quien se la debe Teresa, la huérfana,
y mi deber es darte la felicidad...

ANDRÉS
(afectuoso)
¡Mi felicidad!

(La conduce hasta la fuente cercana)

¡Mi felicidad!
¡Oh, Teresa, mira!...
¡Mira en este agua
el claro espejo de mi corazón!
¡Mi felicidad, querida niña!
¡Asómate, por favor, mira!
Mi felicidad tiene tu rostro, tu sonrisa y tus ojos.
El resto no tiene importancia...
Yo tengo dos esperanzas:
¡o morir por mi patria o vivir junto a ti!

TERESA
¡El amor nos hace vivir!

ANDRÉS
¡Vivir junto a ti!

TERESA
¡Amar es vivir!

ANDRÉS
¡Amar!

ANDRÉS, TERESA
¡Amar es vivir!
¡Es necesario amar!

TERESA
¡Amar es vivir!
¡Es necesario amar!

(se oye lejano el redoble de un tambor.)

ANDRÉS
El batallón se marcha...
Es necesario que cerremos la reja...
Voy a ver si los caballos están listos...
Debo regresar esta noche a París;
no estarás sola aquí mucho tiempo... regresaré...

(al alejarse arroja con la mano un beso a Teresa)

¡Ámame!

TERESA
(a solas)
¡Sí, te amo! Te amo, Andrés... te venero...
La bondad, la dulzura, la devoción, son para ti...
Pero ¿por qué ese dulce nombre que no me
atrevo a repetir, el nombre del exiliado...
Del fondo de mi alma llega un recuerdo...
¿Por qué lo evoco ahora?
¡Armando!... ¡Armando!...
Mis pasos perdidos cruzaron este umbral...
Y este castillo guarda todas mis penas...
Es aquí, que huyendo y huyendo de su patria,
una tarde, una tarde de verano...
lleno de dolor y afiebrado,
me habló de la muerte,
que estaba preparado para desaparecer.
Armando me pidió que conservara mi amor...
Y mi corazón guardó su imagen...
Y este parque nos vio reír y llorar...
¡Oh, mansión de ensueños!...
¡Oh, mansión de fantasmas... es aquí!
¡Ah, aquí yo le dije adiós!
¡En este lugar, con sus penas y encantos,
el apreciado amor revive de nuevo!
¡Oh, mansión del beso supremo!...
¡Es a ti a quien quiero volver a ver!
Querida casa...
Este es el parque que nos vio reír y llorar...
¡Oh, mansión de ensueños!...
¡Oh, mansión de fantasmas... es aquí!
¡Ah, aquí yo le dije adiós!

(Se encamina lentamente hacia la escalera
deteniéndose antes de subir)

¡Aquí, los sueños la ternura!...
¡Allí... allí... la vida... y el deber!

(Entra al castillo. La escena permanece vacía por
un momento. Luego se ve a través de los árboles
a un hombre cubierto con una capa de viaje que
observa a su alrededor tratando de determinar si
es visto por alguien. Después avanza poco a poco
y se detiene)

Escena Muda

(El personaje va hacia la fuente, contempla el
agua dónde las hojas flotan, luego lentamente
se dirige hacia el banco de piedra y lo observa)

ARMANDO
(sólo)
¡El parque!...
¡Y la escalera!... Y el viejo banco...
Mi juventud... mi niñez...
y el suelo en que viví mis primeros juegos...
El castillo de la familia...
y allí, en aquella ventana, donde las imágenes
de mis queridos padres asomaban...
¡Aún me parece verlos!...
Quiero recuperar sus recuerdos y sus sonrisas.
Las manos de mis antepasados
parecen bendecirme...
Quiero recuperar los espíritus de mi infancia.
¡Morada de mis padres, morada de mis amores!
¡Ay! ¿Y a quien le importa
que al proscripto le quiten la vida?
Que perezca en el destierro... lejos de la patria...
de la patria dónde palpita su alma...

(Mira de nuevo el banco, apartando las hojas
caídas sobre la piedra.)

