ACTE V


Scène Première

(La Route du Havre)

RIDEAU 

DES GRIEUX 
(seul; assis) 
Manon! Pauvre Manon!
Je te vois enchaînée avec ces misérables! 
Et la charrette passe!
O cieux inexorables,
Faut-il désespérer? 

(apercevant Lescaut) 

Non! C'est lui! 

Scène Seconde

(allant à lui; fiévreusement) 

Prépare ton escorte!
Les archers sont là-bas...
ils arrivent ici.
Tes hommes sont armés?
Ils nous prêtent main forte
Et nous la délivrons! 

(voyant que Lescaut ne lui répond pas) 

Quoi? N'est-ce pas ainsi que tout est convenu?
Tu gardes le silence! 

LESCAUT 
(honteux et avec effort) 
Monsieur le chevalier... 

DES GRIEUX 
(anxieux) 
Eh bien? 

LESCAUT 
Je pense...
Que tout est perdu! 

DES GRIEUX 
Quoi? 

LESCAUT 
(piteusement) 
Dès qu'au soleil ont lui
Les mousquets des archers,
Tous ces lâches ont fui! 

DES GRIEUX 
(éperdu) 
Tu mens! tu mens! 

(avec âme) 

Le ciel a pris pitié de ma souffrance! 
C'est l'instant de la délivrance...
Tout à l'heure Manon va tomber dans mes bras! 

LESCAUT 
(tristement) 
Je ne vous trompe pas! 

DES GRIEUX 
(faisant le geste de le frapper) 
Va-t'en! 

LESCAUT 
(se courbant devant lui) 
Frappez!
Que voulez-vous?
On est soldat... le roi paie assez mal!
Alors, bien malgré soi, 

(Éclatant en sanglots)

On devient un coquin, un homme abominable! 

DES GRIEUX 
(violent) 
Va-t'en! 

(Ils écoutent, interdits.) 

LES GARDES 
(En coulisse) 
Capitaine, ô gué,
Es-tu fatigué
De nous voir à pied!

DES GRIEUX 
(écoutant) 
Qu'est-ce là?

LES GARDES
Mais non! mais non!

LESCAUT 
Ce sont eux, sans doute...

LES GARDES
La Ramée. On n'est pas trop mal

LESCAUT
Je les vois sur la route! 

LES GARDES
Sur un bon cheval
Pour mener l'armée! 

DES GRIEUX 
(voulant s'élancer) 
Manon! Manon! 

(Lescaut l'arrête.) 

Je n'ai que mon épée,
Mais nous allons les attaquer tous deux! 

LESCAUT 
(se récriant) 
Quelle folle équipée! 

DES GRIEUX 
Allons! 

LESCAUT 
Vous la perdrez!
Croyez-moi,
Il vaut mieux prendre un autre moyen... 

DES GRIEUX 
Lequel? 

LESCAUT 
Je vous en prie,
Partons! 

DES GRIEUX 
(résistant) 
Non, non! 

LESCAUT 
Vous la verrez, je le promets! 

DES GRIEUX 
Partir! Lorsque son coeur me crie:
"Viens à moi... "
Non, jamais! 

LESCAUT 
Si vous l'aimez, venez! 

DES GRIEUX 
Ah! si je l'aime!
Quand je veux tout braver;
Quand je voudrais mourir pour elle! 

LESCAUT 
Venez! 

DES GRIEUX 
Quand la verrai-je? 

LESCAUT 
A l'instant même! 

Scène Troisième

(Il entraîne Des Grieux par la gauche.
 Les gardes s'approchent.) 

LES GARDES 
Capitaine, ô gué,
Es-tu fatigué,
De nous voir à pied? 

(La voix des gardes se rapproche peu à peu.) 

Mais non! Mais non! 
La Ramée, on n'est pas trop mal
Sur un bon cheval
Pour mener l'armée!
Capitaine, ô gué,
Est-c'que je boirai au gué!
Capitaine, ô gué! 

(Les gardes paraissent. Les passages suivants
sont parlés) 

GRADES 
(au Sergent) 
Après chanter, il faut boire! 

LE SERGENT 
C'est bien le moins...
Car ce n'est pas la gloire
D'escorter l'arme au bras et de faire embarquer
Des demoiselles sans vertu! 

