JOSÉ EN EGIPTO

 

 

 

Personajes

 

JACOB

JOSÉ

BENJAMÍN

SIMEÓN

NEFTALÍ


RUBÉN


UTOBAL
 

                       Patriarca hebreo
                        
                        Hijo de Jacob
                      
                        Hijo de Jacob
                   
                        Hijo de Jacob
                      
                        Hijo de Jacob  
                       
                        Hijo de Jacob

                     Confidente de José
 

                                    Bajo

                         Contratenor


                     Mezzosoprano

                              Barítono
 
                                  Tenor

                                  Tenor

                                    Bajo
 


 

 

La acción transcurre en Menfis, capital de Egipto, sobre el siglo XVIII ó XVII a. C.

 

 

ACTE  PREMIER
 
 
(
Le théâtre représente l'intérieur du palais de Joseph)

Scène Première

JOSEPH
(Seul)

Air
Vainement Pharaon, dans sa reconnaissance;
S'empresse à flatter mes désirs;
Au milieu des honneurs, de la magnificence,
Mon coeur est tourmenté
par d'amers souvenirs.
Champs paternels, Hébron, douce vallée!
Loin de vous a langui ma jeunesse exilée,
Comme au vent du désert se flétrit une fleur.
O mon père! ô Jacob! dans une pure ivresse,
Tu m'appelais l'espoir, l'appui de ta vieillesse,
Et sans moi tu vieillis en pleurant mon malheur!
Frères jaloux, troupe cruelle!
C'est vous, dont la main criminelle
A son amour m'osa ravir.
Avez-vous pu voir sans frémir,
Ses pleurs, sa douleur paternelle?
Ingrats! je devrais vous haïr,
Et pourtant, malgré mes alarmes,
Malgré cet affreux souvenir,
Si vous pouviez vous repentir,
Je serais touché de vos larmes.

Scène Seconde

(Joseph, Utobal)

UTOBAL
Quoi! toujours, Seigneur, ce sombre chagrin?
Qui peut espérer d'être heureux, si le grand
Cléophas ne l'est pas?
Ministre de Pharaon,
vous partagez la puissance avec lui.
Votre sage prévoyance a sauvé
l'Egypte de la famine.
Les grands vous respectent;
le Roi vous aime, le peuple vous adore;
les honneurs réservés aux rois seuls
se préparent pour vous; et demain, d'un
char de triomphe, vous pourrez contempler
tous les heureux que vous avez faits.

JOSEPH
Par mes soins, il est vrai, les Egyptiens
connaissent l'abondance.
Mais, mon cher Utobal, dans
les autres climats n'est-il pas d'autres hommes?

UTOBAL
Et que vous importe, Seigneur?
êtes-vous chargé du soin de veiller
au salut de tout l'univers?

JOSEPH
Je le vois: tu ignores ma destinée,
ou tu feins de l'ignorer.

UTOBAL
Je sais seulement qu'éclairé par un Dieu inconnu
sur les bords du Nil, vous prédîtes, il y a neuf
ans, à Pharaon,
le sort réservé à ses peuples.
Votre sagesse lui parut si grande, qu'il vous donna
son anneau, qu'il vous appela du
nom de Cléophas,
et qu'il vous remit le soin de son empire.

JOSEPH
Quoi! tu ne sais pas que, né parmi les Hébreux,
je fus conduit sur ces bords?
Ignoré dans la foule des esclaves,
victime de l'odieuse perfidie d'une femme,
je languis plusieurs années dans une
affreuse prison, et je n'en sortis que
pour parvenir aux honneurs les plus grands.

UTOBAL
Je l'ignorais, Seigneur.

JOSEPH
Eh bien! apprends mes infortunes.
Je suis né d'un sang qu'en ces lieux
on ne peut nommer illustre,
puisque je dois le jour à l'un de ces pasteurs
dont les troupeaux nombreux
couvrent les rives du Jourdain.
Jacob est le nom de mon père.
Petit-fils d'Abraham, par ses rares vertus,
comme son aïeul, il eut des droits à la faveur
céleste, et, comme lui, il fit alliance
avec le Seigneur.
Douze enfans composaient sa famille.
J'étais l'aîné des deux fils de Rachel
sa bienaimée.
Jacob me chérissait tendrement;
mes frères en conçurent de la jalousie,
et, sans le mériter, j'attirai sur moi leur haine.
Tu vas en connaître l'effet.

Romance
A peine au sortir de l'enfance,
Quatorze ans au plus je comptais;
Je suivis avec confiance,
De méchans frères que j'aimais.
Dans Sichem, au gras pâturage,
Nous paissions de nombreux troupeaux;
J'étais simple comme au jeune âge,
Timide comme mes agneaux.
Près de trois palmiers solitaires,
J'adressais mes voeux au Seigneur:
Tout-à-coup saisi par mes frères,
O souvenir rempli d'horreur!
Au fond d'un sombre et froid abîme,
Ils me plongent dans leurs fureurs,
Quand je n'opposais à leur crime
Que mon innocence et mes pleurs.
Hélas! près de quitter la vie,
Au jour enfin je fus rendu.
A des marchands de l'Arabie,
Comme un esclave ils m'ont vendu.
Tandis que du prix de leur frère,
Ils comptent l'or qu'ils partageaient,
Hélas! moi, je pleurais mon père!
Et les ingrats qui me vendaient.

UTOBAL
Eh quoi! Seigneur, depuis que vous jouissez
de la faveur de Pharaon, depuis que votre main
s'étend sur tout l'univers,
vous ne vous êtes point vengé de ces perfides?

JOSEPH
Utobal, ils sont mes frères.

UTOBAL
Votre Dieu les a punis, sans doute.
La famine qui désole le monde entier....

JOSEPH
Cruel! songe-tu qu'ils vivent près de mon père?
Hélas! bien loin d'accroître leurs maux,
j'ai su les soulager.
Des émissaires envoyés secrètement ont ramené
l'abondance dans le Chanaan; mais
depuis quelque tems, cher Utobal, que mes
ennemis, jaloux de mon élévation
et du bien que j'ai fait, empêchent Pharaon
de regarder tous les malheureux comme ses
sujets; depuis qu'il a défendu de porter aucun
secours aux étrangers, ma famille entière
languit en butte aux premiers
besoins de la vie.
Mon père succombe peut-être
aux horreurs de la faim.
Ah! cette idée me fait verser des pleurs.

UTOBAL
Calmez, Seigneur...

JOSEPH
Je l'ai résolu, Utobal;
il faut que tu partes à l'instant pour la vallée
d'Hébron; il faut que tu voies
Jacob, hélas! s'il vit encore.
Il faut que tu lui dises qu'il vienne avec sa famille,
ses serviteurs et ses troupeaux.
Ah! si le destin de tout un peuple
ne me retenait pas en ces climats,
je serais allé me précipiter à ses pieds. –
Mais voici l'heure où tout le peuple rassemblé
sur les places publiques attend avec impatience
les secours que mes soins prévoyants lui
ont réservés: je cours où mon devoir m'appelle.
Toi, cher Utobal, reste ici;
rassemble tes esclaves et tes chameaux,
et songe enfin que de ton zèle dépend
peut-être le bonheur de ma vie.

Scène Troisième

UTOBAL

(seul)
Quel homme! quelles vertus!
oui, sans doute, c'est un Dieu qui l'inspire;
et depuis qu'il gouverne
l'Egypte, il y fait régner à la fois l'équité,
l'innocence et la paix.
Mais songeons à remplir ses
ordres, et que bientôt....

Scène Quatrième

(Utobal, un officier)

L’OFFICIER
Seigneur, des étrangers demandent à parler
à Cléophas: en vain je leur refuse l'entrée de ce
palais, ils ne veulent point se retirer.

UTOBAL
Et que prétendent donc ces téméraires?

L’OFFICIER
Je l'ignore. Ils paraissent bien malheureux;
leurs vêtements annoncent la pauvreté,
et mes refus les font pleurer et gémir.

UTOBAL
Mais enfin quelle est leur patrie?

L’OFFICIER
Ils se disent Hébreux;
ils arrivent de Chanaan.

UTOBAL
Ils arrivent de Chanaan!
Allez; qu'on les introduise dans cet appartement,
et qu'ils obtiennent de vous
et des honneurs et des respects.

(à part)
 
Quelle nouvelle!

(L'officier sort)
 
Courons vite en instruire Cléophas.
Je vais calmer ses inquiétudes en lui portant
l'espoir de connaître bientôt
les destins de son père.

(Il sort)

Scène Cinquième

(L'officier, les étrangers)

L'OFFICIER
(aux étrangers)
Etrangers, rassurez- vous; le grand Cléophas
consent à vous voir, à vous entendre:
bientôt il va paraître à vos regards.

(Il sort)

Scène Sixième

(Les fils de Jacob)

RUBEN
Oui, mes frères, prenons confiance au Dieu
de nos pères. Le grand Cléophas,
ce bienfaiteur de l'Egypte,
nous accordera sans doute un asile dans
cette contrée, qui, malgré sa stérilité,
peut encore offrir le bonheur.

NEPHTALI
Oui, Dieu l'a dit à notre père, à l'instant
qu'il sacrifiait sur la pierre d'alliance:
Jacob, c'est en Egypte que tu trouveras
la fin de tes maux.

SIMÉON
Et moi, c'est en Egypte que j'éprouve toutes
les horreurs du remords.

RUBEN
Pourquoi donc es-tu plus malheureux ici?

SIMÉON
(bas à ses frères)
N'est-ce pas dans ces climats que Joseph....

NEPHTALI
Eh quoi! toujours penser au malheureux Joseph!
Dieu nous a pardonné, sans doute, puisqu'il
nous a conduits dans cette terre hospitalière.

SIMÉON
Non; le Seigneur a retiré sa protection
aux coupables fils de Jacob.

NEPHTALI
N'es-tu pas le témoin de ses bontés?
il nous sauve de la famine qui désole Chanaan.

SIMÉON
C'est moi, c'est vous tous qui êtes les auteurs
des calamités qui affligent le genre humain.

RUBEN
Et quels grands crimes avons-nous donc commis?

SIMÉON
Tu le demandes, Ruben,
et tu le demandes à Siméon?

NEPHTALI
Quoi donc! une seule faute doit-elle empoisonner
toute notre vie?

SIMÉON
Vous appelez une faute, abuser de la force
et du nombre contre l'innocence et la jeunesse!
Ah! si ce n'est qu'une faute, elle pèse sur
mon cœur comme un crime,
et empoisonne tous les instants de ma vie.

RUBEN
Calme-toi, Siméon, au nom
de notre Dieu qui pardonne.

NEPHTALI
Par les cheveux blancs de notre père,
qui nous maudirait tous.

SIMÉON
Pourquoi, si vous craigniez de voir paraître
mes remords, m'avoir conduit dans ces climats qui
me rappellent mon forfait?
Que ne m'abandonniez- vous
dans les vallons de Sichem?
que ne m'y laissiez-vous devenir la proie
de la famine et du désespoir?

RUBEN
Ingrat! tu nous reproches l'amitié
que nous avons pour toi!

SIMÉON
L'amitié que vous avez pour moi! Il fallait donc
me la prouver à l'instant où, par mes perfides
conseils, j'excitai votre haine contre
le vertueux Joseph.

NEPHTALI
Tu m'as vu pleurer sur son sort,
et même, pardonne-moi, je t'ai maudit, Siméon.

SIMÉON
Et que pouvait ta malédiction?
l'Eternel m'avait déjà frappé de la sienne.
Au lieu de me maudire, il
fallait me percer du même poignard dont
je voulais assassiner Joseph.

NEPHTALI
N'étais-tu pas mon frère?

SIMÉON
Joseph n'était-il pas le mien?

RUBEN
Combien ton égarement nous afflige!

NEPHTALI
Siméon, reviens à toi.

Morceau d'ensemble.

SIMÉON

Non, non, l'Eternel que j'offense
M'accabla du poids de mes maux;
Et sur mon front, dans sa vengeance,
Son doigt divin traça ces mots:
« Mortels, fuyez un misérable;
Il n'a plus de parents, d'amis;
Des bras d'un père inconsolable
Il ravit le plus tendre fils ! »

LES FRÈRES
O Siméon! malheureux frère!
Calme cette affreuse douleur.
Quand tu parles de notre père,
Ah! tu nous déchires le cœur!

SIMÉON
Quand pour apaiser ma souffrance,
Je cours embrasser mes enfants,
De Dieu la terrible puissance
Me suit dans leurs bras caressants.
Malgré leur naïve innocence,
Je sens redoubler mon effroi;
Je lis aux traits de leur enfance
Qu'ils seront ingrats comme moi.

LES FRÈRES
Console-toi, malheureux frère!...

SIMÉON
Je suis puni par le Seigneur.

LES FRÈRES
Ah! songe à nous, songe à ton père!

SIMÉON
Sur moi pèse son bras vengeur.

(On entend des fanfares)

LES FRÈRES
Paix, Siméon! faisons silence.
Déjà la garde vient vers nous.
C'est le ministre qui s'avance:
Siméon, garde le silence.

SIMÉON
Frappé du céleste courroux,
Pourrai je garder le silence?

LES FRÈRES
Faut-il embrasser tes genoux?
Cruel! veux-tu nous perdre tous?

Scène Septième

(L'officier, les précédents)

L’OFFICIER
Etrangers, Cléophas va bientôt
paraître à vos regards.
Songez à lui rendre les honneurs qu'il a
droit d'attendre de tous les hommes;
songez qu'il représente le grand Roi
dont il est le plus ferme appui...
Inclinez vos fronts devant sa puissance....
Le voici....

Scène Huitième

(Cléophas, Utobal, les précédents)

UTOBAL
(bas à Joseph)
Oui, Seigneur, voilà ces étrangers
qui se disent Hébreux.

JOSEPH
A leur aspect que mon cœur est ému!
Si, parmi eux, j'allais reconnaître
quelques-uns de mes frères!

RUBEN
Seigneur, nous embrassons vos genoux.

JOSEPH
(s'avançant vers eux)
Etrangers, relevez- vous

(Se retournant, à Utobal)
 
Que vois-je, Utobal? mes yeux ne me trompent
point: ce sont mes frères.

UTOBAL
Est-il possible?

RUBEN
Vous voyez des malheureux qui viennent au
nom de tout un peuple implorer votre assistance.

JOSEPH
(bas à Utobal)
Voilà Ruben, l'aîné de mes frères.

NEPHTALI
Fils d'un simple pasteur, nous ne connaissons
point les richesses.
Nous déposons à vos pieds ce
que nous avons de plus précieux.
Dédaignerez-vous, Seigneur, les parfums
que, dans nos solennités,
nous brûlons en l'honneur de l'Eternel?

JOSEPH
(bas à Utobal)
C'est la voix de Nephtali: c'est le seul
qui répandit les larmes sur mon sort.

UTOBAL
(bas à Joseph)
Cachez votre émotion, Seigneur.

RUBEN
Ministre bienfaisant! ô vous! dont la sage
prévoyance a sauvé tous les peuples d'Egypte,
nous pardonnerez-vous si, sur le bruit
de votre renommée, nous sommes accourus
vers vos climats?
Hélas! la terre d'Hébron, la plaine de Dothaïm,
les vallons de Sichem, tous ces beaux lieux, si
riches autrefois,
sont frappés de stérilité.
La famine détruit tous les jours
les enfants du Seigneur.
Israël est forcé d'abandonner sa patrie
et l'autel élevé par ses mains
à la gloire de l'Eternel.

JOSEPH
(à part)
O malheureuse contrée!

(haut)

Eh quoi! tout votre peuple s'est jeté dans l'Egypte?
Mais quels sont donc vos titres à la
bienfaisance de Pharaon?

RUBEN
Ceux du malheur.
Ah! ne rejetez pas les enfants de Jacob.

JOSEPH
Jacob est donc le nom de votre père?

RUBEN
Oui, Seigneur. Ce vénérable vieillard,
comme vous chéri de tout un peuple,
accueille le malheur, loue Dieu,
aime ses enfants,
et fait tout pour le bonheur des hommes.

JOSEPH
(à part)
O mon père!

NEPHTALI
Le ciel a daigné le conserver à ses enfants.

JOSEPH
(à part)
Je te rends grâces, ô mon Dieu!

NEPHTALI
Les nombreuses années qui l'accablent,
sans rien ôter à la force de son âme,
ont seulement affaibli ses organes.
Hélas! il ne peut plus voir ses enfants.

JOSEPH
Et comment avez-vous pu quitter votre père, le
laisser sans appui dans votre malheureux pays?

RUBEN
Seigneur, Jacob est avec nous:
notre Dieu l'ai permis.

JOSEPH
Pourquoi ne le vois-je pas ici?
l'auriez-vous laissé seul?