Ella quedó llorando cuando yo la dejé...
Nuestro último adiós estos árboles lo oyeron...
un año ha pasado ya... ¡un año!
Todo parece olvidado,
y hasta la piedra de este banco
donde ambos nos sentábamos,
hoy parece que sea una lápida...

(Observa pegado en los muros del castillo
un bando de las autoridades)

Pero ¿quién puso sus manos sobre estas paredes?
Como un estigma en la frente
de un sagrado antepasado, estampan sus leyes...
¡Ah, que mi mano arranque
estos insultos
a la casa del marqués!

(Apresura sus pasos.)

TERESA
(Impide a Armando arrancar el bando)
¡Desdichado!... ¡Eres tú!

ARMANDO
(con un grito)
¡Teresa!

TERESA
¡Tú! ¡En Francia!

ARMANDO
(con emoción)
En Francia ...y cerca de ti...
junto a mis dos amores.

TERESA
(con dignidad)
Te creía lejos, a salvo.

ARMANDO
Si bien la lucha por mis principios y por mi rey
ha sido interminable,
no temo el peligro, Teresa, soy valiente...
Me dirijo hacia la Vendée
donde fueron mis amigos.

TERESA
¡A la Vendée!

ARMANDO
Disfrazado... errante, apartándome de los caminos
pero con un delicioso estímulo,
quise recuperar y volver a vivir de nuevo
los preciados recuerdos de mi pasado.

TERESA
Aquí...

ARMANDO
En este castillo pleno de tu querida imagen,
en este parque donde transita tu sombra,
cerca de este banco desolado
donde nuestras manos se unieron...
bajo estos ramajes oscuros
donde a nuestros corazones se amaron.

TERESA
(temblando)
¡Calla, calla.
Thorel puede oírnos!...

ARMANDO
(emocionado)
¿Él está aquí?

TERESA
Allí.
Estoy esperando que salga.

ARMANDO
El amigo de mi niñez
y el hombre que te conquistó.

TERESA
Y a quien nosotros traicionamos.
El hombre que me ama y que yo admiro.

ARMANDO
Tu marido.

TERESA
Mi salvador y mi guía.

ARMANDO
¡Ah, calla... calla!...
Déjame creer en lo que fue un sueño...

TERESA
¡Olvídalo!

ARMANDO
¿Olvidarlo? ¡Jamás!
Deseo experimentar la dulzura del pasado...

TERESA
(pensativa)
El pasado...

ARMANDO
(con pasión)
¡El pasado!
¡Tu juventud!... ¡Tu virginal sonrisa!...

(afectuoso)

¡Eres tú! ¡Eres tú!
Es tu miedo... y es tu modestia...
es el suave beso de tus labios..
la mirada profunda de tus ojos...

(tierno y apasionado)

¡Eres tú! ¡Eres tú!
Es el perfume de tu cabello...
de tu cabello de niña...

(mucho más apasionado y a la vez tierno)

¡Eres tú! ¡Eres tú! ¡Tú! ¡Eres tú!!

TERESA
(con decisión)
¡Olvídalo!
No quiero amor, quiero amistad, es mi deber.
Piensa en todas las cosas que nos separan...
El apellido que llevo,
y los peligros que nos acechan.

ARMANDO
¡Teresa!

TERESA
Ella, tu Teresa, posee un nuevo apellido...
Ella juró seguir a su esposo en el peligro...
Marqués, fíjate bien, yo soy una girondina,
y nuestros corazones desunidos
no tienen la misma ideología.

ARMANDO
(apasionado)
Ellos tienen la misma sangre,
nuestros corazones, tienen la misma llama...
No intentes decir lo contrario... mentirías...
¿Por qué viniste a este parque...
a esta casa, donde yo hoy,
he venido a buscarte?

TERESA
(sumamente intranquila)
Yo vine...

ARMANDO
(apremiante)
Viniste hasta este banco a evocar, como yo,
los recuerdos encantadores...

TERESA
(muy emocionada)
¡Olvídalo... olvídalo!...