LES GARDES 
C'est se moquer de nous! 

LE SERGENT 
N'importe! C'est le métier!
Et que disent là-bas les captives? 

UN GARDE 
Oh! rien! Elles ne bougent pas!
L'une d'elles est déjà malade, à demi morte. 

LE SERGENT 
Laquelle? 

UN GARDE 
Eh! celle qui cachait son visage et pleurait 
Quand l'un de nous cherchait à lui parler. 

LE SERGENT 
Manon, alors? 

DES GRIEUX 
(derrière le feuillage) 
O ciel! 

LESCAUT 
(le retenant) 
Silence!
Laissez-moi faire... 

(au sergent, de loin) 

Hé, camarade! 

LE SERGENT 
Un soldat! 

LESCAUT 
Mieux, je pense, un ami! 

(à Des Grieux, bas) 

Avez-vous de l'argent? 

(au Sergent) 

Vous êtes obligeant, 
j'en suis sûr... Je viens donc réclamer un service... 

LE SERGENT 
Et lequel? 

LESCAUT 
C'est... rien que pour un instant
De me laisser causer avec la pauvre fille
Dont vous parliez... 

LE SERGENT 
Pourquoi? 

LESCAUT 
Je suis de sa famille... 

LE SERGENT 
Impossible! 

LESCAUT 
(Il lui donne une pièce de monnaie) 
Ah! 

LE SERGENT 
(regardant si on l'a vu) 
Pourtant... 

LESCAUT 
(nouvelle pièce d'argent) 
En insistant? 

LE SERGENT 
Peut-être... 

LESCAUT 
(lui donnant encore) 
On insiste! 

LE SERGENT 
Ah! ma foi, si vous parlez en maître! 
Accordé! 

(haut) 

Je ne suis pas si noir
Que j'en ai l'air!
Là-bas est le village,
Vous l'y ramènerez vous-même, avant ce soir! 

(aux gardes) 

Détachez-la! 

LESCAUT 
Merci, mon cher et bon voyage! 

LE SERGENT 
N'allez pas, pour me remercier,
Essayer de nous l'enlever! 

LESCAUT 
(levant la main) 
J'en fais mon grand serment
En faut-il davantage? 

LE SERGENT 
Non, d'ailleurs quelqu'un restera
Qui de loin vous surveillera! 

LESCAUT 
Merci, mon cher, et bon voyage! 

LE SERGENT 
En marche, allons! 

DES GRIEUX 
(caché) 
Merci, Dieu de bonté! 

(Les Gardes sortent et disparaissent. 
On entend leur chanson de marche 
qui se perd peu à peu dans le lointain. 
Des Grieux et Lescaut les suivent du 
regard avec anxiété.) 

LES GARDES 
Capitaine, ô gué,
Es-tu fatigué
De nous voir à pied.
Mais non! mais non!
La Ramée, On n'est pas trop mal
Sur un bon cheval
Pour mener l'armée! 

Scène Quatrième

DES GRIEUX 
(encore caché, à Lescaut avec transport) 
Manon! je vais la voir! 

LESCAUT 
Et bientôt, je l'espère
Vous pourrez l'emmener, 

LES GARDES 
(plus loin) 
Capitaine, ô gué! 

DES GRIEUX 
(montrant l'archer laissé là par le Sergent) 
Ce soldat? 

LESCAUT 
J'en fais mon affaire! 

(faisant sonner ce qui reste, dans la bourse) 

J'ai très bien fait de ne pas tout donner! 

(Lescaut remonte) 

LES GARDES
(très au loin)
Pour mener l'armée...

Scène Cinquième

(Manon parait, elle 
descend péniblement et comme brisée 
par la fatigue, le petit sentier.) 

MANON 
(elle pousse un cri de joie en voyant Des Grieux) 
Ah! Des Grieux! 

DES GRIEUX 
(avec ivresse) 
O Manon! 

(presque sans voix) 

Manon! Manon! 

(avec émotion) 

Manon!...
Tu pleures! 

MANON 
(pleurant) 
Oui... de honte sur moi;
Mais de douleur sur toi! 

DES GRIEUX 
(tendrement) 
Manon!
Lève la tête et ne songe qu'aux heures
D'un bonheur qui revient! 