RUBEN
Notre plus jeune frère,
Benjamin, ne le quitte jamais.

JOSEPH
(bas à Utobal)
Benjamin! cet enfant que ma mémoire
me rappelle maintenant....
Ah! mon cœur peut à peine
supporter l'excès de son bonheur!

(Haut)

Et verrai-je bientôt votre père?

RUBEN
Accompagné de nos femmes,
de nos enfants et de nombreux serviteurs,
il traverse encore le désert.
Nous avons cru, Seigneur, devoir le précéder
pour implorer votre protection
pour sa famille entière.

JOSEPH
Vous l'obtiendrez, fils de Jacob; oui,
vous obtiendrez un asile auprès de moi.

RUBEN
Vous nous permettez donc, Seigneur,
de dresser nos tentes dans cette plaine
d'où l'on découvre la riche Memphis?

JOSEPH
Je pourvoirai moi-même à vos besoins,
étrangers; vous apprendrez combien j'honore
la vieillesse et le malheur.

RUBEN
Ah! Seigneur, notre reconnaissance...

(Tous les Frères se précipitent à genoux)

JOSEPH
(attendri)
Relevez-vous, mes f...
Utobal, quel moment! mon cœur ému...
Mes f... étrangers, relevez-vous.
Mais, dites-moi, tous les fils de Jacob
sont-ils devant mes yeux?
Votre vénérable,
père n'en, a-t-il point à regretter?

NEPHTALI
Pardonnez-moi, Seigneur, la mort nous a ravi
notre frère Joseph.

SIMÉON
(égaré)
Qui parle de Joseph?

JOSEPH
(à part)
C'est Siméon: malgré moi j'ai frémi.

SIMÉON
(s'avançant)
Oh! non, la mort ne l'a point ravi:
Il vit, je l'espère;
c'est la seule consolation qui me reste.

Finale

UTOBAL

Quel trouble vous saisit, Seigneur!

JOSEPH
Ah! son aspect me fait horreur.

LES FRÈRES
(à Siméon)
De grâce, calme ta fureur.
Déjà le trouble qui t'égare
Dans ces lieux répand la terreur.

JOSEPH
(bas à Utobal)
C'est Siméon, c'est le barbare
Qui voulut me percer le cœur.

UTOBAL
(bas à Joseph)
Dites-moi quel est le barbare
Qui voulut vous percer le cœur?

JOSEPH
(bas à Utobal)
Tes yeux doivent le reconnaître.
Vois, sur son front est la pâleur:
Son aspect est celui d'un traître;
Le désespoir est dans son cœur.

LES FRÈRES
(à Siméon)
Hélas! crains de faire paraître
Et tes remords et ta douleur.

SIMÉON
Ah! De mes transports suis-je maître,
Quand le remords est dans mon coeur!

Ensemble

JOSEPH

Reprenons mon empire
Sur ce cœur agité,
Et d'un frère en délire
Plaignons la cruauté.

UTOBAL
Reprenez votre empire
Sur ce cœur agité,
Et d'un frère en délire
Plaignez la cruauté.

LES FRÈRES
Ah! reprends l'empire
Sur ton cœur agité,
Et vois de ton délire
Cléophas irrité.

SIMÉON
Reprenons l'empire
Sur mon cœur agité,
Hélas! de mon délire
Je suis épouvanté.

JOSEPH
(noblement)
Allez tous au-devant d'un père,
Et dites-lui que Cléophas
Offre à son peuple qu'il révère
Un asile dans nos climats.

LES FRÈRES
Ah! Seigneur, quelle est notre joie!
Pour Israël, quel heureux sort!
Sans vous, nous serions tous la proie
De la famine et de la mort.

JOSEPH
Cher Utobal, quelle est ma joie!
D'un père, je change le sort.
Sans moi, Jacob serait la proie
De la famine et de la mort.

UTOBAL
Tout un peuple dans l'abondance,
Seigneur, vous adresse ses voeux.
Hors du palais, la foule immense,
Des chants de la reconnaissance
Déjà fait retentir ces lieux.

CHOEUR
(du dehors)
Honneur au bienfaiteur du monde!
Honneur au sauveur des humains!

JOSEPH
(à Utobal)
Il faut que ton zèle seconde
Pour mon père
mes tendres soins.

LES FRÈRES
Rassurons-nous: tout nous seconde;
Cléophas change nos destins.

CHOEUR
(du dehors et des Frères)
Honneur au bienfaiteur du monde!
Honneur au sauveur des humains!

 

ACTE  DEUXIEME



(Le théâtre représente la vue extérieure de Memphis.
Sur le devant sont des tentes; la première est très-riche:
elle est fermée. Il est nuit)


Scène Première

(Utobal, Joseph)

JOSEPH
Utobal, dispose ma garde autour de ces lieux;
empêche que les habitants de Memphis
Ne viennent troubler le culte des Hébreux.

UTOBAL
Vos ordres seront suivis, Seigneur.
Mais dois-je vous laisser seul
parmi ces étrangers?

JOSEPH
Tu sais qu'ils ne le sont pas pour moi.

UTOBAL
Mais au milieu de cette obscurité, pourrez- vous,
Seigneur, vous reconnaître?
Ce camp jeté sans ordre....

JOSEPH
Laisse à mon cœur le soin de me conduire
à la tente de mon père.

UTOBAL
C'est la vôtre, Seigneur. –
Jacob est loin de se douter qu'il repose
sur les riches coussins qui servent
à son fils dans nos solennités.

JOSEPH
Eh! que lui fait la pompe orgueilleuse des Rois?
Il ne voit que la gloire de son Dieu, que le
bonheur de ses enfants.
Un doux frémissement lait déjà palpiter mon cœur...
Oui, l'espoir de le revoir bientôt....

UTOBAL
Ne cédez pas, Seigneur, à votre émotion.
La joie a des effets funestes, et votre père,
affaibli par l'âge et la douleur...
Attendez au moins que rendu
dans votre palais...

JOSEPH
Ah!
pourrai-je contenir les élans de mon cœur?
Mais, retourne à Memphis.

UTOBAL
N'oubliez pas, Seigneur, qu'au lever du soleil
le triomphe vous attend.
Déjà tout se prépare,
et le peuple, impatient de contempler
les traits de son bienfaiteur....

JOSEPH
Aujourd'hui, que ces honneurs me pèsent!
Maintenant je ne puis éprouver qu'un plaisir:
celui de me retrouver dans le sein d'Israël.
Mais le tems presse;
pars, et reviens aux premiers rayons du jour.

(Utobal sort)

Scène Seconde

JOSEPH

(seul)
Je vais donc revoir ce vieillard vénérable, qui, dès
ma plus tendre enfance, m'a tant montré d'amour!
O Jacob! bientôt tu vas revoir ton fils bien-aimé!
Pourrai-je résister à ma tendresse?
il le faut pourtant. Mais, que vois-je?
cette riche draperie qui brille dans les ténèbres...
N'en doutons pas, c'est l'asile de Jacob.
Entrons, appelons...
Mais, non: dois-je troubler son repos?

Scène Troisième

(Siméon, Joseph)

SIMÉON
Tous les enfants d'Israël dorment en paix:
moi seul je veille. –
O Siméon! la main de l'Eternel s'est
appesantie sur toi!

JOSEPH
Je veux obtenir de lui la grâce de mes frères.

SIMÉON
Je crains toujours de rencontrer des hommes.
Je crois toujours les entendre me reprocher mon
crime, et, malgré moi, mon fatal secret
est prêt à m'échapper.

JOSEPH
O Siméon! c'est toi que je plains le plus!

SIMÉON
Siméon! on m'appelle: écoutons.

JOSEPH
En vain tu veux te fuir,
le remords est dans ton cœur.

SIMÉON
Oui, oui, le remords m'accable.

JOSEPH
Joseph, sans cesse présent à ta pensée,
porte le désespoir dons ton âme.

SIMÉON
(s'avançant vers Joseph)
O qui que tu sois! qui lis
dans le cœur des coupables,
ne révèle pas mon crime!

JOSEPH
Qui donc est ici?

SIMÉON
N'as-tu pas nommé Siméon?
n'as-tu pas parlé de mes remords?

JOSEPH
(reconnaissant Siméon)
Infortuné! c'est toi.

SIMÉON
Oh! je t'en supplie, puisque tu as pénétré
le secret de mon cœur,
ne le dis à personne:
je ferais horreur à la nature.

JOSEPH
Malheureux Siméon!

SIMÉON
Cache-le surtout à mon père;
il en mourrait.

JOSEPH
Va, tu n'as pas un ennemi dans moi.

SIMÉON
Il faut que tu sois un enfant du Seigneur,
puisque tu as pu deviner un crime
qui m'oppresse depuis quinze ans.

JOSEPH
Ton malheur m'intéresse et m'arrache des larmes.

SIMÉON
Moi, je n'en verse plus.
Dieu me les a retirées:
mes yeux sont secs, et mon cœur est brûlant.

JOSEPH
Que je te plains, Siméon!

SIMÉON
Ne prononce pas mon nom.
Mon vertueux père est là qui repose:
son fils Benjamin dort à ses pieds.
Ne frappe pas leur oreille
du nom d'un criminel.

JOSEPH
Quoi!
n'ose-tu plus paraître devant ton père?

SIMÉON
Non: sa présence irrite mes maux. –
Je ne viens que la nuit, quand il sommeille,
contempler sa face vénérable;
et dès que le jour paraît, comme les animaux
féroces, je me retire dans les forêts.

JOSEPH
Mais ses paroles pourraient te consoler.

SIMÉON
Oh! non; il me parlerait de Joseph.

JOSEPH
De Joseph?

SIMÉON
Eh! oui, de mon frère,
que j'ai sacrifié à ma haine.

JOSEPH
Le tems n'a donc point calmé tes regrets?

SIMÉON
C'est ici que je souffre le plus;
c'est ici que Joseph est partout présent
à mes regards:
ma mémoire fidèle empoisonne chaque instant
de ma vie des souvenirs du passé.
Je le vois, ce bel adolescent,
l'orgueil et l'amour de son père;
je le vois dans les vallons de Sichem
suivre nos troupeaux;
je vois l'endroit où, près de trois palmiers,
je me précipitai sur lui:
j'entends ses cris innocents;
il appelle: Mon père! mon père! sauvez-moi...

(Se tournant vers la tente)

Imprudent! s'il m'avait entendu!...
Paix! paix!
Jacob repose encore.

JOSEPH
Infortuné!... que ta situation est cruelle!
Mais ton cœur est repentant,
Joseph te pardonnera.
Oui, le ciel bientôt...
Siméon, viens, ne t'éloigne pas de moi;
c'est un ami qui t'en prie,
et qui saura te consoler.

SIMÉON
Ah! ta voix pénètre mon cœur...
elle y fait naître un peu de calme.
Oui? dans ce moment, je suis moins malheureux.
O mon Dieu! si je pouvais pleurer!

(On entend un prélude d'instruments éloignés)
 
Mais le jour ne va pas tarder à paraître.
Mes frères vont bientôt, dans une fervente
prière, célébrer l'Eternel:
je dois quitter ces lieux.

(Il commence à faire jour dans le fond du théâtre)

JOSEPH
Pourquoi ne pas te joindre à leurs chants?

SIMÉON
Non, mon cœur est coupable.
Dieu rejetterait mes vœux.
N'a-t-il pas repoussé le sacrifice de Caïn?
La clarté frappe la tente de Jacob.
Mais, que vois-je?...
Déjà la première lueur me permet de distinguer...
O ciel! à ces riches vêtements,
à cet aspect auguste, je ne me trompe point,
je reconnais le bienfaiteur d'Israël.
O vous! Seigneur, qui savez mon crime,
qu'il ne vous irrite pas contre ma famille: ne faites
pas tomber sur elle le poids de mon forfait.
Ayez pitié de mon malheureux père.
Pardonnez à tous mes frères:
laissez-moi vous fuir.
L'Eternel saura bien m'atteindre,
et sa justice m'attend dans le fond
des déserts.

(Il sort vivement)

Scène Quatrième

JOSEPH

(seul)
Arrête, Siméon! Il ne m'entend plus...
Bientôt mes soins le rendront à la tranquillité.
Déjà le jour plus grand...

CHOEUR DE VIERGES
(dans l'éloignement)
Dieu d'Israël! père de la nature,
Rends les moissons à nos champs,
Rends à nos prés leur verdure,
Et sauve encore tes enfants!

JOSEPH
Les chants du matin se font entendre;
ils m'attendrissent;
ils me rappellent les premières
émotions de mon cœur.

CHOEUR DES HOMMES
(dans l'éloignement)
Dieu d'Israël! père de la nature, etc.

JOSEPH
O tems heureux de ma jeunesse!
je mêlais ma voix à celle de mes frères.

CHOEUR
(plus rapproché)
Dieu d'Israël! père de la nature, etc.

Scène Cinquième

(Joseph, Benjamin)

BENJAMIN
(sortant de la tente qui reste fermée)
Les chants de mes frères font retentir
ces lieux qui me sont inconnus.
Mon père repose encore...
Dors en paix, Israël,
tu as touché une terre hospitalière.

JOSEPH
C'est donc là ce Benjamin,
ce jeune enfant que j'ai si souvent
porté dans mes bras, et dont la
bouche bégayait à peine mon nom.

BENJAMIN
(regardant la tente)
Quelle richesse! mes yeux éblouis
peuvent à peine supporter
un éclat aussi nouveau pour moi.

JOSEPH
L'innocence est peinte sur son front. Dans ses
jeunes traits, je reconnais Rachel, la bien-aimée
de mon père, notre mère commune.

BENJAMIN
Quel est donc cet homme bienfaisant qui
accueille les enfants de Jacob avec tant
de grandeur et de magnificence?

(Il se retourne du côté opposé;
apercevant Joseph)

 
Mais, quel est mon étonnement! qui donc?...

JOSEPH
Rassure-toi, jeune Benjamin.

BENJAMIN
Etranger,
tu sais mon nom?
et pourtant je ne t'ai jamais vu. –
A ce riche vêtement, je vois que tu
es habitant des bords du Nil.

JOSEPH
Oui, depuis long tems j'habite Memphis;
mais mon cœur chérit le peuple du Chanaan.

BENJAMIN
Tu habites Memphis?
Tu as vu sans doute le grand ministre
qui nous accueille avec tant de bonté?

JOSEPH
Oui, je le connais, Benjamin.

BENJAMIN
Dis-lui combien nous l'aimons tous;
dis-lui que mon père bénit son nom,
et que, de retour dans notre patrie...

JOSEPH
Dans ta patrie, Benjamin?

BENJAMIN
Oui, dans cette terre jadis heureuse,
qui nous fut donnée par notre Dieu même.

JOSEPH
Tu regrettes la vallée d'Hébron?

BENJAMIN
C'est là que je suis né.

JOSEPH
Près de moi, tu l'auras bientôt oubliée?

BENJAMIN
Jamais. Nous y avons laissé les ossements
de nos pères et l'autel du Seigneur.

JOSEPH
(le prenant dans ses bras)
Mon cher Benjamin!

BENJAMIN
Tu me presses dans tes bras:
d'où le vient donc ce tendre intérêt
que je semble t'inspirer?

JOSEPH
De ta jeunesse, de ton innocence.
Oh! combien Jacob doit te chérir!

BENJAMIN
Dans son cœur j'ai remplacé Joseph.

JOSEPH
Joseph?

BENJAMIN
Oui, un frère chéri, que nous avons perdu,
J'étais trop jeune pour prendre part
à la douleur de ma famille.
Je ne comprenais pas l'objet de tant de trouble,
de sanglots; mais je voyais
mon père pleurer, et je pleurais.

JOSEPH
Langage touchant de la candeur!

BENJAMIN

Romance

Ah! lorsque la mort trop cruelle
Enleva ce fils bien-aimé,
Jacob, par sa douleur mortelle,
Vit son triste cœur consumé.
Afin de consoler mon père,
On m'offrit un jour à ses yeux,
Et Jacob, dans mes traits heureux,
Crut revoir les traits de mon frère.
Dans les beaux jours de mon enfance,
Ce bon père m'accompagnait;
Et de sa tendre bienveillance,
Comme Joseph, je fus l'objet.
Si sa tendresse me fut chère,
A mon tour, je suis son appui,
Et je puis lui rendre aujourd'hui
Le cœur et l'amour de mon frère.
J'ai su de ma famille entière
Ce que de Joseph on disait:
Il était pieux et sincère;
Aussi tout le monde l'aimait.
Moi, pour consoler mon vieux père,
Pour qu'il me chérisse encor plus,
Je veux acquérir les vertus
Qu'il regrette encor dans mon frère.

JOSEPH
(embrasse Benjamin avec transport)
O mon cher Benjamin!
vis long-tems auprès de ce bon père.
Ah! tu dois le dédommager
de la perte qu'il a faite.