ARMANDO
¿Olvidarlo? ¿Olvidarte?!
¿Quieres que olvide los deliciosos momentos
en que tu corazón se me entregó? ¡Recuérdalos!
Los árboles de Versalles como los de este parque
guardan nuestros recuerdos...

(íntimo)

Una tarde... una tarde de verano,
la bella muchacha bailó conmigo, el proscripto,
abriendo el baile...
¡Ah, el minué acompasado y lento,
el minué del cortejo, el minué del amor,
en una hermosa tarde de verano!

TERESA
(con melancolía y fascinación)
En la tarde de aquel hermoso verano,
los sueños... los requiebros...
¡Oh, los sueños de los veinte años!...
Los sueños... los requiebros...

ARMANDO
En la tarde de aquel hermoso verano,
los sueños de los veinte años ...
¡El verano de nuestros juramentos!...

TERESA
... los sueños...

ARMANDO
... el verano de nuestro amor...

TERESA
¡Pero el otoño llegó!
Mira... las hojas caen al igual que nuestros sueños.

ARMANDO
(tierno y apasionado)
Las palabras de nuestro juramento...

TERESA
Los sueños, los requiebros...

ARMANDO
... el minué del cortejo, el minué de amor,
en aquella hermosa tarde de verano.

TERESA
... los sueños, los requiebros...

(decidida)

¡Sólo pienso en él, de quien soy la compañera!

ARMANDO
(decidido)
Está bien, me iré, mi lugar está en la Vendée.

(cordial y tierno)

Pero quiero una mirada,
un último pensamiento...
que por última vez me digas que me amas.

TERESA
¡Jamás!

ARMANDO
Teresa, es necesario amar...
Teresa, es necesario volver a vivir...
Dame tu sonrisa en un último adiós...
Permíteme llevarte conmigo,
llevarte en un último beso.

TERESA
(desesperada)
¡Déjame! ¡Déjame! ¡Ah!

ARMANDO
¡Yo te adoro! ¡Te adoro, Teresa!

TERESA
(Corre hacia Andrés que llega)
¡Él!... Nuestro compañero...

ANDRÉS
(con afecto y sinceramente)
¡Armando! ¿Tú? ¡Qué alegría! ¡Armando!

TERESA
... que ya se marchaba.

ANDRÉS
... ¿a morir?

TERESA
¡A morir!

ARMANDO
Es mi deber.

ANDRÉS
¿Dónde está el campo de batalla?...

ARMANDO
¡En todas partes, Andrés,
allí donde uno lucha por sus creencias!

(Anochece. Llega una muchedumbre que entra
en el parque y viene a saludar a Andrés.)

TERESA
(sorprendida y temerosa)
¿Quiénes son estos?

ANDRÉS
(dignamente)
¡No temas!

LA MUCHEDUMBRE
¡Viva Thorel!

ANDRÉS
(a la muchedumbre)
¡Silencio!

(refiriéndose a los soldados de quienes, a través
de los árboles, llega en sonido de su canción.)

¡Escuchad!...
Saludad a quienes van a morir.

SOLDADOS
(lejanos)
Ensillado, embridado, cepillado,
el caballo parte para el combate,
¡El soldado marcha a pie...

EL OFICIAL MUNICIPAL
(acompañado por un guardia nacional, que
lleva una linterna; mirando a Armando)
Pero... vuestro compañero, creo reconocerlo...

TERESA
(para sí)
Está perdido...

ANDRÉS
(manteniendo la calma)
¿Él? ¡Es mi compañero, mi hermano!

(en voz baja, a Armando)

¡Ni una palabra!

(al oficial)

Él me acompaña en el viaje.

ARMANDO
¡Andrés!

ANDRÉS
(por lo bajo a Armando)
Mi casa, es tu refugio...

ARMANDO
(para sí, muy emocionado)
¡Junto a ella!

ANDRÉS
(a la muchedumbre)
Dejad pasar a aquéllos que van a luchar.