MANON 
(avec amertume) 
Ah! pourquoi me tromper? 

DES GRIEUX 
Non, ces terres lointaines,
Dont ils te menaçaient,
Tu ne les verras pas!
Nous fuirons tous les deux!
Au delà de ces plaines
Nous porterons nos pas! 

(Silence de Manon.) 
Avec affection) 

Manon, réponds-moi donc! 

MANON 
(avec une tendresse infinie; en cédant) 
Seul amour de mon âme!
Je ne sais qu'aujourd'hui la bonté de ton coeur,
Et si bas qu'elle soit, hélas!
Manon réclame pardon, pitié pour son erreur! 

(Des Grieux veut l'interrompre, elle
lui met la main sur la bouche) 

Non! non! encor!
Mon coeur fût léger et volage
Et, même en vous aimant éperdument, 

(très accentué) 

J'étais ingrate! 

DES GRIEUX 
Ah! pourquoi ce langage? 

MANON 
(continuant) 
Et je ne puis m'imaginer
Comment... et par quelle folie...
J'ai pu vous chagriner
Un seul jour de ma vie! 

DES GRIEUX 
(avec effusion) 
Assez! 

MANON 
(tout en larmes) 
Je hais et maudis en pensant
A ces douces amours par ma faute brisées,
Et je ne paierais pas assez de tout mon sang
La moitié des douleurs que je vous ai causées!
Pardonnez-moi! 

(comme étouffée par les sanglots) 

Ah! pardonnez-moi! 

DES GRIEUX 
(attendri et passionné) 
Qu'ai-je à te pardonner...
Quand ton coeur à mon coeur... 

(avec élan) 

... vient de se redonner! 

MANON 
(avec un cri d'ivresse) 
Ah! 

(comme transfigurée) 

Ah! je sens une pure flamme. 

(avec élan) 

M'éclairer de ses feux, 

(s'attendrissant) 

Je vois enfin les jours heureux! 

DES GRIEUX 
(avec transport) 
Ô Manon! mon amour, ma femme,
Oui, ce jour radieux
Nous unit tous les deux!
Voici les jours heureux! 

MANON 
Ah! je sens une flamme
Qui vient m'éclairer de ses feux!
Voici les jours heureux!
Ah! je sens une pure flamme. 

(avec élan) 

M'éclairer de ses feux!
Je vois les jours heureux! 

DES GRIEUX 
Ah! Manon, mon amour, ma femme! 

(avec élan) 

Oui, ce jour radieux
Nous unit tous les deux!
Le ciel lui-même
Te pardonne... je t'aime! 

MANON 
(avec sensibilité) 
Ah! je puis donc mourir! 

DES GRIEUX 
Mourir! non... vivre!
Et sans dangers désormais pouvoir suivre,
Deux à deux, ce chemin où tout va refleurir! 

MANON 
(comme dans un rêve) 
Oui... je puis encore être heureuse... 

(très émue et presque sans voix; doux) 

Nous reparlerons du passé... 

(entrecoupé) 

Du l'auberge... du coche... 

(tendre et lent) 

... et de la route ombreuse... 

(plus agité) 

Du billet par ta main tracé... 

(très ému) 

De la petite table... 

(grave) 

...et de ta robe noire
A Saint Sulpice... 

(avec un sourire triste) 

Ah! j'ai bonne mémoire... 

DES GRIEUX 
C'est un rêve charmant! 

(avec joie) 

Tout s'apprête pour notre liberté! 

MANON 
(de même) 
Partons! Non... 

(faiblissant peu à peu) 

Il m'est impossible...
D'avancer... davantage...
Je sens le sommeil qui me gagne... 

(à part, avec effroi) 

Un sommeil... sans réveil! 

(plus haut, malgré elle; presque parlé) 

J'étouffe... je succombe! 

DES GRIEUX 
(vivement avec inquiétude) 
Reviens à toi...!
Voici la nuit qui tombe...!
C'est la première étoile! 

MANON 
(rouvrant les yeux et regardant le 
ciel avec un sourire; lentement) 
Ah! le beau diamant! 

(à Des Grieux) 

Tu vois... je suis encore coquette! 

DES GRIEUX 
On vient! partons!