BENJAMIN
Le pourrai-je jamais?
Mais déjà mes frères circulent dans le camp;
le soleil commence à se montrer,
et Jacob sommeille encore.

JOSEPH
Sans troubler son repos,
ne puis-je, Benjamin, contempler
les traits vénérables de mon... de ton père?

BENJAMIN
Ah! je ne puis rien te refuser!
Mais surtout ne le réveillons pas.

(La tente s'ouvre: on voit Jacob couché
sur de riches coussins)


JOSEPH
(le contemplant avec attendrissement et respect)
Le voilà, ce respectable vieillard.
Mes yeux le revoient donc enfin!
L'âge, qui l'a vieilli, n'a point
altéré la noblesse de ses traits.
La vertu siège sur son front...
Quelle émotion j'éprouve en sa présence!

BENJAMIN
Qu'as-tu donc? D'où vient le trouble
où je vois tes esprits?

JOSEPH
Benjamin! mon cœur attendri... mais il dort.
Tandis que je le puis, cédons au sentiment
Qui m'entraîne.
Fléchissons le genou devant ce front auguste,
et répandons sur ces mains respectables
les tendres pleurs qui m'oppressent en ce moment.

(Il se met à genoux, et penche sa
tête sur les mains de son père)


BENJAMIN
Etranger, si tu étais l'un de ses fils, pourrais-tu
donc lui témoigner plus d'amour et de respect?

JOSEPH
Benjamin, le vieillard vertueux n'est-il pas
père de tous les gens de bien?

BENJAMIN
Il est vrai.

(On entend un bruit éloigné
de fanfares et d'instruments guerriers)


Quel bruit guerrier se fait entendre?

JOSEPH
(à part)
Ah! déjà le peuple, impatient de mon triomphe,
m'appelle vers Memphis. Cruels honneurs!
pourrai-je me séparer de mon père?

Scène Sixième

(Jacob, les précédents)

Trio

BENJAMIN

Des chants lointains ont frappé mon oreille:
De mon père, par eux, le sommeil est troublé.

JOSEPH
(A lui-même)
O doux instant!
mon père enfin s'éveille;
Déjà d'un fils vers lui l'âme entière a volé.

BENJAMIN
Ses yeux sont pour jamais privés de la lumière;
Noble étranger, ils ne te verront pas.

JOSEPH
(à part)
O vertueux Jacob! ô respectable père!
Que ton fils ne peut-il te serrer
dans ses bras!

BENJAMIN
C'est Benjamin, qui de son père
Guide toujours les faibles pas.

JACOB
(s'éveillant)
Dieu d'Abraham! exauce ma prière!
Près de mon dernier jour, par ton ordre, sévère,
Me voici loin des champs
qu'habitaient mes aïeux.
Grand Dieu! si tu défends que ma froide poussière
Se mêle dans la tombe à celle de mon père,
J'adore dans mes maux tes décrets rigoureux.
Je mourrai, s'il le faut, dans la terre étrangère,
Mais qu'après moi mes enfants soient heureux.

JOSEPH, BENJAMIN
Hélas! j'entends les vœux d'un père:
Il ne craint point de finir sa carrière,
Pourvu que ses fils soient heureux.

JACOB
Benjamin, l'heure de la prière est-elle écoulée?
Je n'entends point les chants de tes frères.

BENJAMIN
Tous les chants sont finis.
Déjà le soleil se fait voir sur l'horizon.

JACOB
O Benjamin!
quel rêve le Seigneur m'a envoyé!
Il a voulu sans doute adoucir l'amertume
de mes peines.
Ecoute ce songe terrible et consolant
qui me poursuit encore.

BENJAMIN
Je t'écoute, mon père.

JACOB
Je traversais le désert qui sépare le Chanaan
des bords du Nil.
Je marchais environné de mes enfants:
selon mon usage,
je m'appuyais sur toi, Benjamin.

BENJAMIN
Et sans doute j'essayais de te rendre
la route moins pénible?

JACOB
Oui, mon fils. Tout-à-coup le vent du désert
s'élève et porte dans les airs un nuage de sable.
Ainsi que mes serviteurs et mes chameaux,
je cache ma tête pour éviter la mort,
et j'attends. L'orage se dissipe, le soleil luit;
je relève mon front fatigué:
mais, hélas! je me trouve seul auprès
d'une plaine aride et brûlante,
dont l'étendue se perdait dans l'horizon.
Tous mes enfants m'avaient abandonné.

BENJAMIN
Et moi aussi, mon père?
Oh! non, tu te trompes,
j'étais auprès de toi.

JACOB
Non, mon fils, j'étais seul.

BENJAMIN
Qui? moi, t'abandonner!
mes frères m'avaient donc enlevé?

JOSEPH
Quel crime cet enfant me rappelle!

JACOB
J'étais seul, te dis-je.
Une soif brûlante desséchait ma poitrine:
mes forces s'affaiblissaient; j'allais mourir,
et déjà j'adressais ma prière au Seigneur:
je le priais pour mes enfants.

BENJAMIN
Pour tes enfants!

JACOB
Quand tout-à-coup ta voix frappe mon oreille...

BENJAMIN
Je suis accouru vers toi?

JACOB
Tu tenais par la main un étranger:
il m'apportait le fruit d'un palmier.
Cet étranger, si brillant et si beau,
s'est penché vers moi;
mes yeux se sont ouverts à la lumière,
et j'ai reconnu les traits de Joseph!

JOSEPH
(à part)
O mon père!

BENJAMIN
Quoi! Joseph qui n'est plus?

JACOB
Je l'ai pressé sur mon cœur.
Je l'ai appelé mon fils, mon bien-aimé.
Non, jamais dans ma vie je n'éprouvai
d'instant plus doux.
O mon Joseph! mon cher Joseph!
O mon Joseph! cher enfant de mon cœur!
Le tems n'a pu sécher mes larmes.

Finale

JOSEPH

Ah! que ce moment a de charmes!
Joseph est présent à son cœur.

BENJAMIN
Eh quoi! toujours verser des larmes!
Mon père, calme tes douleurs.

JACOB
Quand je repose, ou quant je veille,
Il me semble que je le vois.
Qu'une voix frappe mon oreille,
Je crois reconnaître sa voix.

Ensemble

 
JOSEPH
De l'amour de mon père
Que mon cœur est ému!

BENJAMIN
Rien ne peut le distraire
Du fils qu'il a perdu.

JACOB
Rien ne console un père
Du fils qu'il a perdu.

JACOB
Ah! lorsqu'une mère chérie
Vante l'amour de son enfant,
Jacob, dans sa douleur, s'écrie:
Joseph me chérirait autant.

(à part)

Toi qui devais consoler ton vieux père,
Seul, mon Joseph, tu causes mes douleurs.

JOSEPH
Je n'y puis résister... un trouble involontaire
M'entraîne à ses genoux.

(Il se jette à ses pieds)

BENJAMIN
Ciel! que vois-je?

JOSEPH
(serrant et embrassant les mains de son
père, à part et d'une voix étouffée)

O mon père!

JACOB
(haut)
Qui prend ma main?
qui la mouille de pleurs?

Scène Septième

(Utobal, les précédens)

UTOBAL
Le peuple, que transporte une commune ivresse,
Sur le char de triomphe, à l'instant veut, Seigneur,
Voir monter son libérateur.
Cédez à son amour.
Mille cris d'allégresse
Appellent déjà Cléophas.

JACOB, BENJAMIN
Cléophas!

UTOBAL
Pour vous voir tout le peuple s'empresse,
Seigneur, ne nous résistez pas.

JACOB
Mon fils, où donc est Cléophas?

BENJAMIN
C'est lui qui de ses pleurs
mouillait ta main tremblante.

JACOB
Qu'ai-je entendu? bonté touchante!
Quoi! c'était vous, généreux Cléophas!
Seigneur, c'est à vos pieds
que ma reconnaissance...

JOSEPH
Vous, Jacob, à mes pieds! ah!
Plutôt dans mes bras...

(Le théâtre se remplit d'Egyptiens et d Hébreux)

UTOBAL
Seigneur, des citoyens le cortège s'avance.

JOSEPH
(prenant par la main Benjamin et Jacob)
Venez, venez tous deux, je conduirai vos pas;
Partagez les honneurs et la brillante fête
Qu'en sa reconnaissance
un grand peuple m'apprête.
Sur le char de triomphe où je suis attendu,
Si je place aujourd'hui Benjamin et son père,
Je prouve à tout Memphis
combien mon cœur révère
Et l'innocence et la vertu.

(Il prend par la main Benjamin,
et soutient les pas de Jacob)


CHOEUR
Conquérans de la terre, enviez ses destins.
Le démon de la guerre N'arma jamais ses mains.
Mais comme un tendre père,
Il nourrit les humains.

(Pendant que le chœur chante, on voit
passer dans le fond du théâtre un
nombreux cortège de soldats et de
femmes portant des fleurs et des parfums.
Ce cortège précède le char de triomphe
sur lequel sont placés Jacob et Joseph.
Benjamin est à leurs pieds)

 

 
ACTE  TROISIEME
 

(Le théâtre représente le palais de Joseph. Une longue
table tient un des côtés du théâtre, mais sans gêner
l'avant-scène. Jacob et tous ses enfants sont autour de
cette table, couchés à la manière antique. Au côté opposé,
sont des musiciens jouant des divers instruments connus
dans ce tems-là. Sur l'avant-scène, sont des esclaves de
toutes couleurs, occupés à remplir de grands vases d'or, etc)


Scène Première.

(Jacob, Joseph, les fils de Jacob, excepté Siméon)

JACOB
O jour heureux! Seigneur,
quelle est votre bonté! Comment
de simples pasteurs ont-ils pu mériter
les honneurs qu'on leur rend?

JOSEPH
Ah! vous saurez bientôt que ces respects
vous étaient dus!

JACOB
Vous daignez prendre place à mes cotés,
vous m'environnez de tous mes enfants!

BENJAMIN
De tous, mon père, excepté Siméon.

JACOB
Quoi! Siméon me fuit encore!
N'était-ce pas assez d'avoir à gémir
sur le sort de Joseph?

RUBEN
De Joseph! Faut-il donc
qu'au milieu des fêtes, en présence
du plus généreux des ministres,
vous ne songiez qu'à Joseph,
vous ne parliez que de Joseph?
Ne sommes-nous donc pas aussi vos enfants?

JACOB
Eh quoi! c'est toi, l'aîné de mes enfants,
qui me reproches mes douleurs!
Ruben, ne te souvient- il plus de ce funeste jour
où vous m'annonçâtes sa mort?
vous le pleuriez alors. Vous l'avez oublié:
Vous n'étiez que ses frères.
Mais un père a toujours des larmes
pour l'enfant qu'il a perdu.

(Joseph prend la main de Jacob et la
presse sur son cœur)

 
C'est toi, Benjamin, qui vient de
presser si tendrement ma main?

BENJAMIN
Non, mon père: c'est le ministre bienfaisant...

JACOB
Ah! pardon, Seigneur, j'ai cru sentir
la main d'un fils.

JOSEPH
Rassurez-vous, Jacob, sur le sort de Siméon.
Par mes ordres, on le cherche maintenant,
Et bientôt on vous l'amènera...
Esclaves, éloignez-vous.

(Les musiciens et esclaves s’éloignent)
 
Vous, filles de ces contrées,
accordez vos harpes d'or.
Instruites par mes leçons, accompagnez vos
chants, et célébrez aujourd'hui
le Dieu grand, le Dieu fort, le Très-haut.

JACOB
Qu'entends-je? quoi!
Seigneur,
suivez-vous notre loi?

LES JEUNES FILLES
(s'accompagnant de leurs harpes)
Aux accents de notre harmonie,
Unissez-vous, fils d'Israël,
Et de sa puissance infinie,
Louez avec nous l'Eternel.

UNE JEUNE FILLE
(seule)
C'est lui qui féconde la terre,
Lui seul peuple l'onde et les airs.
Sa voix est la voix du tonnerre,
Et son empire est l'univers.

CHOEUR
Aux accents de notre harmonie, etc.

UNE JEUNE FILLE
(seule)
La fleur qui croît sur nos montagnes,
Les nombreux troupeaux du pasteur,
Les eaux et les fruits des campagnes
Sont les dons heureux du Seigneur.

CHOEUR
Aux accents de notre harmonie, etc.,

UNE JEUNE FILLE
(seule)
L'épouse sensible et féconde,
La vierge ignorant sa beauté,
Doivent au créateur du monde
L'amour et la maternité.

Ensemble

 
CHOEUR
Aux accents de notre harmonie,
Unissez-vous, fils d'Israël,
Et de sa puissance infinie,
Louez avec nous l'Eternel.

LES FILS DE JACOB
Aux accents de cette harmonie,
Unissons les vœux d'Israël,
Et de sa puissance infinie,
Louons tous ici l'Eternel.

Scène Seconde

(Utobal, les précédentsº)

UTOBAL
(Tout le monde se lève de table)
Seigneur, faites cesser les chants.
En vain vous fûtes le bienfaiteur de l'Egypte;
en vain Pharaon vous a rendu le plus grand
après lui; vos ennemis.,
jaloux de votre gloire et de vos vertus,
osent vous accuser.

JOSEPH
M'accuser! et quel est donc mon crime?

UTOBAL
D'avoir reçu sans ordre tout un peuple étranger,
de lui avoir prodigué les secours
réservés à ses sujets;
d'avoir fait partager à un simple pasteur
des honneurs qui n'étaient destinés qu'à vous.

JACOB
Homme généreux!
aurions-nous attiré sur vous
la disgrâce et le malheur?

JOSEPH
Rassurez-vous, bon vieillard.

UTOBAL
Déjà ces vils courtisans cherchent à semer la discorde
entre les Egyptiens et le peuple de Chanaan;
déjà plusieurs outrages faits à ces étrangers...

JOSEPH
(vivement)
Des outrages au peuple de Chanaan!
que les coupables tremblent.
Mais je cours aux pieds du trône de Pharaon:
ce grand Roi entendra la vérité.
La justice de Dieu se fera connaître,
et mes ennemis tomberont dans la confusion.
Vous, fils de Jacob, parcourez Memphis;
amenez dans mon palais vos amis
et vos serviteurs; sur ma tête,
je réponds de leur sûreté.
Vous, peuple Egyptien,
par le Dieu qui m'éclaira sur vos calamités,
je jure que quiconque lèvera une main impie
sur les enfants d'Israël, à l'instant
sera frappé de mort.
Gardes, suivez ces étrangers,
et protégez leurs personnes.
Vous, Benjamin, restez auprès de votre père.

(Les fils de Jacob sortent suivis des
gardes. Joseph sort avec Utobal par un
autre côté du théâtre)


Scène Troisième

(Jacob, Benjamin)

JACOB
Homme bienfaisant! que les bénédictions
de l'Eternel...

BENJAMIN
Mon père, il ne vous entend plus.

JACOB
Son absence ne doit pas rendre
nos vœux moins ardents.
Apprends quel est le pouvoir de la
reconnaissance: lorsque j'entends la voix de notre
bienfaiteur, mon cœur éprouve un frémissement.

BENJAMIN
Il ne vous voit pas aussi sans émotion, et lorsque,
pendant votre sommeil je lui parlais de mon
amour, de vos vertus, son visage s'est incliné
vers vous, et ses yeux ont répandu des larmes.

JACOB
Quoi! ce mortel si grand
s'est humilié devant Jacob?

BENJAMIN
Oui, mon père. Benjamin, m'a-t-il dit
en se prosternant, j'honore en ce moment
la vieillesse de ton père.

JACOB
Oh! bénis soient les auteurs de ses jours!
béni soit le père qui peut l'appeler son fils!

BENJAMIN
Oh! mille fois heureux l'enfant
qui peut l'appeler son frère!

JACOB
Et dans quels lieux nous a conduits
ce sauveur de ma famille?

BENJAMIN
Dans un riche palais. Les métaux les plus
précieux décorent ses lambris.

JACOB
Ses richesses sont donc bien grandes?

BENJAMIN
L'or brille sur la pourpre de ses habits.

JACOB
Il est environné de gardes?

BENJAMIN
Et de serviteurs...
Un jour ne suffirait pas pour
faire le dénombrement de ses esclaves.

JACOB
Il est aimé du peuple?

BENJAMIN
Vous avez entendu ses acclamations.

JACOB
Il a pourtant des ennemis!

BENJAMIN
Pourquoi a-t-on des ennemis, mon père,
quand on fait le bien?

JACOB
Parce qu'il est des méchants, mon fils.
On le nomme Cléophas?

BENJAMIN
Oui, mon père.

JACOB
Est-il né dans ces climats?

BENJAMIN
Je l'ignore.

JACOB
Peins-moi ses traits
que mes yeux ne peuvent voir.