SOLDADOS
(más lejanos aún)
Pero él no se queja
y sigue caminando atento y feliz...

(se alejan poco a poco)

Ensillado, embridado, cepillado,
el caballo parte para el combate,
¡El soldado marcha a pie...

TERESA
(para sí, con temor)
¿Qué hice?
Los uní...

(La muchedumbre pasa delante de Andrés
que es saludado por todos con respeto.)

SOLDADOS
Pero él no se queja
y sigue caminando alerta y feliz...

(muy lejanos)

¡Ensillado, embridado, cepillado,

(perdiéndose a lo lejos)

el caballo parte para el combate!
¡El soldado marcha a pie!...



ACTO II


(Junio de 1793. Interior de una casa burguesa
del siglo XVIII con un escritorio lleno de papeles
y una estatuilla de la Libertad sobre el mismo.
Al fondo un gran ventanal que se abre sobre los
muelles de París A lo lejos se ve el Sena. Son
las dos de la tarde. Andrés está sentado en el
escritorio arreglando algunos papeles; Teresa,
de pie, contempla pensativa el río y las casas.
Se oye a lo lejos un sordo redoble de tambores
y vagos rumores indefinidos.)

UN PREGONERO
(desde el exterior, la voz de un niño)
¡Lean el último boletín!
"Nombres y profesiones de los sospechosos".
¡Lean el último boletín!

TERESA
(sombría y preocupada)
¡Día de junio! ¡Día de verano!
Las golondrinas pasan
lanzando su grito de alegría al cielo claro,
al cielo azul...

(con rudeza)

Y los hombres ahí, con sus gritos de odio
que causan en mi corazón una pena profunda.
¡Qué feliz sería en los campos...
en la llanura ...
con los arándanos florecidos
entre las mieses maduras!
¡Qué feliz sería!...
¡Qué feliz sería, lejos del ruido de la ciudad!...
¡Día de junio! ¡Día de verano!
Las golondrinas pasan
lanzando su grito de alegría en el cielo claro,
en el cielo azul...

ANDRÉS
(interrumpiendo su trabajo y mirando a Teresa
con una sonrisa)
¿Qué dices? ¡El tambor te asusta, girondina!

(Suenan los tambores lejanos)

TERESA
(sobriamente)
Sí, ese redoble sordo aumenta mi pena...
¡Ah, si el sonido del tambor pudiera cubrir
las voces siniestras de los pregoneros
que anuncian las listas de los sospechosos!

ANDRÉS
¿Piensas en nuestro amigo?
Pero ¿quién sospecharía que está escondido aquí?
¡Un proscripto en mi casa, imagínatelo!
Sí, yo digo que mi vida resguarda la suya.

(con franqueza)

¡Así es! ¡Ése es motivo orgullo!
La amistad, la santa amistad tiene sus leyes...
sí, que yo bien las conozco.
Las respetaré sin temor, protegiendo al huésped
que se halla en mi morada,
permaneciendo fiel a los dos lemas de mi vida:
¡Amistad y libertad!

TERESA
(señalando la estatuilla)
La libertad, es tu diosa...
¡Ella es la preferida de los mortales!

(suena un violín en la calle que toca el romance
de Fabre de Eglantine "Llueve, pastora")

DOS VOCES
(se oye una voz de mujer y otra de hombre)
"Llueve, llueve pastora,
trae tu oveja blanca...

ANDRÉS
(repitiendo el refrán con irónico enojo)
"Llueve, llueve pastora"
¡Pero llueven los decretos
que proscriben a los pastores!

(gritos lejanos más acentuados.)

UN PREGONERO
(voz de hombre, desde el exterior)
Pidan la lista oficial,
el texto completo de los juicios del día.

(gritos lejanos más estridentes)

TERESA
(con temor)
Siempre, siempre esos gritos...

ANDRÉS
Cierra la ventana...
Parecería que los gemidos de todos esos
encarcelados llegan hasta nosotros...

TERESA
Pero, ¿y él? ¿No podría ocultarse en lugar de...
bajo nuestro techo... lejos de aquí?