(doucement) 

Manon! 

MANON 
(d'une voix éteinte) 
Je t'aime...et ce baiser c'est un adieu... 

(suffocant) 

suprême! 

DES GRIEUX 
(avec désespoir) 
Non! je ne veux pas croire! 
écoute-moi! rappelle toi! 

(avec tendresse et émotion) 

N'est-ce plus ma main que cette main presse? 

MANON 
(vaguement) 
Ne me réveille pas! 

DES GRIEUX 
N'est-elle pour toi plus une caresse? 

MANON 
Berce-moi dans tes bras! 

DES GRIEUX 
Reconnais ma voix à travers mes larmes! 

MANON 
Oublions le passé! 

DES GRIEUX 
Souvenirs pleins de charmes! 

MANON 
(en serrant beaucoup) 
O cruels remords! 

DES GRIEUX 
Je t'ai pardonné! 

MANON 
Ah! puis-je oublier 

(à volonté) 

les tristes jours de nos amours!
Oui, c'est bien sa main que cette main presse,
Ah! c'est bien sa voix! 
oui, c'est bien son coeur! 
c'est bien la tendresse des jours d'autrefois! 
Bientôt renaîtra le bonheur passé!

DES GRIEUX 
Tout est oublié!
N'est-ce pas ma main que cette main presse,
N'est-ce pas ma voix?
n'est-elle pour toi plus une caresse 
tout comme autrefois?
Bientôt renaîtra le passé! 

MANON 
(en défaillant) 
Ah! je meurs! 

DES GRIEUX 
(avec effroi) 
Manon! 

MANON 
(à volonté) 
... il le faut... il le faut! 

(en murmurant) 

Et c'est là l'histoire...de Manon 

(parlé) 

Lescaut! 

(Elle meurt. Des Grieux jette un cri 
déchirant et tombe sur le corps de Manon.) 

RIDEAU 

FIN DE L'OPÉRA.



        
ACTO V 


Escena Primera

(La ruta del Havre)

TELÓN

DES GRIEUX
(solo, sentado)
¡Manón! ¡Pobre Manón!
¡Te veo encadenada con unos miserables!
¡Y pasa la carreta!
¡Oh, destino inexorable!
¿Debo desistir?

(Viendo a Lescaut)

¡No! ¡Es él!

Escena Segunda

(Yendo hacia él, febrilmente)

¡Prepara tus hombres!
¡Los guardias están allí!...
¡Se acercan!
¿Tus hombres están armados?
¡Ellos nos prestarán ayuda
y nosotros la liberaremos!

(Viendo que Lescaut no le responde)

¿Qué? ¿No es así como convinimos?
¡Guardas silencio!

LESCAUT
(avergonzado y con esfuerzo)
Señor caballero...

DES GRIEUX
(ansioso)
¿Y bien?

LESCAUT
Creo que ...
¡Que todo está perdido!

DES GRIEUX
¿Qué?

LESCAUT
(triste)
¡En el momento que el sol centelleó
sobre los mosquetes de los guardias,
todos esos cobardes han huido!

DES GRIEUX
(violento)
¡Mientes! ¡Mientes!

(Con toda el alma)

¡El cielo ha tenido piedad de mi sufrimiento!
¡Es el momento de la liberación!...
¡Enseguida Manón estará en mis brazos!

LESCAUT
(con tristeza)
¡No os engaño!

DES GRIEUX
(haciendo ademán de golpearlo)
¡Vete!

LESCAUT
(inclinándose delante de él)
¡Pegadme!
¿Qué queréis?
¡Soy un soldado... el rey paga bastante mal!
¡Pero a pesar mío,

(Estallando en sollozos)

soy un bellaco, un hombre abominable!

DES GRIEUX
(con violencia)
¡Vete!

(escuchan, desconcertados)

LOS GUARDIAS
(Entre bastidores)
¡Capitán, escucha!
¿Estás cansado
de vernos a pie?

DES GRIEUX
(escuchando)
¿Qué es eso?

LOS GUARDIAS
¡De ninguna manera! ¡De ninguna manera!

LESCAUT
Son ellos, sin duda...

LOS GUARDIAS
¡La Ramée! ¡No está demasiado mal!

LESCAUT
¡Vienen por el camino!