BENJAMIN
Ses traits sont nobles: sa taille est élevé;
de beaux cheveux blonds tombent
en boucles sur ses épaules...

JACOB
O Benjamin! tu me rappelles l'image de Joseph.

BENJAMIN
Son regard est doux; sa voix est...

JACOB
Oh! plus d'une fois mon oreille croyait entendre
la voix de Joseph.

BENJAMIN
Six lustres à peine ont composé son âge.

JACOB
Ce serait l'âge de Joseph.

BENJAMIN
Mon père,
pourquoi donc renouveler vos douleurs
par d'inutiles souvenirs?
Vous savez trop que le fils de Rachel,
que mon frère n'est plus.

JACOB
Je sais trop qu'il est perdu pour moi.
Oui, j'ai tort de me le rappeler sans cesse:
ne le remplace-tu pas dans mon cœur?
Sans toi, Benjamin, je vivrais solitaire.
Tes frères ont des enfants:
ils ont tous oublié leur père.

Duo

JACOB

O toi! le digne appui d'un père,
Jamais tu ne me quitteras.

BENJAMIN
Oui, je vous le promets, mon père,
Toujours je guiderai vos pas.

JACOB
Je suis privé de la lumière;
C'est toi qui conduiras mes pas.
En vain la plus triste vieillesse
M'accable de son poids pesant;
Je ne crains plus qu'on me délaisse,
Il me reste encore un enfant.

BENJAMIN
Près de vous je serai sans cesse;
Je prendrai soin de vos vieux ans.
Pourquoi craindre qu'on vous délaisse?
N'avez-vous donc pas des enfants?

JACOB
O digne objet de ma tendresse!
Exemple des enfants soumis,
Viens, seul appui de ma vieillesse,
Viens dans mes bras, viens, mon cher fils!

BENJAMIN
Guider son père en sa vieillesse,
N'est-ce pas le devoir d'un fils?

Scène Quatrième

(L'officier, Siméon, les précédents)

SIMÉON
Où me conduisez-vous?

L’OFFICIER
Par l'ordre de Cléophas,
restez auprès de votre père.

(Il sort)

Scène Cinquième

(Les précédents, hors l'officier)

BENJAMIN
C'est toi, Siméon?
oh! viens m'aider
à consoler mon père.

SIMÉON
Moi, le consoler, Benjamin?

BENJAMIN
Il me parle toujours de Joseph.

SIMÉON
De Joseph! ô mon Dieu!

JACOB
Siméon, pourquoi me fuis-tu?
Si quelque grand chagrin te dévore,
ne dois tu pas le dire à ton père?
Qui peut mieux que lui porter le calme
dans ton âme?
Mon fils, ouvre-moi ton cœur,
Dis moi quelles sont les peines.

SIMÉON
Oh! jamais! jamais!

JACOB
Serais-tu donc aussi injuste que tes frères?
me reprocherais-tu les larmes que je répands
sur le sort de Joseph?
Siméon, tu es père aussi, toi;
si tu perdais l'un de tes enfants
par un coup imprévu,
le tems même pourrait-il t'en consoler, mon fils?

SIMÉON
Mon père, vous me déchirez le cœur.

JACOB
Et tes frères pourtant croient
que je leur fais outrage,
en pleurant, l'enfant qui n'est plus.
Les ingrats! ils connaissent bien mal
le cœur d'un père.
Donne-moi ta main, Siméon; va, crois-moi:
l'enfant qu'un père préfère est toujours celui
qui se trouve près de lui;
c'est toujours l'enfant qui l'aime et le console.

SIMÉON
Tant de bontés m'accablent.

JACOB
Je te connais, Siméon.
Ton caractère bouillant, emporté,
t'a souvent éloigné de moi: toujours tu as
dédaigné les amusements de tes frères,
les innocents plaisirs du toit paternel.
Tu as cherche dans la chasse des occupations
guerrières: la rusticité de tes goûts,
la solitude des forêts,
l'habitude de répandre
le sang des animaux,
auraient elles endurci ton cœur?
Serais-tu devenu méchant?
aurais-tu commis quelque crime?
aurais-tu versé le sang innocent?

SIMÉON
Non, non, jamais! mes mains sont pures
du sang des hommes; mais, ô Dieu!

BENJAMIN
Mon père, pourquoi soupçonner Siméon
d'un crime?
n'est-il pas le fils de Jacob?
ta race peut-elle être coupable
envers les hommes et l'Eternel?

SIMÉON
(vivement)
La race de Jacob sera maudite de Dieu.

BENJAMIN
Oh! que dis-tu, mon frère?

SIMÉON
Oh! pardonnez: mes sens troublés,
ma raison égarée...

JACOB
Non, Siméon! Dieu l'a dit à son serviteur:
« En Egypte, tu béniras tes enfants,
des Rois naîtront d'eux, et ta postérité,
aussi nombreuse que le sable des mers,
s'étendra sur toute la terre. »

SIMÉON
Il a dit aussi: « Siméon, instrument de violence,
ne jouira pas de la gloire de Jacob ».

JACOB
Qui t'a révélé la parole de Dieu?

SIMÉON
Il a dit encore: »Joseph sera le fertile rameau...«

BENJAMIN
Arrête, mon frère.
Pourquoi parles-tu de Joseph?

JACOB
Cruel! ne sais-tu pas qu'il n'existe plus?

SIMÉON
(égaré)
O douleur! o remords!

JACOB
Tous mes enfants n'ont-ils donc pas gémi
de sa perte?

BENJAMIN
Encore dans l'enfance, moi aussi, je l'ai pleuré.

SIMÉON
Je ne puis plus étouffer mon cœur.
Le Dieu d'Abraham me poursuit.
Je vois l'ange exterminateur;
il m'appelle, il me menace,
il m'entraîne au tribunal de mon juge.

JACOB
Malheureux! qu'as-tu donc fait?

SIMÉON
O Jacob! tu vas me maudire.

JACOB
Te maudire! ô ciel!

SIMÉON
J'ai commis un crime.

JACOB
Un crime! et tu as nommé Joseph?

BENJAMIN
Méchant! lui aurais-tu donné la mort?

SIMÉON
Non, non: si l'Eternel est juste,
il vit; il doit vivre pour punir
ses coupables frères.

BENJAMIN
Ses coupables frères!

JACOB
(avec explosion de joie)
Joseph ne serait pas mort!
Depuis quinze ans je répand des larmes,
et vous avez pu le souffrir?

SIMÉON
Toutes tes larmes sont tombées sur mon cœur,
et l'ont noyé comme une mer.

JACOB
Mais n'est-ce pas toi qui m'as annoncé
qu'un monstre l'avait dévoré?

SIMÉON
Je t'ai trompé.

JACOB
A leur retour auprès de moi, tes frères n'ont- ils
pas roulé leurs fronts dans la poussière et poussé
des cris lamentables?

SIMÉON
Ils t'ont trompé.

JACOB
N'est-ce pas toi qui m'as présenté sa tunique
ensanglantée, et qui m'as dit d'une voix sombre:
« Pleure, mon père, pleure;
ton fils bien-aimé n'est plus. »

SIMÉON
Je t'ai toujours trompé.

JACOB
Perfides! et dans quels climats l'avez-vous
conduit? dans quels lieux pourrai-je le retrouver?

SIMÉON
Je l'ignore.

JACOB
Mais quel était donc ce vêtement
que ta main me présenta?

SIMÉON
La robe de Joseph.

JACOB
Quel sang l'avait rougie?

SIMÉON
Le sang d'un agneau que ma main égorgea.

JACOB
Ah! c'en est trop. Réponds-moi:
D'une voix forte et terrible.
qu'as-tu fait de ton frère?

SIMÉON
(d'une voix basse et tremblante)
Oh! c'est la parole de l'Eternel
interrogeant Caïn.

BENJAMIN
(d'une voix douce et faible)
Qu'as-tu fait de mon frère?

SIMÉON
En vain j'ai voulu le frapper.
La main du Tout-puissant a retenu le fer
levé sur sa tête.
Ne me demande point son sang:
il n'a pas coulé.

JACOB
Qu'en as-tu fait enfin?

SIMÉON
Je l'ai vendu.

JACOB
Vendu!

BENJAMIN
Le sang d'Israël parmi les esclaves!

SIMÉON
Mon père!

JACOB
Ton père!

SIMÉON
Non, je suis réprouvé.
Je ne dois plus vous appeler
de ce nom respecté.

JACOB
Et tes frères sont donc aussi coupables?

SIMÉON
Je le suis plus qu'eux tous.

JACOB
Perfides!
qui put vous porter à ce crime horrible?

SIMÉON
L'envie, la haine, la jalousie. Tu ne parlais
que de Joseph, tu n'aimais que Joseph,
et Joseph nous devint odieux.
Nous résolûmes sa perte.
Ah! depuis ce jour, que n'as-tu pu voir mes
tourments, mes remords!
La main du Tout-puissant m'a frappé comme
Caïn. Le Très-haut a troublé ma raison;
il a desséché mes membres;
il a marqué mon front du sceau réprobateur.
En vain j'ai cherché des consolations
auprès de ma compagne, de mes enfants...
Le criminel connaît-il le repos?
J'ai fui le toit paternel;
j'ai laissé ma couche solitaire;
j'ai erré dans les forêts;
je me suis couché sur le bord des torrents;
mes cris ont appelé Joseph:
ma voix s'est perdue dans le désert.
Le Dieu fort a poursuivi sa vengeance:
je suis resté malheureux et coupable.

JACOB
Siméon!

SIMÉON
Je ne cherche point à t'attendrir.
Je sais quel est mon crime.
L'Eternel ne m'a point pardonné,
Tu dois être aussi terrible que lui.
C'est moi qui t'ai ravi ton fils bien-aimé;
c'est moi qui l'ai dépouille de sa tunique:
enfin, c'est moi qui ai vendu
mon sang, le tien, celui d'Abraham.
Je suis à tes genoux; punis-moi, maudis-moi,
maudis Siméon jusque dans sa postérité.

JACOB
Dieu de colère!...
Mais quel bruit entends- je?...

BENJAMIN
Ce sont mes frères qui reviennent.

JACOB
Les traîtres!

Scène Sixième

(Les fils de Jacob, les précédents)

RUBEN
Par les généreux soins de notre bienfaiteur,
nous pouvons...

JACOB
Osez-vous approcher de votre père?

RUBEN
Quel est donc notre crime?

NEPHTALI
Qu'avons-nous fait?

JACOB
Vous osez le demander, cœurs endurcis?
vous l'avez donc oublié?

RUBEN
O Jacob!

JACOB
Ne lisez-vous pas sur mon front irrité
l'arrêt du Tout-puissant qui vous condamne?

RUBEN
Mes frères! Siméon!

JACOB
Ce que vous avez fait? quoi!
la voix du remords ne crie pas
au fond de vos cœurs: Joseph!
Joseph!

RUBEN
Nous sommes perdus.

BENJAMIN
(se jetant à genoux)
Grâce, mon père! Benjamin t'implore pour eux.

JACOB
(cherchant Benjamin)
Benjamin! sépare-toi vîte de ces méchants.
L'innocence doit-elle se trouver
au sein du crime?
Viens, viens, mon fils; toi seul est mon sang,
toi seul est le sang d'Israël.

Morceau d'ensemble

JACOB

(à Benjamin)
Quitte pour toujours ces méchants;
Les traîtres t'ont privé d'un frère.

TOUS LES FILS.
Hélas! pardonnez-nous, mon père;
A vos pieds nous sommes tremblants.

BENJAMIN
Ah! pardonnez à vos enfants.

JACOB
Vous déchirez le cœur d'un père,
Vous assassinez votre frère,
Et vous implorez un pardon!

SIMÉON
Ne punissez que Siméon.

Scène Septième et Dernière

(Joseph, les précédents)

LES FILS DE JACOB
Seigneur, soyez-nous secourable,
D'un père calmez le courroux.

SIMÉON
C'est moi qui suis le plus coupable:
Que sur moi tombe son courroux.

JACOB
Fuyez tous; votre aspect coupable
Redouble mon juste courroux.
Fuyez, ou je vous maudis tous.

JOSEPH
O ciel!
Jacob, je vous supplie,
Ne maudissez pas vos enfants.

JACOB
Quand vous saurez leur perfidie,
Quand vous connaîtrez ces méchants...

JOSEPH
Si l'Eternel, dans sa clémence,
Pardonne aux pêcheurs repentants,
Jacob, en proie à la vengeance,
Peut-il maudire ses enfants?

Ensemble

LES FILS.

Je sens déjà que l'espérance
Va renaître au fond de nos cœurs.
Oui, nous devrons à sa clémence,
Peut-être la fin de nos pleurs.

JACOB
A les punir mon cœur balance.
Hélas! je sens couler mes pleurs.
Dois-je céder à la clémence,
Et rendre la paix à leurs cœurs,

JOSEPH
A les punir son cœur balance.
Pour eux je sens couler mes pleurs.
Je dois céder à la clémence,
Et terminer tous leurs malheurs.

JACOB
(à Joseph)
Ah! Seigneur, que me demandez- vous?
si vous connaissiez leur crime...

BENJAMIN
Ils sont coupables, mais ils sont vos enfants.

JACOB
Pourrez-vous bien le croire? les malheureux!
ils ont vendu Joseph, mon fils, leur frère.

RUBEN
Nos remords surpassent vos douleurs.

NEPHTALI
Je donnerais mon sang pour le racheter.

RUBEN
C'est dans ce pays même qu'il fut conduit.
Permettez-nous...

NEPHTALI
Nous allons tous parcourir l'Egypte,
et dès que nous l'aurons retrouvé...

RUBEN
Nous nous humilierons devant lui.

SIMÉON
Je plongerai mon front dans la poussière.

RUBEN
Nous briserons ses fers.

SIMÉON
J'en chargerai mes mains criminelles.

NEPHTALI
S'il le faut,
nous nous rendrons tous esclaves
pour le ramener dans vos bras.

(Ils vont tous pour sortir)

JOSEPH
(vivement)
Fils de Jacob, arrêtez.
Vos cœurs sont repentants;
vous cherchez votre frère;
vous voulez porter ses fers:
et bien! vous le retrouverez...

SIMÉON
Quel espoir nous donnez-vous, Seigneur!

JACOB
Mon fils, mon fils me serait rendu?

SIMÉON
Qu'il doit nous haïr!

JOSEPH
Il vous aime encore.

SIMÉON
Il ne nous reverra qu'avec horreur.

JOSEPH
Il vous a déjà pardonné.

JACOB
Ah! Seigneur, secondez mon empressement;
guidez mes pas vers lui:
faites-moi retrouver mon fils.

JOSEPH
Calmez-vous, vénérable vieillard.

JACOB
Dites, dites, quel est son sort?

JOSEPH
Le plus brillant, le plus heureux en ce moment.

JACOB
Il n'est donc plus esclave?

JOSEPH
Il jouit de la faveur du Roi:
à son aspect, le peuple se prosterne.

JACOB
Mon trouble! cette voix! mon émotion! ah!
Seigneur, ayez pitié de moi; rendez-moi mon fils.

JOSEPH
Mon père!
il est à tes pieds:
je suis Joseph!

TOUS
(tombant à genoux)
Joseph!

JOSEPH
Oui, c'est ton Joseph qui le demande
la grâce de ses frères.

BENJAMIN
Dieu de clémence!

JOSEPH
(après avoir relevé et embrassé Siméon)
Relevez-vous, mes frères,
Jacob vous pardonne.
Mon père, vous vivrez au milieu de vos enfants.
Pharaon, instruit de mon bonheur
et de la perfidie de mes ennemis,
vous accorde la terre fie Gessen.
C'est là que, réunis, tous les fils d'Israël
pourront adorer en paix le Dieu de leur père.

CHOEUR FINAL.
Dieu de bonté! Dieu de clémence!
Par toi nos malheurs sont finis.

JACOB
Jacob a retrouvé son fils.

JOSEPH
Mon père pardonne à ses fils;

SIMÉON
Et par la fin de ma souffrance,

JOSEPH
Par la vertu, par l'espérance,

TOUS
Nos cœurs sont enfin réunis.
 
  
 

ACTO  PRIMERO
 
 
(La escena representa el interior del palacio de José)
 
Escena Primera
 
JOSÉ
(a solas)
 
Aria
En vano el Faraón, agradecido,
se apresura a satisfacer mis deseos.
En medio de los honores, de la magnificencia,
mi corazón está atormentado
por amargos recuerdos.
¡Terruño paterno de Hebrón, dulce valle!
Lejos de ti languidece, exiliada, mi juventud,
como el viento del desierto marchita una flor.
¡Oh, padre! ¡Oh, Jacob! En tu embriaguez,
me llamaste tu esperanza, el apoyo de tu vejez;
y sin mí,. envejeces llorando mi desgracia.
¡Celosos y crueles hermanos!
Vosotros, que con mano criminal,
habéis osado arrebatarme su amor.
¿Podéis contemplar sin estremeceros,
las lágrimas y el dolor paterno?
¡Ingratos! Debería odiaros,
y, sin embargo, a pesar de mis angustias,
a pesar de este terrible recuerdo,
si os arrepintierais yo me sentiría conmovido
por vuestras lágrimas.
 