(más bajo y emocionada)

¿No podrías obtener un salvoconducto para él?

ANDRÉS
(discretamente)
Ese salvoconducto...
a el nombre de un proveedor militar.
Lo tengo aquí...

TERESA
¿Lo salvarás?

ANDRÉS
Sí, querida, y tú no tendrás que temer más
por nuestro huésped y sólo pensar en ti...

TERESA
¿En mí?

ANDRÉS
... en ti...
Pronto llegará el momento en que libres
podremos con seguridad tener un hogar...
donde acurrucados podremos gozar
del amor que te tengo.

TERESA
(melancólica)
Lejos... en un oscuro refugio...

ANDRÉS
... olvidados...

TERESA
¡Olvidados de todos!

ANDRÉS
... olvidados...

(cambiando de tono, pero amorosamente)

Pero, ¿qué te apena tanto, que tus ojos
parecen perdidos en el vació?

TERESA
(vagamente y muy emocionada)
Busco esa casa, a lo lejos,
donde podremos vivir ocultos... los dos,
olvidándonos de todo... olvidados... los dos.

ANDRÉS
... vivir ocultos... los dos... olvidados...
olvidados... los dos.

(Aparece Morel, que es el portero de la mansión,
vestido con uniforme militar"

TERESA
(a Morel)
¡Ah, es usted!

ANDRÉS
¿Qué ocurre, Morel?

TERESA
¡Morel, mi viejo amigo!

MOREL
(con la voz alterada por la emoción)
¡Allí! Da miedo... ¡allí!...
En las Tullerías se ha concentrado
una enorme muchedumbre enardecida.
Temo que un día de estos
arremetan contra ustedes, los girondinos...

TERESA
¡Gran Dios!

MOREL
La verdad es que hay olor a pólvora...

ANDRÉS
(decidido)
Voy a mi puesto,
a dónde el deber me reclama.
Tú vendrás conmigo, Morel.
¡Adelántate, que yo bajo enseguida!

(Morel sale.)

TERESA
(conmovida)
¡Ah, quizá sea la muerte!

ANDRÉS
(con calma)
¿La muerte? ¿Por qué la muerte?
Cien veces la enfrenté...
¡Una vez más, ella retrocederá!

TERESA
(ansiosa)
¿Te marchas?

ANDRÉS
Y ahora, a él...

(va hacia la puerta del cuarto de Armando)

¡Armando!...

(Armando sale vistiendo ropas distintas
a las del primer acto.)

El peligro es inminente, el tiempo apremia...
¿Y quien sabe, si quizás, mañana
ya no podré protegerte?
¡Elude el peligro! ¡Huye!

ARMANDO
¿Abandonar tu casa?

TERESA
¡Dejar Francia!

ANDRÉS
Es necesario separarnos para siempre...
¡La vida es una permanente partida,
cuya salida final se llama, la Muerte!

(emocionado se acerca a Armando y a Teresa)

Os amé... como yo amo... amor... y amistad.
Vuestros corazones latirán por mí,
vuestros corazones palpitarán por mí
cuando suene la hora y ya no pueda veros.

ARMANDO
(para sí)
¡Adiós, oh sueños!
¡Esperanzas, oh sueños del futuro!
¡Oh sueños, adiós! ¡Todo ha terminado, ay!
¡El día que acaba... ya no es más
que un recuerdo... sólo un recuerdo!

TERESA
(para sí)
¡Oh, sueños!
¡Todo ha terminado! ¡Oh sueños, adiós!
¡Todo ha terminado, ay!
¡Adiós, sueños míos! ¡Adiós!

ANDRÉS
¡Os amé como yo amo! ¡Amor! ¡Amistad!
¡Vuestros corazones latirán...
vuestros corazones palpitarán!
Armando, si quieres, eres libre de marcharte.

ARMANDO
¿Libre?

ANDRÉS
(Le ofrece el salvoconducto)
¡Este salvoconducto te permitirá marcharte!