LOS GUARDIAS
¡Cuando estáis sobre un buen caballo
para conducir a la tropa!

DES GRIEUX
(queriendo arrojarse)
¡Manón! ¡Manón!

(Lescaut lo detiene)

¡No tengo mas que mi espada,
pero vamos a atacarlos los dos!

LESCAUT
(exclamando)
¡Qué locura!

DES GRIEUX
¡Vamos!

LESCAUT
¡Vos la perderéis!
Creedme,
será mejor utilizar otro medio...

DES GRIEUX
¿Cuál?

LESCAUT
Os lo ruego,
¡Vámonos!

DES GRIEUX
(resistiendo)
¡No, no!

LESCAUT
¡Vos la veréis, os lo prometo!

DES GRIEUX
¡Partir! Cuando su corazón me grita:
"ven a mí..."
¡No, nunca!

LESCAUT
¡Si la amáis, venid!

DES GRIEUX
¡Ah! ¿Cómo que si la amo?
¡Cuado yo quiero desafiar a todos
e incluso querría morir por ella!

LESCAUT
¡Venid!

DES GRIEUX
¿Cuándo la veré?

LESCAUT
¡Ahora mismo!

Escena Tercera

(arrastra a Des Grieux hacia la
izquierda. Los guardias se aproximan)

LOS GUARDIAS
¡Capitán, escucha!
¿Estás cansado
de vernos a pie?

(La voz de los guardias se aproxima poco a poco)

¡De ninguna manera! ¡De ninguna manera!
¡La Ramée! ¡No está demasiado mal!
¡Cuando estáis sobre un buen caballo
para conducir a la tropa!
¡Capitán, escucha!
¡Puedo beber en el vado!
¡Capitán, escucha!

(Los guardias aparecen. Los siguientes pasajes
son hablados)

GUARDIAS
(al sargento)
¡Después de cantar, es preciso beber!

EL SARGENTO
Es lo mínimo que podemos hacer...
¡No es ninguna gloria
escoltar armados y hacer embarcar
a unas señoritas sin virtud!

LOS GUARDIAS
¡Esto es reírse de nosotros!

EL SARGENTO
¡No importa! ¡Es nuestro oficio!
¿Y que dicen allí abajo las prisioneras?

UN GUARDIA
¡Oh! ¡nada! ¡Ellas no se mueven!
Una de ellas ya está enferma, casi medio muerta.

EL SARGENTO
¿Cuál?

UN GUARDIA
¡Eh! La que esconde la cara y llora
cuando alguno de nosotros intenta hablarle.

EL SARGENTO
¿Manón, entonces?

DES GRIEUX
(detrás del follaje)
¡Oh cielos!

LESCAUT
(reteniéndole)
¡Silencio!
Déjame hacer...

(Al sargento, a lo lejos)

¡Eh, camarada!

EL SARGENTO
¡Un soldado!

LESCAUT
¡Mejor que eso, a mi entender, un amigo....

(A Des Grieux, en voz baja)

¿Tenéis dinero?

(Al sargento)

Vos sois cortés, estoy seguro... 
os voy a pedir un favor...

EL SARGENTO
¿De qué se trata?

LESCAUT
Es... nada más que por un momento
me dejéis hablar con la pobre muchacha
de la que os hablé...

EL SARGENTO
¿Por qué?

LESCAUT
Soy familiar suyo...

EL SARGENTO
¡Imposible!

LESCAUT
(dándole una moneda)
¡Ah!

EL SARGENTO
(mirando si le han visto)
No obstante...

LESCAUT
(le da una nueva moneda)
¿Es necesario insistir?

EL SARGENTO
Puede ser...

LESCAUT
(dándole más)
¡Insisto!

EL SARGENTO
¡Ah! ¡A fe mía, que habláis como un maestro!
¡Prometido!

(en voz alta)

¡No soy realmente tan malo
como parece!
¡Allí abajo está el pueblo,
la traeréis vos mismo al anochecer!

(A los guardias)

¡Desatadla!

LESCAUT
¡Gracias, amigo y buen viaje!

EL SARGENTO
Espero que no trateis
de fugaros con ella. 

LESCAUT
(levantando la mano)
Os doy mi palabra de honor
¿Necesitáis algo más?