Escena Segunda
 
(José, Utobal)
 
UTOBAL
¿Por qué, señor, siempre tan triste?
¿Quién podría esperar ser feliz,
si el gran Cleofás no lo es?
Como ministro del faraón,
vos compartís el poder con él.
Vuestra sabia previsión
salvó a Egipto de la hambruna.
Los nobles os respetan,
el rey os ama y el pueblo os adora.
Los honores otrora destinados sólo a los reyes,
están reservados también para vos.
Mañana, desde el carro triunfal,
podréis ver la felicidad que habéis esparcido.
 
JOSÉ
Por mis desvelos, es cierto,
los egipcios han conocido la abundancia.
Pero, mi querido Utobal,
¿no hay otros hombres en otros ámbitos?
 
UTOBAL
¿Y qué os importa, señor?
¿Sois acaso el responsable de velar
por la salvación del universo?
 
JOSÉ
Ya veo; ignoras mi destino,
o pretendes ignorarlo.
 
UTOBAL
Sólo sé que, iluminado por un Dios desconocido,
en las orillas del Nilo vos anunciasteis,
hace nueve años, al Faraón,
la suerte que le esperaba a su pueblo.
Vuestra sabiduría le pareció tan grande,
que te os dio su anillo
y os puso por nombre Cleofás,
Desde entonces regís su imperio.
 
JOSÉ
¡Qué! ¿No sabes que nací entre los hebreos
y fui conducido hasta estas orillas?
Ignorado en medio de la multitud de esclavos,
fui víctima de la odiosa perfidia de una mujer,
languidecí durante años
en una prisión espantosa
y solo salí tras alcanzar los más altos honores.
 
UTOBAL
Yo no lo sabía, señor.
 
JOSÉ
Entérate pues de mis desgracias.
Nací en una cuna que en estos lugares
no se puede considerar ilustre,
puesto que le debo la vida a uno de esos pastores
cuyos numerosos rebaños
cubren las orillas del Jordán.
Jacob es el nombre de mi padre.
Nieto de Abraham, por sus raras virtudes,
como su abuelo, tiene derecho al favor celestial
y, como él, hizo un pacto
con el Señor.
Doce hijos componen su familia.
Yo soy el mayor de los dos hijos que tuvo
con Raquel, su esposa más amada.
Jacob me cuidó tiernamente; pero mis hermanastros
empezaron a tener celos de mí y,
sin merecerlo, atraje su odio.
Vas a conocer las consecuencias del mismo.
 
Romanza
Apenas salido de la infancia,
cuando contaba catorce años,
seguí confiado los pasos
de mis malvados hermanos a los que amaba.
En Siquem, en los grandes pastizales,
pastoreamos nuestros numerosos rebaños.
Yo era ingenuo en mi temprana edad,
y más tímido que mis corderos.
Junto a tres palmeras solitarias
elevaba mis plegarias al Señor,
cuando de repente, fui maniatado por mis hermanos.
¡Oh, recuerdos de horror!
En el fondo de un oscuro y frío pozo
me arrojaron con furia,
mientras yo sólo podía oponer a su crimen
mi inocencia y mis lágrimas.
¡Ay! A punto de perder la vida,
por fin fui rescatado.
Como esclavo me vendieron
a unos mercaderes árabes
mientras ellos contaban y repartían
el oro obtenido por la venta de su hermano.
¡Ay de mí! ¡Yo, yo lloraba por mi padre
y por los por ingratos que me vendieron!
 
UTOBAL
Pero señor, dado que habéis obtenido
el favor de Faraón y que vuestra mano
se extiende por todo el universo,
¿no os habéis vengado de esos traidores?
 
JOSÉ
Utobal, son mis hermanos.
 
UTOBAL
Vuestro Dios los ha castigado, sin duda.
El hambre está asolando a todo el mundo...
 
JOSÉ
¡Cruel! ¿No sabes que viven con mi padre?
¡Ay! Antes que aumentar sus males,
yo quisiera aliviarlos.
Las provisiones que envié discretamente
devolvieron la abundancia a Canaán,
pero desde hace un tiempo,
mi querido Utobal,
mis enemigos, celosos de mi encumbramiento
y del bien que logré hacer, impiden al Faraón
considerar a todos los desgraciados como súbditos.
Ha prohibido ayudar a los extranjeros;
y mi familia languidece
careciendo de lo necesario para sobrevivir.
¡Mi padre tal vez haya sucumbido
bajo los horrores del hambre!
¡Oh, sólo pensarlo me hace llorar!
 
UTOBAL
Calmaos, señor...
 
JOSÉ
Ya lo he decidido, Utobal;
debes partir de inmediato
hacia el valle de Hebrón;
 allí buscarás a Jacob, ¡ay! y si vive aún,
debes decirle que venga con su familia,
sus sirvientes y sus rebaños.
¡Ah! Si el destino de todo un pueblo
no me retuviera en estas tierras,
me habría precipitado a sus pies.
Pero he aquí que ahora, todo el pueblo reunido
en las plazas públicas esperan con impaciencia
la ayuda que mi previsión les ha otorgado.
Corro a donde me llama el deber.
Tú, querido Utobal, quédate aquí;
reúne a tus esclavos y tus camellos,
piensa que de tu celo depende,
quizás, la felicidad de mi vida.
 
Escena Tercera
 
UTOBAL
(a solas)
¡Qué hombre! ¡Qué virtudes!
Sí, sin duda, es un dios quien lo inspira,
pues desde que él gobierna en Egipto,
ha hecho imperar al mismo tiempo
la justicia, la equidad y la paz.
Pero pensemos en cumplir sus órdenes
y lo más pronto posible....
 
Escena Cuarta
 
(Utobal, un oficial)
 
EL OFICIAL.
Señor, los extranjeros piden hablar con Cleofás.
A pesar de que les niego la entrada al palacio,
no muestran intención de retirarse.
 
UTOBAL
¿Y qué pretenden esos temerarios?
 
EL OFICIAL.
Lo ignoro. Parecen muy desdichados.
Sus ropas anuncian su pobreza
y mi negativa los hace llorar y gemir.
 
UTOBAL
Pero ¿cuál es su patria?
 
EL OFICIAL.
Se reconocen a sí mismos como hebreos;
vienen de Canaán.
 
UTOBAL
¡Vienen de Canaán!
Ve y haz que los traigan esta sala.
Que reciban toda clase de
honores y respetos.
 
(aparte)
 
¡Qué noticia
 
(el oficial sale)
 
Corro para avisar a Cleofás.
Calmaré sus preocupaciones
dándole la oportunidad de conocer
el destino de su padre.
 
(sale)
 
Escena Quinta
 
(El oficial y los extranjeros)
 
EL OFICIAL.
(A los extranjeros)
Extranjeros, tened la seguridad
que el gran Cleofás os escuchará.
Pronto se presentará aquí.
 
(sale)
 
Escena Sexta
 
(Los hijos de Jacob)
 
RUBÉN
Sí, hermanos míos, confiemos en el Dios
de nuestros padres.
El gran Cleofás, benefactor del Egipto,
sin duda nos concederá asilo en este país que,
a pesar de su esterilidad,
todavía puede darnos un futuro.
 
NEFTALÍ
Sí, Dios le dijo a nuestro padre cuando
hacía el sacrificio sobre la piedra del pacto:
¡Jacob, es en Egipto donde encontrarás
el fin de tus males!
 
SIMEÓN
Y yo, en Egipto, experimento
todos los horrores de mi remordimiento.
 
RUBÉN
¿Por qué eres más infeliz aquí?
 
SIMEÓN
(en voz baja a sus hermanos)
¿No es en este país donde José...?
 
NEFTALÍ
¡Siempre piensas en el desafortunado José!
Dios nos ha perdonado, sin duda, puesto que
nos ha conducido a esta tierra hospitalaria.
 
SIMEÓN
No; el Señor apartó su protección
a los culpables hijos de Jacob.
 
NEFTALÍ
¿No eres tú testigo de su bondad?
Él nos salva de la hambruna que azota a Canaán.
 
SIMEÓN
Yo soy... todos nosotros somos los causantes
de las calamidades que afligen al género humano.
 
RUBÉN
¿Y qué crímenes hemos cometido?
 
SIMEÓN
¿Y tú me lo preguntas, Rubén?
¿Y le preguntas a Simeón?
 
NEFTALÍ
¿Una sola falta debe envenenar
toda nuestra vida?
 
SIMEÓN
¡Llamas una falta a emplear la fuerza
contra la inocencia y la juventud!
¡Ah, para ser sólo una falta,
pesa sobre mi corazón como un crimen,
envenenando todos los instantes de mi vida!
 
RUBÉN
Cálmate, Simeón, en el nombre
de nuestro Dios que siempre perdona.
 
NEFTALÍ
Por los cabellos blancos de nuestro padre,
que nos maldecirá a todos.
 
SIMEÓN
¿Por qué, si temíais ver surgir mi arrepentimiento,
me habéis conducido hasta estos lugares
que me recuerdan mi crimen?
¿Por qué no me dejasteis
en los valles de Siquem?
¿Por qué no me abandonasteis
para que muriera de hambre y desesperación?
 
RUBÉN
¡Ingrato!
¿Nos reprochas la ayuda que te brindamos?
 
SIMEÓN
¡La ayuda que me brindáis!
Mejor la hubierais puesto de manifiesto
en el momento en que, con mis pérfidos consejos,
excité vuestro odio contra el virtuoso José.
 
NEFTALÍ
Me viste llorar por su destino, e incluso,
perdóname Simeón, te maldije.
 
SIMEÓN
¿Y qué podría lograr tu maldición?
El Eterno ya me había golpeado con la suya.
En lugar de maldecirme, tendrías que haberme
apuñalado con la misma daga
con la que yo quise asesinar a José.
 
NEFTALÍ
¿No eres tú mi hermano?
 
SIMEÓN
¿No era José el mío?
 
RUBÉN
¡Tu desesperación nos aflige!
 
NEFTALÍ
Simeón, cálmate, vuelve en ti.

Concertante.
 
SIMEÓN
No, no, el Señor al que ofendo
me abruma con la carga de mis penas.
Y en mi frente, en su venganza,
su dedo divino trazó estas palabras:
"Mortales, huid de un miserable
que ya no tiene parientes, ni amigos.
¡De los brazos de un padre inconsolable,
él arrebató al más tierno de sus hijos! "
 
LOS HERMANOS.
¡Oh, Simeón! ¡Hermano desdichado!
Calma tu espantoso dolor.
Cuando hablas de nuestro padre,
¡Ay! ¡destrozas nuestros corazones!
 
SIMEÓN
Cuando para aplacar mi dolor,
corro a abrazar a mis hijos,
el poder terrible de Dios
se manifiesta aún en brazos cariñosos.
A pesar de su ingenua inocencia,
siento que mi terror se redobla.
Leo en los rasgos de su infancia
que serán tan ingratos como yo.
 
LOS HERMANOS.
¡Consuélate, hermano desdichado!...
 
SIMEÓN
Estoy condenado por el Señor.
 
LOS HERMANOS.
¡Ah, piensa en nosotros, piensa en tu padre!
 
SIMEÓN
Sobre mí pesa su vengativo brazo.
 
(se oye el sonar de fanfarrias)
 
LOS HERMANOS.
¡Paz, Simeón! ¡Silencio!
Ya viene hacia nosotros la guardia.
Es el ministro el que llega..:
¡Simeón, guarda silencio!
 
SIMEÓN
Golpeado por la ira celestial,
¿podré guardar silencio?
 
LOS HERMANOS.
¿Debemos abrazar tus rodillas?
¡Cruel! ¿Quieres perdernos a todos?
 
Escena Séptima
 
(El oficial, los anteriores)
 
OFICIAL.
Extranjeros, Cleofás pronto
se presentará ante vosotros.
Pensad en brindarle
los honores que se merece.
Recordad que él representa al gran Faraón
de quien es el apoyo más firme...
Inclinad vuestras frentes ante su poderío...
¡Aquí llega!....
 
Escena Octava
 
(Cleofás, Utobal, los anteriores)
 
UTOBAL
(en voz baja, a José)
Señor, estos son los extranjeros
que dicen ser hebreos.
 
JOSÉ
¡Ante su presencia mi corazón se conmueve!
¿Si entre ellos reconociera
a algunos de mis hermanos?
 
RUBÉN
¡Señor, abrazamos tus rodillas!
 
JOSÉ
(acercándose a ellos)
¡Extranjeros, levantaros!
 
(dándose vuelta, a Utobal)
 
¿Qué veo, Utobal?
¡Mis ojos no me engañan, son mis hermanos!
 
UTOBAL
¿Es posible?
 
RUBÉN
Aquí veis a unos desgraciados que vienen,
en nombre de todo un pueblo, a implorar vuestra ayuda.
 
JOSÉ
(en voz baja a Utobal)
¡Es Rubén, el mayor de mis hermanos!
 
NEFTALÍ
Hijos de un humilde pastor,
no conocemos las riquezas.
Depositamos a vuestros pies
lo que tenemos en más estima.
¿Despreciaréis, señor, los perfumes
que quemamos en nuestras solemnidades
en honor del Eterno?
 
JOSÉ
(en voz baja, a Utobal)
Esa es la voz de Neftalí: el único
que derramó lágrimas por mi destino.
 
UTOBAL
(en voz baja, a José)
¡Ocultad vuestra emoción, señor!
 
RUBÉN
¡Ministro benéfico! Cuya sabia previsión
ha salvado a todos los pueblos de Egipto,
¿nos perdonaréis que,
a raíz de la difusión de vuestra fama,
hayamos acudido a estas tierras?
¡Ay! La tierra de Hebrón, la llanura de Dothaim,
los valles de Siquem,
todos esos hermosos lugares, antaño tan ricos,
están cubiertos de esterilidad.
El hambre destruye a los hijos del Señor.
El pueblo de Israel se ve obligado
a abandonar su patria
y el altar erigido por sus manos
para glorificar al Señor.
 
JOSÉ
(aparte)
¡Oh, país desdichado!
 
(en voz alta)
 
¡Qué! ¿Todo tu pueblo ha venido a Egipto?
¿Pero con qué títulos apelan a
la beneficencia del Faraón?
 
RUBÉN
Los de la desgracia.
¡Ah, no rechacéis a los hijos de Jacob!
 
JOSÉ
¿Jacob es entonces el nombre de tu padre?
 
RUBÉN
Sí, señor. Ese venerable anciano,
al igual que vos, es amado por todo su pueblo.
Lucha contra la desgracia, alaba a Dios,
ama sus hijos y hace todo lo posible
por la felicidad de los hombres.
 
JOSÉ
(aparte)
¡Oh, mi padre!
 
NEFTALÍ
El cielo se ha dignado conservarlo para sus hijos.
 
JOSÉ
(aparte)
¡Te doy gracias, Dios mío!
 
NEFTALÍ
Los muchos años que lo abruman,
sin disminuir la fortaleza de su alma,
solo han debilitado sus ojos.
¡Ay, ya no puede ver a sus hijos!
 
JOSÉ
¿Y cómo pudisteis abandonar a vuestro padre
en tan desdichado país?
 
RUBÉN
Señor, Jacob ha venido con nosotros,
nuestro Dios lo ha permitido.
 
JOSÉ
¿Y por qué no lo veo aquí?
¿Lo habéis dejado solo?
 
RUBÉN
Nuestro hermano menor,
Benjamín, nunca lo abandona.
 
JOSÉ
(en voz baja, a Utobal)
¡Benjamín!
Aquel niño vuelve a mi memoria ahora.
¡Ah, mi corazón apenas puede soportar
tanta felicidad!
 
(en voz alta)
 
¿Y veré a vuestro padre pronto?
 
RUBÉN
Acompañado por nuestras mujeres,
nuestros hijos y muchos sirvientes,
él aún está cruzando el desierto.
Pensamos, señor, que debíamos precederlo
para implorar vuestra protección
para toda su familia.
 
JOSÉ
¡Hijos de Jacob,
os concedo el asilo que me imploráis!
 
RUBÉN
Entonces, ¿nos permitís, señor,
montar nuestras tiendas en la llanura
desde la que se divisa la rica Menfis?
 
JOSÉ
Yo cubriré vuestras necesidades, extranjeros.
Conoceréis en cuánto estimo
la vejez y la desgracia.
 
RUBÉN
¡Ah, señor, nuestra gratitud...
 