ARMANDO
¡Marcharme!

TERESA
¡Te salvarás!

ANDRÉS
Este documento te permitirá circular...

ARMANDO
¿Bajo qué nombre?

ANDRÉS
¡Bah! ¡Eso qué importa! ¡Despídete! ¡Márchate!
¡Márchate ya! Nos encontraremos en el suburbio,
y luego... ¡Que Dios te ayude!

TERESA
(a Armando)
¡Sí, sí, márchate ya!...

ARMANDO
(mirando el salvoconducto)
La libertad, la vida...

ANDRÉS
Hasta la noche.
¡Voy donde mis amigos me reclaman!

TERESA
(intranquila)
Allí... la tormenta ruge...

ANDRÉS
Pues bien, ¡enfrentemos la tormenta!
Los rayos caen día y noche... pero el peligro,
la muerte y el odio, yo los enfrento
con todo mi valor y con el amor que siento por ti.

(Armando hace un gesto de dolor. Andrés se
acerca a Teresa y le da un tierno beso en la
frente)

¡Querida mía!

TERESA
(vacilando)
Mi amigo...

ANDRÉS
(tendiendo la mano a Armando)
¡Hasta la noche!

(a Armando que parece dudar en tomar su mano.)

¡Ten confianza!

(mirando la estatuilla de la Libertad)

¡Es por ti por quien yo voy a luchar, oh libertad!

(Envía un último beso a Teresa y desaparece
por la puerta de la derecha.)

TERESA
Me falta el aire...

(Con preocupación y casi desfallecida, cierra
las puertas por las que Andrés acaba de salir.)

ARMANDO
Y yo también... ¡mi corazón se desgarra!
Ante mis ojos, su beso...

(con voz alterada)

¡Su beso... delante mía, qué martirio!
Y su fraternal mano, ofreciéndome la salvación...

TERESA
¡La salvación! ¡Sí, huir, Armando, y sobrevivir!
¡Vete! ¡Vete! ¡No esperes a la noche!
¡Déjame... separémonos ya!

ARMANDO
¿Abandonarte? ¿Qué dices? ¿Qué piensas?
La vida, ¿qué es la vida sin ti?
Lejos de ti, es la muerte... la muerte segura...
¡Lejos de ti!
¡Ah, ese beso! Atroz y cruel estocada...
¡Si me fuera, siempre lo estaría viendo!
¡Sí, entre sus brazos, vería tu imagen,
su cabeza apoyada en ti,
sus labios sobre tus labios!
¡Teresa, óyeme bien, no me iré!

TERESA
Pero, mira esa muchedumbre,
esas picas, esos puños...

(sin aliento)

... esos brazos desnudos
que se alzan como una marejada.
¡Es un torrente humano que fluye,
arrastrando peligros indescriptibles!

(muy conmovida, implorando)

¡Vete! ¡Salva tu vida!... ¡Vete rápido!
¡Abandona las ansias de nuestro corazón!
Vete sin tristeza...vete sin pena.
¡Ah, siempre te guardaré en mi memoria!

ARMANDO
¡No me iré! ¡No partiré!

TERESA
(implorante)
Entonces ¿quieres que muera, Armando?

ARMANDO
¿Me estás echando? ¿Temes, si me quedo,
por el otro, por tu esposo?

TERESA
(emocionada)
¡No, temo más por ti!
Tengo miedo por tu vida,
si tú permaneces aquí, querido mío... amor mío.
¡Algún día el hacha te encontrará,
y te robará mi amor!

ARMANDO
(apasionado)
¡Pues, bien, si es por ti…

(resueltamente)

…viviré!... ¡Vivamos! ¡Vivamos los dos!

TERESA
¿Qué dices?

ARMANDO
¡Ah, sí, ven! ¡Sígueme!

TERESA
(palpitante)
¿Seguirte?

ARMANDO
(tiernamente)
Todos permitirán el paso a la girondina...
¡y así nosotros encontraremos el paraíso soñado!

TERESA
(temblando, emocionada)
¡Armando! ¿Qué piensas?