EL SARGENTO
No, por otra parte, apostaré a uno de mis hombres
¡que de lejos os vigilará!

LESCAUT
¡Gracias, amigo y buen viaje!

EL SARGENTO
¡En marcha, vamos!

DES GRIEUX
(escondido)
¡Gracias, Dios bondadoso!

(Los guardias salen y desaparecen.
Se oye su canción de marcha que
se pierde poco a poco en la lejanía.
Des Grieux y Lescaut los siguen 
ansiosos con la mirada)

LOS GUARDIAS
¡Capitán, escucha!
¿Estás cansado
de vernos a pie?
¡De ninguna manera! ¡De ninguna manera!
¡La Ramée! ¡No está demasiado mal
cuando estáis sobre un buen caballo
para conducir a la tropa!

Escena Cuarta

DES GRIEUX
(todavía escondido, a Lescaut con delirio)
¡Manón! ¡Voy a verla!

LESCAUT
Muy pronto, espero
poder llevárosla,

LOS GUARDIAS
(desde lejos)
¡Capitán, escucha!

DES GRIEUX
(señalando al soldado dejado allí por el Sargento)
¿Y el soldado?...

LESCAUT
¡Yo he hecho mi tarea!

(Haciendo sonar lo que queda en la bolsa)

¡Lo he hecho muy bien para no dárselo todo!

(Lescaut sube la colina)

LOS GUARDIAS
(muy a lo lejos)
Para conducir a la tropa...

Escena Quinta

(Manón aparece, desciende,
penosamente como destrozada
por la fatiga, por un pequeño sendero)

MANÓN
(da un grito de alegría al ver a Des Grieux)
¡Ah! ¡Des Grieux!

DES GRIEUX
(embriagado)
¡Oh, Manón!

(Casi si voz)

¡Manón! ¡Manón!

(Emocionado)

¡Manón!...
¡Lloras!

MANÓN
(llorando)
¡Sí... avergonzada de mí;
pero de dolor por ti!

DES GRIEUX
(con ternura)
¡Manón!
¡Levanto la cabeza y no sueño más que 
en las horas de felicidad que vuelven!

MANÓN
(con amargura)
¡Ah! ¿Por qué me engañas?

DES GRIEUX
No, esas tierras lejanas,
a las que ellos te envían,
¡Tu no las verás!
¡Huiremos los dos juntos!
¡Más allá de estas llanuras
nos llevarán nuestros pasos!

(Manón permanece e silencio.
Con afectación)

¡Manón, respóndeme!

MANÓN
(con infinita ternura; cediendo)
¡El único amor de mi vida!
Sólo hoy conocí la bondad de tu corazón...
¡Yo he caído tan bajo!...
¡Manón reclama perdón y piedad por sus errores!

(Des Grieux quiere interrumpirla, ella
le pone la mano sobre la boca)

¡No! ¡No! ¡Déjame continuar!
Mi corazón fue frívolo y voluble
incluso cuando te amé apasionadamente,

(Muy acentuado)

¡He sido una ingrata!

DES GRIEUX
¡Ah! ¿Por qué esas palabras?

MANÓN
(continuando)
Y no puedo imaginarme cómo... 
y por qué locura...
¡he podido harcete sufrir
un solo día!

DES GRIEUX
(con efusión)
¡Basta!

MANÓN
(en un mar de lágrimas)
Me odio y me maldigo a mí misma pensando
en ese dulce amor que por mi culpa se ha roto,
y toda mi sangre no sería suficiente para pagar
la mitad de los dolores que te he causado.
¡Perdóname!

(Ahogándose por los sollozos)

¡Ah! ¡Perdóname!

DES GRIEUX
(enternecido y apasionado) 
¿Que yo te he de perdonar?...
¡Cuando tu corazón y el mío...

(Con ímpetu)

... acaban de volver a encontrarse!

MANÓN
(con un grito de embriaguez)
¡Ah!

(Como transfigurada)

¡Ah, siento una llama pura!

(Con ímpetu)

que me ilumina con su fuego,

(Enternecida)

veo llegar al fin la felicidad!

DES GRIEUX
(transportado)
¡Oh, Manón, mi amor, mi mujer!
¡Sí, este día radiante
nos une a los dos!
¡Ha llegado la felicidad!