(todos los hermanos se ponen de rodillas)
 
JOSÉ
(enternecido)
¡Levantaos, mis her...
Utobal, mi corazón está conmovido...
Mis her... ¡Extranjeros, levantaros!
Pero decidme,
¿están todos los hijos de Jacob ante mis ojos?
Vuestro venerable, padre,
¿no tiene nada de que lamentarse?
 
NEFTALÍ
Señor, la muerte nos arrebató
a nuestro hermano José.
 
SIMEÓN
(desorientado)
¿Quién está hablando de José?
 
JOSÉ
(aparte)
Simeón... me estremezco.
 
SIMEÓN
(avanzando)
¡Oh, no, la muerte no se lo llevó!
Espero que siga vivo,
es el único consuelo que me queda.
 
Final
 
UTOBAL
¡Qué desazón os invade, señor!
 
JOSÉ
¡Ah, tu presencia me horroriza!
 
LOS HERMANOS
(a Simeón)
¡Calma tu furor!
La conmoción que te invade,
en estos sitios se paga con la muerte.
 
JOSÉ
(en voz baja, a Utobal)
Es Simeón, es el despiadado
que quería atravesarme el corazón.
 
UTOBAL
(por lo bajo, a José)
¿Quién es el cruel
que quiso atravesar vuestro corazón?
 
JOSÉ
(en voz baja, a Utobal)
Tus ojos deben reconocerlo.
Mira, su frente está pálida:
su apariencia es la de un traidor.
La desesperación anida en su corazón.
 
LOS HERMANOS
(a Simeón)
¡Ay, no dejes que afloren
tu arrepentimiento y tu dolor!
 
SIMEÓN
¡Ah, de mis arrebatos soy el dueño,
dado que el remordimiento está en mi corazón!
 
Concertante
 
JOSÉ
Retomemos el dominio
sobre mi corazón agitado,
y compadezcamos la crueldad
de un hermano delirante,
 
UTOBAL
Recuperad el dominio
sobre vuestro corazón agitado
y compadeceos de la crueldad
de un hermano delirante.
 
LOS HERMANOS.
¡Ah, recupera el dominio
de tu corazón agitado
y mira que tu delirio
ha irritado a Cleofás!
 
SIMEÓN
Recuperemos el dominio
sobre mi corazón agitado.
¡Ay,  mi delirio
me causa horror!
 
JOSÉ
(noblemente)
Id a ver a vuestro padre
y decidle que Cleofás
ofrece a su pueblo
asilo en esta tierra.
 
LOS HERMANOS.
¡Ah, señor, qué inmensa alegría!
¡Qué bendición para Israel!
Sin vos, todos seríamos víctimas
del hambre y la muerte.
 
JOSÉ
Querido Utobal, ¡Qué alegría siento!
He podido cambiar la suerte de mi padre.
Sin mí, Jacob sería víctima
del hambre y la muerte.
 
UTOBAL
Todo un pueblo agradecido, señor,
os eleva sus alabanzas.
Fuera del palacio,
una inmensa multitud
entona cantos de gratitud.
 
CORO
(fuera de escena)
¡Honor al benefactor del mundo!
¡Honor al salvador de la humanidad!
 
JOSÉ
(a Utobal)
Es necesario que te ocupes
de hacer llegar a mi padre,
mis tiernos cuidados.
 
LOS HERMANOS.
Tranquilicémonos, todo nos favorece.
¡Cleofás ha cambiado nuestro destino!
 
CORO
(Desde fuera y los hermanos)
¡Honor al benefactor del mundo!
¡Honor al salvador de la humanidad!
 
 
 
ACTO  SEGUNDO
 
 
(La escena representa una vista exterior de Menfis.
Al frente hay tiendas. La primera de ellas es muy rica,
y está cerrada. Es de noche
 
Escena Primera
 
(Utobal y José)
 
JOSÉ
Utobal, dispón mi guardia en los alrededores.
Evita que los habitantes de Menfis
vengan a turbar el culto de los hebreos.
 
UTOBAL
Se cumplirán vuestras órdenes, señor...
Pero ¿será prudente dejaros solo
entre estos extranjeros?
 
JOSÉ
Sabes que no lo son para mí.
 
UTOBAL
Pero, señor, ¿en medio de esta oscuridad,
pueden  reconocerte?
Es un campamento totalmente improvisado...
 
JOSÉ
Deja que mi corazón encuentre
la tienda de mi padre.
 
UTOBAL
Es vuestro deseo, señor.
Jacob está lejos de sospechar que es su hijo
quien descansa sobre ricos cojines
en nuestras solemnidades.
 
JOSÉ
¿De qué le vale a él toda la pompa de los reyes?
Sólo procura la gloria de su Dios
y la felicidad de sus hijos.
Con dulce temblor palpita mi corazón...
Sí, espero volver a verlo pronto....
 
UTOBAL
No cedáis, señor, a las emociones.
La alegría tiene efectos fatales, y vuestro padre,
debilitado por la edad y las penas...
Es mejor que lo convoquéis
en el palacio...
 
JOSÉ
¡Ah!
¿Podré contener los impulsos de mi corazón?
Y ahora, regresa a Menfis.
 
UTOBAL
No olvidéis, señor, que al amanecer
os espera la celebración de vuestro triunfo.
Ya todo está preparado
y el pueblo está impaciente
por contemplar la figura de su benefactor....
 
JOSÉ
¡Esos honores hoy me agobian!
Ahora sólo puedo experimentar EL placer
de encontrarme de nuevo en el seno de Israel.
Pero el tiempo apremia...
Ve y vuelve con los primeros rayos del día.
 
(Utobal sale)
 
Escena Segunda
 
JOSÉ
(a solas)
¡Volver a ver al venerable anciano
que desde mi tierna infancia me dio su amor!
¡Oh, Jacob, pronto verás a tu amado hijo de nuevo!
¿Podré soportar la emoción?
Pero, ¿qué veo?...
¡Una rica cortina que brilla en la oscuridad!...
No hay duda, esa es la tienda de Jacob.
Entremos, llamemos...
Pero, no, podría perturbar su descanso.
 
Escena Tercera
 
(Simeón y José)
 
SIMEÓN
Todos los hijos de Israel están durmiendo...
Sólo yo vigilo...
¡Oh,  Simeón, La mano de Jehová
ha caído sobre ti!
 
JOSÉ
Quiero obtener de él la gracia de mis hermanos.
 
SIMEÓN
Aún tengo miedo de relacionarme con otros hombres.
Siempre creo que los oigo reprochar mi crimen y,
a pesar de mí mismo,
mi fatal secreto siempre está listo para escapar de mí.
 
JOSÉ
¡Oh, Simeón! ¡Es a ti a quien más compadezco!
 
SIMEÓN
¡Simeón! ¿Alguien me llama?
 
JOSÉ
En vano quieres huir
del remordimiento que anida en tu corazón.
 
SIMEÓN
Sí, sí, el remordimiento me abruma.
 
JOSÉ
José, siempre está presente en tu pensamiento,
eso trae la desesperación a tu alma.
 
SIMEÓN
(avanzando hacia José)
¡Oh, quienquiera que seas!
Tú que lees en los corazones de los culpables,
¡no reveles mi crimen!
 
JOSÉ
¿Quién está ahí?
 
SIMEÓN
¿No nombraste a Simeón?
¿No has hablado de mi remordimiento?
 
JOSÉ
(Reconociendo a Simeón)
¡Desdichado, eres tú!
 
SIMEÓN
Te ruego, ya que has penetrado
en el secreto de mi corazón,
no le digas nada a nadie:
¡Soy el horror de la naturaleza!
 
JOSÉ
¡Desdichado Simeón!
 
SIMEÓN
Ocúltaselo especialmente a mi padre...
Él moriría si lo supiera...
 
JOSÉ
No temas, no tienes un enemigo ante ti.
 
SIMEÓN
Debes ser un enviado del Señor,
dado que has podido adivinar un crimen
que me oprime desde hace quince años.
 
JOSÉ
Tu desgracia me involucra y me hace llorar.
 
SIMEÓN
Yo ya no puedo llorar más.
Dios me ha quitado las lágrimas,
mis ojos están secos y mi corazón arde.
 
JOSÉ
¡Lo siento por ti, Simeón!
 
SIMEÓN
¡No pronuncies mi nombre!
Mi virtuoso padre está reposando allí,
y su hijo Benjamín duerme a sus pies.
No contamines sus oídos
con el nombre de un criminal.
 
JOSÉ
¡Qué!
¿No te atreves a comparecer ante tu padre?
 
SIMEÓN
No, su presencia irrita mis pesares...
Sólo vengo de noche, cuando duerme,
a contemplar su venerable rostro,
pero tan pronto como aparece el día,
como una alimaña, me retiro al bosque.
 
JOSÉ
Pero sus palabras podrían consolarte.
 
SIMEÓN
¡No; no lo creas! Él me hablará de José...
 
JOSÉ
¿De José?
 
SIMEÓN
Sí, de mi hermano,
a quien sacrifiqué por mi odio.
 
JOSÉ
¿El tiempo no ha calmado tus remordimientos?
 
SIMEÓN
Es aquí donde más sufro;
es aquí donde José está presente
en todas partes ante mis ojos.
El recuerdo envenena cada momento
de mi vida con las imágenes del pasado.
Veo a ese apuesto adolescente,
el orgullo y el amor de su padre;
Lo veo en los valles de Siquem
cuidando nuestros rebaños.
Veo el lugar donde, cerca de tres palmeras,
me precipité sobre él.
Oigo sus gritos inocentes.
Él grita: ¡padre mío! ¡padre mío! ¡Sálvame!...
 
(Volviéndose hacia la tienda)
 
¡Qué imprudente soy! Él puede haberme oído...
¡Paz! ¡Paz!
Jacob sigue descansando.
 
JOSÉ
¡Desdichado!... ¡Tu situación es cruel!
Pero tu corazón está arrepentido
y José te perdonará.
Sí, el cielo pronto...
¡Simeón, ven, no te alejes de mí!
Es un amigo el que te suplica
y el que sabrá consolarte.
 
SIMEÓN
¡Ah, tu voz penetra en mi corazón!...
Ella me otorga un poco de calma...
En este momento, soy menos desdichado.
¡Oh, Dios mío! ¡Si pudiera llorar!
 
(se oye el sonido de instrumentos distantes)
 
El día no tardará en llegar.
Mis hermanos pronto, con una ferviente oración,
darán loas al Señor.
¡Debo marcharme de aquí!
 
(Comienza a iluminarse la parte posterior de la escena)
 
JOSÉ
¿Por qué no te unes a sus canciones?
 
SIMEÓN
No, mi corazón es culpable.
Dios rechazaría mis votos.
¿No rechazó el sacrificio de Caín?
La claridad ya alcanza la tienda de Jacob.
Pero, ¿qué veo?...
Ya las primeras luces me permiten distinguir...
¡Oh, cielos! En estas ricas prendas,
a este augusto aspecto, no me equivoco,
reconozco al benefactor de Israel.
¡Oh tú, señor, que conoces mi crimen,
que el mismo no te predisponga contra mi familia.
No hagas caer sobre ella la carga de mi pecado.
Ten piedad de mí, desafortunado padre.
Perdona a todos mis hermanos,
Déjame huir.
El eterno Dios sabrá cómo alcanzarme
y su justicia me espera en las profundidades
de los desiertos.
 
(se va presuroso)
 
Escena Cuarta
 
JOSÉ
(a solas)
¡Detente, Simeón! Ya no me oye...
Pronto mis cuidados lo devolverán a la calma.
Ya llega el día festivo...
 
CORO DE LAS VÍRGENES
(a lo lejos)
¡Dios de Israel! Padre de la naturaleza,
restaura los cultivos de nuestros campos,
devuelve el verdor a sus prados,
¡y también salva a tus hijos!
 
JOSÉ
Se escuchan las canciones matutinas;
ellas me enternecen.
Me recuerdan las primeras
emociones de mi corazón.
 
CORO DE HOMBRES
(en la distancia)
¡Dios de Israel! Padre de la naturaleza, etc.
 
JOSÉ
¡Oh, felices días de mi juventud!
En que mezclaba mi voz con la de mis hermanos.
 
CORO
(más cercanos)
¡Dios de Israel!  Padre de la naturaleza, etc.
 
Escena Quinta
 
(José, Benjamín)
 
BENJAMÍN
(saliendo de la tienda)
Las canciones de mis hermanos resuenan
en estos lugares desconocidos para mí.
Mi padre todavía está descansando...
Duerme en paz, Israel,
has llegado a una tierra hospitalaria.
 
JOSÉ
Así que este es Benjamín,
aquel niño pequeño que tan a menudo
cargaba en mis brazos, y cuya boca
apenas podía tartamudear mi nombre.
 
BENJAMÍN
(Mirando los vestidos de José)
¡Qué riqueza! Mis ojos deslumbrados
apenas pueden soportar
un resplandor tan nuevo para mí.
 
JOSÉ
La inocencia está pintada en su frente.
En sus jóvenes rasgos, reconozco a Raquel,
amada por mi padre, nuestra madre en común.
 
BENJAMÍN
¿Quién es este hombre benevolente
que se acerca a los hijos de Jacob
con tanta grandeza y magnificencia?
 
(se vuelve hacia el lado opuesto;
percibiendo a José)
 
Pero, ¿qué sorpresa? ¿Quién?...
 
JOSÉ
Tranquilízate, joven Benjamín.
 
BENJAMÍN
Extranjero,
¿tú sabes mi nombre?
Y sin embargo nunca te he visto.
Por tus ricos vestidos, veo que
eres un habitante de las orillas del Nilo.
 
JOSÉ
Sí, hace mucho tiempo que vivo en Menfis;
pero mi corazón estima al pueblo de Canaán.
 
BENJAMÍN
¿Vives en Menfis?
Sin duda has visto al gran ministro
que nos recibe con tanta bondad.
 
JOSÉ
Sí, lo conozco, Benjamín.
 
BENJAMÍN
Dile cuánto lo amamos todos;
dile que mi padre bendice su nombre
y que, de vuelta en nuestra patria...
 
JOSÉ
¿En tu patria, Benjamín?
 
BENJAMÍN
Sí, en esa tierra en que alguna vez fue feliz,
y que nos fue dada por nuestro propio Dios.
 
JOSÉ
¿Extrañas el valle de Hebrón?
 
BENJAMÍN
Allí es donde nací.
 
JOSÉ
Junto a mí, pronto lo habrás olvidado.
 
BENJAMÍN
Nunca. Dejamos allí los huesos
de nuestros padres y el altar del Señor.
 
JOSÉ
(tomándolo en sus brazos)
¡Mi querido Benjamín!
 
BENJAMÍN
Me estrechas en tus brazos:
¿de dónde viene este tierno afecto
que parece inspirarte?
 
JOSÉ
De tu juventud, de tu inocencia.
¡Oh, cuánto debe quererte Jacob!
 
BENJAMÍN
En su corazón reemplacé a José.
 
JOSÉ
¿José?
 
BENJAMÍN
Sí, un querido hermano, a quien perdimos.
Yo era demasiado joven para participar
del dolor de mi familia.
No entendía la causa de tanta angustia,
de los sollozos; pero vi llorar
a mi padre, y lloré.
 
JOSÉ
¡Conmovedor lenguaje del candor!
 
BENJAMÍN

Romanza
¡Ah! Cuando la muerte cruel
se llevó a aquel amado hijo,
Jacob, por un dolor mortal,
vio consumirse triste su corazón.
Para consolar a mi padre,
un día me presenté ante él
y Jacob, en mis rasgos felices,
creyó ver los rasgos de mi hermano.
En los hermosos días de mi infancia,
este buen padre me acompañó;
y de su tierna amabilidad,
al igual que José, yo fui el destinatario.
Su ternura me era muy apreciada,
y por mi parte, yo soy su apoyo
y puedo devolverle hoy el corazón
y el amor de mi hermano.
Supe a través de toda mi familia
lo que se decía de José:
que era piadoso y sincero,
así que todos lo amaban.
Yo, para consolar a mi anciano padre,
para que me aprecie aún más,
quiero adquirir las virtudes
que él aún añora en mi hermano.
 
JOSÉ
(abrazando a Benjamín con emoción)
¡Oh, mi querido Benjamín!
Larga vida a ese buen padre.
¡Ah! Tú debes compensarlo
por la pérdida que sufrió.
 
BENJAMÍN
¿Podré hacerlo alguna vez?
Mis hermanos empiezan a moverse por el campamento;
El sol comienza a mostrarse
y Jacob todavía está durmiendo.
 
JOSÉ
Sin perturbar su reposo,
¿puedo, Benjamín, contemplar
los venerables rasgos de tu padre?
 
BENJAMÍN
¡Ah, no puedo negarte nada!
Pero, por favor, no lo despiertes.
 