ARMANDO
Yo pienso en tu ternura...
¡pienso en ese beso que quiero recuperar!

TERESA
¡Armando!

ARMANDO
¡Esposo, ésa es la trampa, la palabra equivocada!
¡Basta de mentiras! ¡Huyamos! ¡Huye conmigo!

TERESA
(perturbada)
¡Ah, tus palabras me asustan!
¡Oh, tus dulces palabras me asustan!

ARMANDO
¡Huye conmigo!
O me dejas morir... O partes conmigo.
¡Elige!

TERESA
(desesperada)
¡Ah, tú, me perderás! ¡Armando!
¡Me has perdido! ¡Pues bien, sí, te adoro y

(abandonándose)

... no te dejaré!

ARMANDO
(fuera de sí, embriagado de emoción)
¿Lo quieres? ¿Quieres así...

TERESA
¡Vivir!

ARMANDO
¿Yo quiero vivir por ti? ¡Contigo!

TERESA
¡Oh, amado mío! ¡Vida mía!
¡Sí, mi corazón se rinde a ti...
mi corazón sólo tiene un único amor!
¡No quiero morir... no! ¡
¡Y no quiero que tú mueras!
¡Dejarán pasar a la girondina
del brazo de su amado que la lleva lejos de aquí!

ARMANDO
¡Sí!

TERESA
¡Lejos... sí! ¡Ah, ven, partamos!
¡Ven, huyamos a una tierra desconocida!
¡Hay países dónde existe el amor!
¡Ven, partamos!
¡Donde el cielo es más dulce... vamos hacia allí!
¡Vayamos a buscar el sueño!
¡Ah, ven, partamos! ¡Ven!
Huyamos hacia esos países lejanos...

(con ímpetu)

¡Vamos, huyamos!
¡Vayamos a buscar el sueño donde tú quieras!
No he conocido en la vida
más que duras obligaciones...

(radiante)

¡Ah, ven! ¡Ven! ¡Vamos, ven!
¡Huyamos lejos de este país!

(Con ímpetu y entusiasmo)

¡Vamos! ¡Vayamos a buscar nuestro sueño

(Con embriaguez)

donde tú quieras!
¡Quiero amar! ¡Quiero amar!

TERESA, ARMANDO
(exultantes)
¡Ven!

(golpean violentamente a la puerta.)

TERESA
(conteniendo el aliento)
¿Quién es?

ARMANDO
(en voz baja)
Si fueran...

TERESA
(angustiada)
Si vienen a detenerte...

(Teresa después de haber hecho que
Armando entre en el cuarto de al lado,
va hacia la puerta y abriéndola decididamente,
aparece Morel.)

¡Morel! ¡Está usted muy pálido!...

MOREL
(conmocionado)
¡Ah, si usted supiera... un infortunio!...

TERESA
¿Un infortunio?

MOREL
Su esposo...

TERESA
Andrés...

MOREL
¡Arrestado!

TERESA
¿Arrestado? ¡Él!

MOREL
Yo salí huyendo...

(con voz sofocada)

"Morel ve con ella y dile que..."

(Se oyen rumores lejanos.)

TERESA
(va hacia la ventana que abre)
Pero ¿esos gritos?...

MOREL
¡Sí... por allí verá una comitiva... sí...
nuestros representantes acusados... ¡acusados!

TERESA
(febril)
¿Dónde los llevan?

MOREL
A la Conserjería.

TERESA
¡Andrés! ¡Andrés!
¡Él, prisionero! ¡Ante el tribunal!

MOREL
¡Desde esta ventana... allí... allí se ven!

(Morel sale aterrado.)

TERESA
(hacia la ventana)
¡Los veo!

(alarmada)

¡Sí, los veo! ¡Dios mío!

ARMANDO
(Sale de su habitación y dirigiéndose a Teresa)
¡Allí!

TERESA
(enérgicamente, deteniendo a Armando
para que no se asome a la ventana)
¡Tú no! ¡No! ¡Tú no!