MANÓN
¡Ah! ¡Siento una llama
que me ilumina con su fuego!
¡Ha llegado la felicidad!
¡Ah! ¡Yo siento una llama pura.

(Con ímpetu)

que me ilumina con su fuego!
¡Veo llegar al fin la  felicidad!

DES GRIEUX
¡Ah! ¡Manón, mi amor, mi mujer!

(Con ímpetu)

¡Sí, este día radiante
nos une a los dos!
El mismo cielo te perdona... 
¡Te amo!

MANÓN
(con sensibilidad)
¡Ah! ¡Ya puedo morir!

DES GRIEUX
¡Morir! ¡No... vivir!
¡Y sin temor poder seguir juntos 
el camino donde todo volverá a florecer!

MANÓN
(como en un sueño)
Sí.. Todavía puedo ser feliz...

(Muy emocionada casi sin voz; con dulzura)

Recordaremos el pasado...

(Entrecortada)

el albergue... el coche...

(Con ternura y lentamente)

... y el camino sombrío...

(Más agitada)

...la carta escrita por tu mano...

(Muy emocionada)

...la pequeña mesa...

(Con gravedad)

... y la ropa negra
de San Sulpicio...

(Con una sonrisa triste)

¡Ah! Tengo buena memoria...

DES GRIEUX
¡Esto es un sueño encantador!

(Con alegría)

¡Todo está listo para nuestra libertad!

MANÓN
(igualmente)
¡Vámonos! No...

(Debilitándose poco a poco)

es imposible para mí...
avanzar... más lejos...
Siento que el sueño me gana...

(Aparte, con esfuerzo)

¡Un sueño... sin despertar!

(Más alto, a pesar suyo; casi hablado)

Me ahogo... ¡muero!

DES GRIEUX
(vivamente con inquietud)
¡Vuelve en ti...!
¡Ya anochece...!
¡Ésa es la primera estrella!

MANÓN
(Abriendo lo ojos y mirando al cielo
con una sonrisa; lentamente)
¡Ah! ¡El bello diamante!

(A Des Grieux)

¿Ves?... ¡Todavía soy coqueta!

DES GRIEUX
¡Alguien viene! ¡Vámonos!

(Con dulzura)

¡Manón!

MANÓN
(con una voz que se apaga)
Yo te amo... y este beso es el final...

(Sofocándose)

¡Adiós!

DES GRIEUX
(con desesperación)
¡No! ¡No quiero creerte! 
¡Escúchame! ¡Recuerda!

(Con ternura y emoción)

¿Mi mano no apretará nunca más esta mano?

MANÓN
(vagamente)
¡Desfallezco!...

DES GRIEUX
¿No habrá nunca más para ti una caricia?

MANÓN
¡Méceme entre tus brazos!

DES GRIEUX
¡Reconoce mi voz entre mis lágrimas!

MANÓN
¡Olvidemos el pasado!

DES GRIEUX
¡Recuerdos llenos de encanto!

MANÓN
(estrechándose mucho)
¡Oh, crueles remordimientos!

DES GRIEUX
¡Yo te he perdonado!

MANÓN
¡Ah! ¡Puedo olvidar

(Con esfuerzo)

los días tristes de nuestro amor!
Sí, es su mano apretando la mía...
¡Ah! ¡Es realmente su voz!
¡Sí, es realmente su corazón!
¡Es la ternura de los días pasados!
¡Muy pronto renacerá la felicidad pasada!

DES GRIEUX
¡Todo está olvidado!
¿No es mi mano la que aprieta esta mano?
¿No es mi voz?
¿No habá para ti nunca más una caricia
como otras veces?
¡Muy pronto renacerá el pasado!

MANÓN
(desfalleciendo)
¡Ah! ¡Me muero!

DES GRIEUX
(con espanto)
¡Manón!

MANÓN
(con esfuerzo)
¡... como debe de ser... como debe de ser!

(Murmurando)

Y esta es la historia ... de Manón

(Hablado)

Lescaut!

(muere. Des Grieux da un grito
delirando y cae sobre el cuerpo de Manón)

TELÓN

FIN DE LA ÓPERA



Escaneado y Traducido por:
Rafael Torregrosa Sánchez 2001