(Se abre la tienda y se ve a Jacob
tendido sobre ricos cojines)
 
JOSÉ
(contemplándolo con mucha ternura y respeto)
¡Ahí está el respetable anciano!
¡Mis ojos lo vuelven a ver!
La edad, que lo ha envejecido,
no ha alterado la nobleza de sus rasgos.
La virtud reposa en su frente...
¡Qué emoción siento en su presencia!
 
BENJAMÍN
¿Qué tienes? ¿De dónde proviene esa turbación
que observo en tu espíritu?
 
JOSÉ
¡Benjamín! Mi tierno corazón... pero él duerme.
Mientras pueda, controlaré el sentimiento
que me invade.
Doblemos la rodilla ante esta frente augusta,
derramemos sobre sus manos respetables
el tierno llanto que me oprime.
 
(Se arrodilla y agacha la cabeza
sobre las manos de su padre)
 
BENJAMÍN
Extranjero, si fueras uno de sus hijos,
¿podrías mostrarle más amor y respeto?
 
JOSÉ
Benjamín, ¿no es el anciano virtuoso
el padre de todas las personas de bien?
 
BENJAMÍN
Es cierto.
 
(Se escucha un sonido lejano
de fanfarrias e instrumentos bélicos)
 
¿Qué sonido bélico se escucha?
 
JOSÉ
(aparte)
¡Ah! Ya la gente, impaciente por mi triunfo,
me reclama en Menfis. ¡Crueles honores!
¿Podré separarme de mi padre?
 
Escena Sexta
 
(Jacob, los precedentes)
 
Trío
 
BENJAMÍN
Canciones lejanas han llegado a mi oído,
que han turbado el sueño de mi padre.
 
JOSÉ
(Para sí)
¡Oh, dulce momento!
Mi padre finalmente se despierta.
El alma -de su hijo ya voló hacia él.
 
BENJAMÍN
Sus ojos están privados de luz para siempre.
Noble extranjero, él no te puede ver.
 
JOSÉ
(aparte)
¡Oh, virtuoso Jacob! ¡Oh, padre respetable!
¡Es posible que tu hijo no pueda
estrecharte entre sus brazos!
 
BENJAMÍN
Es Benjamín quien siempre guía
los débiles pasos de su padre.
 
JACOB
(despertando)
¡Dios de Abraham! ¡Escucha mi oración!
Cerca de mi último día, por tu orden estricta,
estoy lejos de los campos
donde vivían mis antepasados.
¡Gran dios! Si impides que mis frías cenizas
se mezclen en la tumba con las de mi padre,
acataré con humildad tus rigurosos designios.
Moriré, si es necesario, en tierra extranjera,
pero después de mí, mis hijos serán felices.
 
JOSÉ, BENJAMÍN
¡Ay! Escucho los deseos de un padre:
Él no teme terminar su vida,
siempre que sus hijos sean felices.
 
JACOB
Benjamín, ¿ha terminado la hora de la oración?
No oigo los cánticos de tus hermanos.
 
BENJAMÍN
Todas las oraciones han terminado.
Ya el sol es visible en el horizonte.
 
JACOB
¡Oh, Benjamín!
¡Qué sueño me ha enviado el Señor!
Él ha querido, sin duda, suavizar
la amargura de mis tribulaciones.
Escucha el sueño terrible y consolador
que todavía me persigue.
 
BENJAMÍN
Te estoy escuchando padre.
 
JACOB
Crucé el desierto que separa a Canaán
de las orillas del Nilo.
Caminé rodeado de mis hijos:
y según mi costumbre,
me apoyaba en ti, Benjamín.
 
BENJAMÍN
¿Sin duda que yo estaba tratando de hacer
que el camino fuera menos penoso para ti?
 
JACOB
Si mi hijo. De repente, el viento del desierto
se eleva y lleva por el aire una nube de arena.
Al igual que mis sirvientes y mis camellos,
escondo la cabeza para evitar la muerte.
La tormenta se disipa y el sol brilla de nuevo.
Levanto mi frente cansada,
pero, ¡ay! me encuentro solo
en medio de una llanura árida y ardiente,
cuya extensión se perdía en el horizonte.
Todos mis hijos me habían abandonado.
 
BENJAMÍN
¿Y yo también, padre mío?
¡Oh, te equivocas,
seguro que yo estaba a tu lado!
 
JACOB
No, hijo mío, yo estaba solo.
 
BENJAMÍN
¿Yo te había abandonado?
¿Mis hermanos no me habían apartado de ti?
 
JOSÉ
¡Qué crimen me recuerda este niño!
 
JACOB
Estaba solo, ya te lo he dicho.
Una sed ardiente secaba mi pecho;
mi fuerza se debilitaba; iba a morir...
Pero entonces dirigí mi oración al Señor,
oré por mis hijos.
 
BENJAMÍN
¡Por tus hijos!
 
JACOB
Cuando de repente tu voz golpeó mi oído...
 
BENJAMÍN
¿Y corrí hacia ti?
 
JACOB
Tenías tomado de la mano a un extranjero.
Él me traía el fruto de una palmera.
Ese extranjero, brillante y hermoso,
se inclinó ante mí;
y mis ojos se abrieron a la luz,
¡Entonces reconocí en él las facciones de José!
 
JOSÉ
(aparte)
¡Oh, mi padre!
 
BENJAMÍN
¡Qué! ¿José, el desaparecido?
 
JACOB
Lo estreche en mi corazón.
Lo llamé hijo, mi amado hijo.
No, nunca en mi vida experimenté
un momento más dulce.
¡Oh, José! ¡Mi querido José
¡Oh, José! ¡Querido hijo de mi corazón!
El tiempo no ha podido secar mis lágrimas.
 
Final
 
JOSÉ
¡Ah, qué momento de sublime encanto!
José está presente en su corazón.
 
BENJAMÍN
¿Por qué siempre derramas lágrimas?
Padre, calma tu dolor.
 
JACOB
Cuando descanso, o cuando velo,
me parece que lo veo.
Si  una voz golpea mi oído,
creo que reconozco su voz.
 
Concertante
 
JOSÉ
¡Por amor de mi padre
mi corazón se conmueve!
 
BENJAMÍN
Nada puede apartarlo
del hijo que ha perdido.
 
JACOB
Nada consuela a un padre
del hijo que ha perdido.
 
JACOB
¡Ah! Como una madre amada
que se jacta del amor de su hijo,
Jacob, en su dolor, exclama:
¡José me quería mucho!
 
(aparte)
 
Tú, que deberías consolar a tu viejo padre,
sólo tú, mi José, eres la causa de mis penas.
 
JOSÉ
No puedo resistir... una conmoción involuntaria
me pone de rodillas.
 
(Se arroja a sus pies)
 
BENJAMÍN
¡Cielos! ¿Qué veo?
 
JOSÉ
(abrazando y estrechando las manos de
su padre, a un lado y con voz apagada)
¡Oh, padre mío!
 
JACOB
(en voz alta)
¿Quién toma mi mano?
¿Quién las mojas con sus lágrimas?
 
Escena Séptima
 
(Utobal, los anteriores)
 
UTOBAL
La gente, llevada por un delirio poco común,
desea al instante, señor, ver ascender a su libertador
al carro del triunfo.
¡Ceded a su amor!
Mil gritos de alegría
ya reclaman a Cleofás.
 
JACOB, BENJAMÍN
¡Cleofás!
 
UTOBAL
¡Todo se apresuran, señor, para veros.
¡No os demoréis!
 
JACOB
Hijo mío, ¿dónde está Cleofás?
 
BENJAMÍN
Fue él quien, con sus lágrimas,
humedeció tu temblorosa mano.
 
JACOB
¿Qué oí? ¡Bondad conmovedora!
¡Qué! ¡Eres tú, el generoso Cleofás!
Señor, es a tus pies
que mi gratitud...
 
JOSÉ
¡Tú, Jacob, a mis pies! ¡Ah!
Antes bien en mis brazos...
 
(La escena se colma de egipcios y hebreos)
 
UTOBAL
¡Señor, el cortejo de los ciudadanos avanza!
 
JOSÉ
(Tomando a Benjamín y a Jacob de la mano)
¡Venid, venid ambos, yo guiaré vuestros pasos!
Compartiremos los honores y el triunfo que,
como reconocimiento,
un gran pueblo me está preparando.
Si, en el carro triunfal donde me esperan,
hoy situaré a Benjamín y a su padre.
Así demostraré a todos los ciudadanos de Menfis
como mi corazón reverencia
la inocencia y la virtud.
 
(Toma a Benjamín de la mano
y ayuda a Jacob a subir al carro)
 
CORO
Conquistadores de la tierra, envidiarán su suerte.
El demonio de la guerra jamás armó sus manos.
Como padre tierno,
él alimenta a los humanos.
 
(Mientras el coro canta, hay una gran
multitud de soldados y mujeres que desde
el fondo de la escena lanzan flores
 perfumadas por todo el escenario.
Esta procesión precede al carro de triunfo
sobre el cual van Jacob y José. Benjamín
camina a su lado)
 
 
 
ACTO  TERCERO
 
 
(La escena representa el palacio de José. Una mesa
larga se ubica a un lado. Jacob y todos sus hijos
están alrededor de esta mesa, tendidos a la manera
antigua. En el lado opuesto, hay músicos tocando
varios instrumentos conocidos en ese tiempo. En el
proscenio hay esclavos de todos los orígenes,
encargados de llenar grandes jarrones de oro, etc)
 
Escena Primera
 
(Jacob, José, los hijos de Jacob, excepto Simeón)
 
JACOB
¡Oh, qué feliz día, señor!
¡Cuánta es vuestra bondad!
¿Cómo podrían estos simples pastores
merecer los honores que nos otorgáis?
 
JOSÉ
¡Ah! ¡Pronto sabrás por qué estos respetos
te son debidos!
 
JACOB
¡Os dignáis sentaros a mi lado,
rodeado de todos mis hijos!
 
BENJAMÍN
De todos, padre mío, excepto Simeón.
 
JACOB
¡Qué! ¿Simeón todavía huye de mí?
¿No fue suficiente tener que lamentarme
por el destino de José?
 
RUBÉN
¡De José! ¿Es posible que
en medio de las celebraciones,
en presencia de esos ministros generosos,
pienses tan sólo en José,
que hables sólo de José?
¿No estamos también tus otros hijos?
 
JACOB
¡Qué! Tú, el mayor de mis hijos,
¿eres el que me reprocha mi dolor!
Rubén, ¿no recuerdas aquel día fatal
cuando me anunciaste su muerte?
Estabas llorando entonces. ¿Lo has olvidado?
Vosotros sois sus hermanos,
pero un padre siempre tiene lágrimas
por el hijo perdido.
 
(José toma la mano de Jacob y la
presiona sobre su corazón)
 
¿Eres tú, Benjamín, quien aprieta
tan tiernamente mi mano?
 
BENJAMÍN
No, padre mío, es el bondadoso ministro...
 
JACOB
¡Ah, perdón, señor,
he creído sentir la mano de mi hijo!
 
JOSÉ
Ten confianza, Jacob, sobre el destino de Simeón.
Por mi orden, lo están buscando
y pronto lo traerán ante ti.
¡Esclavos, marcharos!
 
(se alejan músicos y esclavos)
 
Y vosotras, muchachas,
afinad vuestras arpas doradas y,
guiadas por mis lecciones,
¡acompañad la celebración del gran Dios,
el Dios Todopoderoso, el Altísimo!
 
JACOB
¿Qué oigo? ¡Cómo!
Señor,
¿vos seguid nuestra ley?
 
DONCELLAS
(acompañadas de sus arpas)
A las notas de nuestra armonía,
uníos hijos de Israel,
y por su poder infinito
¡alabad al Señor!
 
UNA MUCHACHA
(sola)
Él es el que fecunda la tierra,
Él puebla las olas y el aire.
Su voz es la voz del trueno
y su imperio es el universo.
 
CORO.
A las notas de nuestra armonía, etc.
 
UNA MUCHACHA
(sola)
La flor que crece en nuestras montañas,
las numerosas manadas del pastor,
las aguas y los frutos del campo
son los felices dones del Señor.
 
CORO.
A las notas de nuestra armonía, etc.,
 
UNA MUCHACHA
(sola)
La esposa sensible y fértil,
la virgen ignorante de su belleza,
le deben al creador del mundo
el amor y la maternidad.
 
Concertante
 
CORO
A las notas de nuestra armonía,
uníos, hijos de Israel,
y por su poder infinito
¡alabad al Eterno!
 
LOS HIJOS DE JACOB
A las notas de nuestra armonía,
uníos, hijos de Israel,
y por su poder infinito
¡alabad al Señor!
 
Escena Segunda
 
(Utobal, los anteriores)
 
UTOBAL
(Todos se levantan de la mesa)
¡Señor, detened las canciones!
En vano sois el benefactor de Egipto;
en vano el Faraón os ha hecho
el más poderoso después de él;
Vuestros enemigos, celosos de vuestra gloria y virtud,
se han atrevido a acusaros
 
JOSÉ
¡Me acusan! ¿Y cuál es mi crimen?
 
UTOBAL
Haber recibido sin su consentimiento a todo un pueblo;
haberles prodigado el socorro
reservado a sus súbditos;
haber compartido con un humilde pastor
los honores que fueron reservados solo para vos.
 
JACOB
Hombre generoso
¿Os hemos acarreado
la desgracia y la desdicha?
 
JOSÉ
No te preocupes, buen anciano.
 
UTOBAL
Los viles cortesanos buscan sembrar la discordia
entre los egipcios y el pueblo de Canaán.
Ya han hecho varios ultrajes a los extranjeros...
 
JOSÉ
(enérgicamente)
¡Ultrajes contra el pueblo de Canaán!
Que los culpables tiemblen.
¡Corro a los pies del trono de Faraón!
El gran rey oirá toda la verdad.
La justicia de Dios se dará a conocer
y mis enemigos serán confundidos.
Vosotros, hijos de Jacob, venid a Menfis;
traed a mi palacio a familiares y siervos.
Con mi cabeza respondo por su seguridad.
Y vosotros, egipcios,
por el Dios que me iluminó en la desdicha,
os juro que quien levante una mano impía
sobre los hijos de Israel,
en ese mismo momento morirá.
¡Guardias, acompañad a estos extranjeros
y proteged su suerte!
Tú, Benjamín,
permanece junto a tu padre.
 
(Salen los hijos de Jacob, seguidos por
los guardias. José sale con Utobal por el
otro lado del escenario)
 
Escena Tercera
 
(Jacob, Benjamín)
 
JACOB
¡Buen hombre!
Que las bendiciones del Eterno Dios...
 
BENJAMÍN
Padre, él ya no te oye.
 
JACOB
Su ausencia no debe hacer
nuestros deseos menos fervientes.
Aprende cual es el poder de la gratitud.
Cuando escucho la voz de nuestro benefactor,
mi corazón se estremece.
 
BENJAMÍN
Él te miraba con tanta emoción...
Mientras dormías, le hablé de tu amor y virtudes,
vi su rostro inclinado hacia ti
y que sus ojos derramaban lágrimas.
 
JACOB
¡Qué! ¿Ese mortal tan poderoso
se humilló ante Jacob?
 
BENJAMÍN
Sí, padre mío, me dijo mientras se postraba:
“Benjamín, honro en este momento
la vejez de tu padre”.
 
JACOB
¡Oh! ¡Benditos sean los autores de sus días!
¡Bendito sea el padre que puede llamarlo hijo!
 
BENJAMÍN
¡Oh! ¡Mil veces feliz el joven
que pueda llamarlo su hermano!
 
JACOB
¿Y adónde nos ha conducido
este salvador de mi familia?
 
BENJAMÍN
A un rico palacio.
Los metales más preciosos decoran sus pareces.
 
JACOB
¿Su riqueza es tan grande?
 
BENJAMÍN
El oro brilla sobre la púrpura de su ropa.
 
JACOB
¿Está rodeado de guardias?
 
BENJAMÍN
Y sirvientes...
Un día no sería suficiente
para contar a todos sus esclavos.
 
JACOB
¿Es amado por la gente?
 
BENJAMÍN
Ya escuchaste los aplausos de su pueblo.
 
JACOB
¡Pero él tiene enemigos!
 
BENJAMÍN
¿Por qué tenemos enemigos, padre mío,
aun cuando hacemos el bien?
 
JACOB
Porque hay mucha maldad, hijo mío.
¿Se llama Cleofás?
 
BENJAMÍN
Sí, padre.
 
JACOB
¿Nació en estas tierras?
 
BENJAMÍN
Lo ignoro.
 
JACOB
Descríbeme sus rasgos
que mis ojos no pueden ver.
 