(señalando el horizonte)

¡Ah! ¡Es horrible! ¡Allí!
¡El sol también está rojo y rojo el Sena!

(Se ve un sol rojizo al fondo, sobre el río.
Aterrada, oprimida)

¡Tarde de junio! ¡Tarde de verano!
¡Las golondrinas pasan mezclando sus gritos
de alegría con nuestros gritos de terror!

ARMANDO
(cordial y apasionado)
¡Pero nosotros iremos a buscar nuestro
sueño donde tú quieras!

TERESA
¡Oh, no, no, son palabras sin sentido! ¡Márchate!

ARMANDO
Me iré; pero al menos júrame
que cuando sepas dónde te espera mi alma,
cuando yo te avise,

(suplicante)

¡vendrás, vendrás conmigo!

TERESA
¡Sí, sí... sí... sí!

ARMANDO
¿Lo prometes? ¡Júramelo!

TERESA
¡Pero, vete, vete ya!

ARMANDO
¡Júreme que cuando lo sepas...

(implorando)

vendrás, vendrás!

TERESA
¡Lo juro! ¡Adiós!

ARMANDO
¡No! ¡Hasta luego! ¡Hasta que volvamos a vernos!

ARMANDO, TERESA
¡Hasta que volvamos a vernos!

(Armando desaparece por la derecha.)

TERESA
¡Está a salvo!

(pensativa)

¡Adiós al querido pasado!
Tendré que confortar mi alma desesperada,
con los recuerdos de un hermoso pasado,

(expresivamente)

... y con el austero deber!
¡Andrés! Palabra cuyo frío acento
hiela mi sangre... el deber de los que viven
y el deber de los que deben morir...

(mirando al exterior, inquieta)

... Pero ¿qué es esa muchedumbre?
¡Ruge! ¡Se acerca!

(con temor)

¡Van hacia el patíbulo, la carreta pasa!

(grito muy lejano)

¡Oigo el grito de muerte! ¿Quién va a morir?

(un grito muy fuerte)

¡Ah! ¡Dios mío! ¿Qué veo? ¿Es él?

(con alarma, declamando)

¡Es Andrés! ¡Andrés! ¡Él! ¡Mi esposo!
¡Andrés que va morir para salvar a otro!

(con desesperación)

¡Andrés! ¡Es mío! ¡Andrés!

(para sí, delirando)

¡Yo podría huir, sí, huir con Armando!

(a Andrés, con ímpetu)

¡Pero quiero unirme a él!
¡Yo te doy mi vida... habiendo llevado tu nombre!

(fuera de sí)

¡Viva el deber! ¡Abajo la guillotina!
¡Andrés! ¡Espera! ¡Espera! ¡Andrés! ¡Míreme!

LA VOZ DE ANDRÉS
(desde el exterior)
¡Teresa!

TERESA
(aturdida)
¡Ah! Andrés! ¡Yo voy contigo!

(con mayor terror)

¡Eh! ¡Vosotros, estúpidos!

(se ríe ferozmente.)

¡Unid a los esposos! ¡Andrés! ¡Quiero morir!

(en el colmo de la exaltación)

¡Andrés!
¡Viva el Rey!

(La muchedumbre grita. Ella de pie junto
a la ventana renueva su grito angustiado)

¡Viva el Rey!

(Nuevo rugido popular desde el exterior. El
cuarto es invadido por una muchedumbre armada
y violenta)

LA MUCHEDUMBRE
(con gritos diversos)
¡Muerte! ¡Al tribunal! ¡A la guillotina!

TERESA
¡Oh, muerte, ábreme tus brazos!...

LA MUCHEDUMBRE
¡A muerte!

TERESA
¡Vamos!

LA MUCHEDUMBRE
¡Muerte ¡Muerte! ¡Muerte!

(Gritos prolongados. La muchedumbre se lanza
sobre Teresa que marcha como una estatua
viviente entre gritos de odio e ira.)



Traducido y Digitalizado por:
José Luis Roviaro 2011