BENJAMÍN
Sus rasgos son nobles: su estatura es alta;
tiene una hermosa cabellera rubia
que cae en rizos sobre sus hombros...
 
JACOB
¡Oh, Benjamín! Me recuerdas la imagen de José.
 
BENJAMÍN
Su mirada es dulce; su voz es...
 
JACOB
¡Oh, más de una vez mi oído ha creído escuchar
la voz de José!
 
BENJAMÍN
Apenas aparenta tener seis lustros de edad.
 
JACOB
Esa sería la edad de José.
 
BENJAMÍN
Padre mío,
¿por qué renovar tus penas,
con recuerdos inútiles?
Sabes demasiado bien que el hijo de Raquel,
que mi hermano ya no existe.
 
JACOB
Sé muy bien que él está perdido para mí.
Sí, me equivoco al recordarlo constantemente.
Tú debes reemplazarlo en mi corazón.
Sin ti, Benjamín, viviría solo.
Tus hermanos tienen hijos;
todos se han olvidado de su padre.
 
Dúo
 
JACOB
¡Oh,  tú, digno poyo de un padre,
nunca me dejarás!
 
BENJAMÍN
Sí, te lo prometo, padre,
siempre guiaré tus pasos.
 
JACOB
Estoy privado de la luz,
serás tú quien guiará mis pasos.
En vano la más triste vejez me abruma
con su agobiante peso.
Ya no temo que me abandonen,
pues aun me queda un hijo.
 
BENJAMÍN
Cerca de ti estaré constantemente
cuidando de tu vejez.
¿Por qué temes que te abandonen?
¿No tienes hijos?
 
JACOB
¡Oh, digno destinatario de mi ternura!
¡Ejemplo de hijo sumiso,
ven, único apoyo de mi vejez,
ven en mis brazos, ven, mi querido hijo!
 
BENJAMÍN
Guiar al padre en su vejez,
¿no es el deber de un hijo?
 
Escena Cuarta
 
(El oficial, Simeón y los anteriores)
 
SIMEÓN
¿A dónde me llevas?
 
EL OFICIAL
Por orden de Cleofás,
debes permanecer junto a tu padre.
 
(sale)
 
Escena Quinta
 
(Los anteriores, excepto el oficial)
 
BENJAMÍN
¿Eres tú, Simeón?
¡Oh, ven, ayúdame
a consolar al padre.
 
SIMEÓN
¿Yo consolarlo, Benjamín?
 
BENJAMÍN
Permanentemente habla de José.
 
SIMEÓN
¿De José? ¡Oh, Dios mío!
 
JACOB
Simeón, ¿por qué me rehúyes?
Si una gran pena te devora,
¿no deberías decírselo a tu padre?
¿Quién mejor que él
puede llevar la calma a tu alma?
Hijo mío, abre tu corazón,
dime cuáles son tus penas.
 
SIMEÓN
¡Oh! ¡Nunca! ¡Nunca!
 
JACOB
¿Serías tan injusto como tus hermanos?
¿Me reprocharías las lágrimas que derramé
por el destino de José?
Simeón, tú también eres padre
 y si perdieras a uno de tus hijos
por un golpe imprevisto del destino,
¿no buscarías consuelo, hijo mío?
 
SIMEÓN
Padre mío, desgarras mi corazón.
 
JACOB
Y tus hermanos, sin embargo,
creen que los estoy insultando
al llorar por un hijo que no existe.
¡Ingratos!
Ellos no conocen el corazón de un padre.
Dame tu mano, Simeón.
Créeme, el hijo preferido es aquel
que siempre permanece cerca,
aquel donde un padre encuentra amor y consuelo.
 
SIMEÓN
Tanta bondad me abruma.
 
JACOB
Te conozco, Simeón.
Tu carácter ardiente
a menudo te ha alejado de mí.
Siempre has despreciado
las diversiones de tus hermanos
y los placeres inocentes del techo paterno.
La caza, la guerra,
la rudeza de tus gustos,
la soledad de los bosques,
el derramar sangre de los animales,
¿han hecho que se endurezca tu corazón?
¿Te has convertido en un malvado?
¿Has cometido algún delito?
¿Has derramado sangre inocente?
 
SIMEÓN
¡No, no, nunca! Mis manos están puras
de la sangre de los hombres, pero ¡oh Dios!
 
BENJAMÍN
Padre mío, ¿por qué sospechas
que Simeón haya cometido un crimen?
¿No es él hijo de Jacob?
¿Puede tu raza ser culpable de delitos
contra los hombres o el Señor?
 
SIMEÓN
(enfáticamente)
¡La raza de Jacob será maldecida por Dios!
 
BENJAMÍN
¡Oh! ¿Qué estás diciendo hermano?
 
SIMEÓN
¡Oh, perdonad, mis sentidos perturbados,
mi razón perdida...
 
JACOB
¡No, Simeón! Dios dijo a su siervo:
"En Egipto bendecirás a tus hijos,
de ellos nacerán reyes y tu simiente,
tan numerosa como la arena de los mares,
se esparcirá por toda la tierra. "
 
SIMEÓN
También dijo: "Simeón, instrumento de violencia,
no disfrutará de la gloria de Jacob".
 
JACOB
¿Quién te ha revelado la palabra de Dios?
 
SIMEÓN
Él dijo también: "José será la rama fértil..."
 
BENJAMÍN
Detente hermano mío,
¿por qué estás hablando de José?
 
JACOB
¡Cruel! ¿No sabes que José no existe?
 
SIMEÓN
(extraviado)
¡Oh, dolor! ¡Oh, remordimiento!
 
JACOB
¿No han gemido todos mis hijos
por su pérdida?
 
BENJAMÍN
Aún en la infancia, yo también lo lloré.
 
SIMEÓN
¡Ya no puedo reprimir mi corazón!
El Dios de Abraham me persigue.
Veo al ángel exterminador
que me llama, me amenaza
y me arrastra ante el tribunal de mi juez.
 
JACOB
¡Infeliz! ¿Qué hiciste?
 
SIMEÓN
¡Oh, Jacob, me vas a maldecir!
 
JACOB
¿Maldecirte? ¡Oh, cielos!
 
SIMEÓN
Cometí un crimen.
 
JACOB
¡Un crimen! ¿Y has mencionado a José?
 
BENJAMÍN
¡Malvado! ¿Le diste muerte?
 
SIMEÓN
¡No, no! Si el Eterno es justo,
él vive; debe vivir para castigar
a sus culpables hermanos.
 
BENJAMÍN
Sus hermanos... ¿culpables?
 
JACOB
(con una explosión de alegría)
¡José no está muerto!
Durante quince años lo lloré,
¿y pudiste soportar eso?
 
SIMEÓN
Todas tus lágrimas cayeron sobre mi corazón
y me ahogaron como un mar.
 
JACOB
Pero ¿no dijiste que un monstruo
lo había devorado?
 
SIMEÓN
Te engañé
 
JACOB
Cuando volvieron a mí tus hermanos
¿no se postraron y poniendo la frente en el suelo
lanzaron gritos de dolor?
 
SIMEÓN
Te engañaron.
 
JACOB
¿No eres tú quien me presentó su túnica
ensangrentada y me dijo con voz sombría?:
“Llora, padre mío, llora;
tu hijo amado ya no existe"
 
SIMEÓN
Siempre te he engañado.
 
JACOB
¡Pérfido! ¿Y a qué sitio lo llevaste?
¿En qué lugar puedo encontrarlo?
 
SIMEÓN
Lo ignoro.
 
JACOB
Pero ¿cuál fue esa prenda
que tu mano me presentó?
 
SIMEÓN
La túnica de José.
 
JACOB
¿Y las manchas de sangre?
 
SIMEÓN
La de un cordero que mi mano mató.
 
JACOB
¡Ah, eso es demasiado!
Contéstame sin rodeos:
¿qué hiciste con tu hermano?
 
SIMEÓN
(en voz baja y temblorosa)
¡Oh, son las mismas palabras
de Jehová a Caín!
 
BENJAMÍN
(con voz débil)
¿Qué hiciste con mi hermano?
 
SIMEÓN
En vano quise golpearlo.
La mano del Todopoderoso detuvo
el hierro levantado sobre su cabeza.
No me preguntes por su sangre,
ella no fue derramada.
 
JACOB
En definitiva ¿qué le hiciste?
 
SIMEÓN
¡Lo vendí!
 
JACOB
¡Lo vendiste!
 
BENJAMÍN
¡La sangre de Israel entre los esclavos!
 
SIMEÓN
¡Padre mío!
 
JACOB
¿Tu padre?
 
SIMEÓN
Es cierto, soy un réprobo.
Ya no tengo derecho a llamarte
con ese nombre respetable.
 
JACOB
Y tus hermanos ¿son también culpables?
 
SIMEÓN
Yo lo soy más que todos ellos.
 
JACOB
¡Pérfidos!
¿Qué os llevó a cometer ese horrible crimen?
 
SIMEÓN
La envidia, el odio y los celos.
Sólo hablabas de José, sólo amabas a José,
y José se volvió odioso para nosotros.
Resolvimos deshacernos de él.
¡Ah, desde ese día has visto
mis tormentos y remordimientos!
La mano del Todopoderoso me llamó Caín.
El Altísimo ha turbado mi razón
y secado mis extremidades.
Él marcó mi frente con el sello de la reprobación.
En vano busqué el consuelo
de mi compañera e hijos...
¿Puede el criminal encontrar reposo?
Yo hui del techo paterno;
dejé mi cama abandonada;
deambulé por los bosques;
me acosté al borde de los torrentes;
mis gritos llamaban a José:
mi voz se perdió en el desierto.
Dios todopoderoso me persiguió con su venganza,
permaneciendo desdichado y culpable.
 
JACOB
¡Simeón!
 
SIMEÓN
No busco enternecerte.
Sé bien cual es mi crimen.
El Señor no me ha perdonado
y tú debes ser tan terrible como él.
Fui yo quien te arrebató a tu amado hijo;
soy yo quien le quitó su túnica.
En definitiva, soy yo quien vendió
mi propia sangre, la tuya, la de Abraham.
Estoy de rodillas ante ti; castígame, maldíceme,
maldice a Simeón e incluso a su posteridad.
 
JACOB
¡Dios de la ira!...
Pero ¿qué sonidos oigo?...
 
BENJAMÍN
Son mis hermanos que vuelven.
 
JACOB
¡Los traidores!
 
Escena Sexta
 
(Los hijos de Jacob y los anteriores)
 
RUBÉN
Gracias al generoso auxilio de nuestro benefactor,
podemos...
 
JACOB
¿Os atrevéis a acercaros a vuestro padre?
 
RUBÉN
¿Qué hemos hecho?
 
NEFTALÍ
¿Qué hicimos?
 
JACOB
¿Os atrevéis a preguntar, corazones endurecidos?
¿Es que lo habéis olvidado?
 
RUBÉN
¡Oh, Jacob!
 
JACOB
¿No leéis en mi frente irritada
el juicio del Todopoderoso que os condena?
 
RUBÉN
¡Hermanos! ¡Simeón!
 
JACOB
¿Qué hicisteis? ¡Qué!
¿La voz del remordimiento no clama
en lo más profundo de vuestros corazones?
¡José! José!
 
RUBÉN
Estamos perdidos.
 
BENJAMÍN
(cayendo de rodillas)
¡Gracia padre mío! Benjamín te implora por ellos.
 
JACOB
(buscando a Benjamín)
¡Benjamín! Sepárate de estos hombres malvados
¿Debería la inocencia estar involucrada
en un crimen?
Ven, ven, hijo mío; sólo tú eres mi sangre,
solamente tú eres la sangre de Israel.
 
Concertante
 
JACOB
(a Benjamín)
¡Deja a estos malvados para siempre!
Los traidores te privaron de un hermano.
 
LOS HIJOS.
¡Ay, perdónanos padre!
A tus pies estamos temblando.
 
BENJAMÍN
¡Ah, perdona a tus hijos!
 
JACOB
Desgarraron el corazón de un padre,
asesinaron a tu hermano
¿y aún imploras perdón para ellos?
 
SIMEÓN
Sólo castiga a Simeón.
 
Escena Séptima y Última
 
(José y los anteriores)
 
LOS HIJOS DE JACOB
¡Señor, ayudadnos,
calmad la ira de nuestro padre.
 
SIMEÓN
Soy yo el más culpable de todos,
¡que sobre mí caiga vuestra ira!
 
JACOB
¡Marcharos todos!
Vuestro aspecto culpable redobla mi justa ira.
¡Marcharos u os maldeciré a todos!
 
JOSÉ
¡Oh, cielos!
Jacob, te lo ruego,
no maldigas a tus hijos.
 
JACOB
Cuando conozcáis su traición,
cuando sepáis lo que hicieron estos malvados...
 
JOSÉ
Si Jehová, en su misericordia,
perdona a los pescadores arrepentidos,
¿puede Jacob, sumido por el espíritu
de la venganza, maldecir a sus hijos?
 
Concertante
 
LOS HIJOS.
Ya siento que la esperanza
renace en nuestros corazones.
Sí, obtendremos su clemencia,
quizás sea el final de nuestro llanto.
 
JACOB
Mi corazón analiza si debe castigaros.
¡Ay de mí! Siento que mis lágrimas fluyen.
¿Debería ceder a la clemencia
y devolver la paz a sus corazones?
 
JOSÉ
Su corazón analiza si debe castigarlos.
Por ellos siento que fluyen mis lágrimas.
¿Debo ceder ante la clemencia,
y acabar con todas sus desgracias?
 
JACOB
(a José)
Señor, ¿qué me pedís?
Si conocierais su crimen...
 
BENJAMÍN
Son culpables, pero son tus hijos.
 
JACOB
¿Podéis creerlo? ¡Los infelices!
Vendieron a José, mi hijo, su propio hermano.
 
RUBÉN
Nuestro remordimiento supera tu dolor.
 
NEFTALÍ
Daría mi sangre por redimirlo.
 
RUBÉN
Fue a este país a donde fue traído.
Permítenos que...
 
NEFTALÍ
Vayamos todos a recorrer Egipto,
y tan pronto como lo encontremos...
 
RUBÉN
Nos humillaremos ante él.
 
SIMEÓN
Hundiré mi frente en el polvo.
 
RUBÉN
Lo liberaremos.
 
SIMEÓN
Pagaré por los crímenes de mis manos.
 
NEFTALÍ
Si es necesario,
todos nos entregaremos como esclavos
para traerlo de vuelta a tus brazos.
 
(todos se disponen a salir)
 
JOSÉ
(enfáticamente)
¡Hijos de Jacob, deteneros!
Vuestros corazones están arrepentidos;
queréis buscar a un hermano
y liberarlo:
¡pues bien, lo encontraréis!...
 
SIMEÓN
¡Qué esperanza nos da, señor!
 
JACOB
¿Mi hijo, mi hijo me sería devuelto?
 
SIMEÓN
¡Él debe odiarnos!
 
JOSÉ
Él todavía os ama.
 
SIMEÓN
Sólo nos verá con horror.
 
JOSÉ
Él ya os ha perdonado.
 
JACOB
¡Ah, señor, calmad mis ansias;
guiad mis pasos hasta él;
¡permitid que encuentre a mi hijo!
 
JOSÉ
Cálmate, venerable anciano.
 
JACOB
Decidme, ¿cuál ha sido su destino?
 
JOSÉ
El más brillante y feliz, en este momento.
 
JACOB
¿Ya no es un esclavo?
 
JOSÉ
Disfruta del favor del rey
y ante él, el pueblo se postra.
 
JACOB
¡Me turba esa noticia! ¡Qué emoción!
¡Ah, Señor, tened piedad de mí, devolvedme a mi hijo!
 
JOSÉ
¡Padre mío!
Él está a tus pies:
¡Yo soy José!
 
TODOS
(cayendo de rodillas)
¡José!
 
JOSÉ
Sí, es tu hijo José quien pide
gracia para sus hermanos.
 
BENJAMÍN
¡Dios de la clemencia!
 
JOSÉ
(Después de levantar y besar a Simeón)
¡Levantaros, hermanos míos!
Jacob os perdona.
Padre, vivirás entre tus hijos.
El Faraón, informado de mi felicidad
y de la perfidia de mis enemigos,
te otorga la tierra de Gessen.
Allí, juntos, todos los hijos de Israel
podrán adorar en paz al Dios de su padre.
 
CORO FINAL.
¡Dios de bondad! ¡Dios clemente!
Por ti se acabaron nuestras desgracias.
 
JACOB
Jacob encontró a su hijo.
 
JOSÉ
Mi padre perdona a sus hijos;
 
SIMEÓN
Y pone fin a mi sufrimiento,
 
JOSÉ
Por la virtud, por la esperanza...
 
TODOS.
Nuestros corazones están finalmente unidos.
 

Digitalizado y traducido por
José Luis Roviaro 2021.