Prologue
(Le théâtre représente un palais. La Gloire et la
Sagesse vantent les mérites de Louis XIV, le «maître
absolu de cent peuples divers». Elles chantent la
«douceur de ses lois» et ses «glorieux exploits». Les
deux allégories qui se «partagent son grand cœur»
déclarent leur amour pour ce «sage roi». Elles
introduisent ensuite la tragédie qu'on donnera pour
lui et «qui verra Renaud... voler là où la Gloire appelle
son courage»
ACTE I
(Le théâtre représente une place publique
de la ville de Damas, ornée d'un arc de triomphe)
Scène 1
(Armide et ses deux confidentes)
Duo
PHENICE
Dans un jour de triomphe, au milieu des plaisirs,
Qui peut vous inspirer une sombre tristesse?
La gloire, la grandeur, la beauté, la jeunesse,
Tous les biens comblent vos désirs.
SIDONIE
Vous inspirez une fatale flamme
Que vous ne ressentez jamais;
L'amour n'ose troubler la paix
Qui règne dans votre âme.
PHENICE, SIDONIE
Quel sort a plus d'appas!
Et qui peut être heureux si vous ne l'êtes pas!
PHENICE
Si la guerre aujourd'hui fait craindre ses ravages,
C'est aux bords du Jourdain
qu'ils doivent s'arrêter.
PHENICE, SIDONIE
Nos tranquilles rivages
N'ont rien à redouter.
SIDONIE
Nos tranquilles rivages
N'ont rien à redouter.
Les enfers, s'il le faut, prendront pour nous les armes,
Et vous pouvez leur imposer la loi.
PHENICE
Vos yeux n'ont eu besoin que de leurs propres charmes
Pour affaiblir le camp de Godefroi.
PHENICE, SIDONIE
Ses plus vaillants guerriers
contre vous sans défense
Sont tombés en votre puissance!
ARMIDE
Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous!
Renaud, pour qui ma haine a tant de violence,
L'indomptable Renaud échappe à mon courroux!
Tout le camp ennemi pour moi devint sensible,
Et lui seul, toujours invincible,
Fit gloire de me voir d'un oeil indifférent.
Il est dans l'âge aimable où sans effort on aime...
Non, je ne puis manquer, sans un dépit extrême,
La conquête d'un coeur si superbe et si grand!
SIDONIE
Qu'importe
qu'un captif manque à votre victoire?
On en voit dans vos fers assez d'autres témoins;
Et pour un esclave de moins,
Un triomphe si beau perdra peu de sa gloire.
PHENICE
Pourquoi voulez-vous songer
A ce qui peut vous déplaire?
Il est plus sûr de se venger
Par l'oubli que par la colère.
PHENICE, SIDONIE
Il est plus sûr de se venger
Par l'oubli que par la colère.
ARMIDE
Les enfers ont prédit cent fois
Que contre ce guerrier
nos armes seront vaines,
Et qu'il vaincra nos plus grands rois:
Ah! Qu'il me serait doux de l'accabler de chaînes,
Et d'arrêter le cours de ses exploits!
Que je le hais!
Que son mépris m'outrage!
Qu'il sera fier d'éviter l'esclavage
Où je tiens tant d'autres héros!
Incessamment son importune image
Malgré moi trouble mon repos.
Un songe affreux m'inspire une frayeur nouvelle
Contre ce funeste ennemi.
J'ai cru le voir, j'en ai frémi!
J'ai cru qu'il me frappait d'une atteinte mortelle,
Je suis tombée aux pieds de ce cruel vainqueur.
Rien, rien ne fléchissait sa rigueur;
Et par un charme inconcevable,
je me sentais contrainte à le trouver aimable
Dans le fatal moment qu'il me perçait le coeur.
SIDONIE
Vous troublez-vous d'une image légère
Que le sommeil produit?
Le beau jour qui vous luit
Doit dissiper cette vaine chimère,
Ainsi qu'il a détruit
Les ombres de la nuit.
Scène 2
(Hidraot et sa suite entrent. Armide,
Fenice y Sidonia.)
HIDRAOT
Armide, que le sang qui m'unit avec vous
Me rend sensible aux soins
que l'on prend pour vous plaire!
Que votre triomphe m'est doux!
Que j'aime à voir briller
le beau jour qui l'éclaire!
Je n'aurais plus de voeux à faire,
Si vous choisissiez un époux.
Je vois de près la mort qui me menace,
Et bientôt l'âge qui me glace
Va m'accabler de son pesant fardeau:
C'est le dernier bien où j'aspire
Que de voir votre hymen promettre à cet empire
Des rois formés d'un sang si beau;
Sans me plaindre du sort, je cesserai de vivre,
Si ce doux espoir peut me suivre
Dans l'affreuse nuit du tombeau.
ARMIDE
La chaîne de l'hymen m'étonne,
Je crains ses plus aimables noeuds.
Ah! Qu'un coeur devient malheureux,
Quand la liberté l'abandonne!
La chaîne de l'hymen etc.
HIDRAOT
Pour vous, quand il vous plaît,
tout l'enfer est armé.
Vous êtes plus savante
en mon art que moi-même:
Des grands rois à vos pieds
mettent leur diadème;
Qui vous voit un moment
est pour jamais charmé.
Pouvez-vous mieux goûter votre bonheur extrême
Qu'avec un époux qui vous aime
Et qui soit digne d'être aimé?
Pour vous, quand il vous plaît etc.
ARMIDE
Contre mes ennemis, à mon gré je déchaîne
Le noir empire des enfers,
L'amour met les rois dans mes fers.
Je suis de mille amants maîtresse souveraine;
Mais je fais mon plus grand bonheur
D'être maîtresse de mon coeur.
HIDRAOT
Bornez-vous vos désirs à la gloire cruelle
Des maux que fait votre beauté?
Ne ferez-vous jamais votre félicité
Du bonheur d'un amant fidèle?
ARMIDE
Si je dois m'engager un jour,
Au moins vous devez croire
Qu'il faudra que ce soit la gloire
Qui livre mon coeur à l'amour.
Pour devenir mon maître,
Ce n'est pas assez d'être roi:
Ce sera la valeur qui me fera connaître
Celui qui mérite ma foi.
Le vainqueur de Renaud,
si quelqu'un le peut être,
Sera digne de moi.
Scène 3
(Hidraot, Armide, Fenice, Sidonia. Les peuples du
Royaume de Damas entrent et manifestent leur joie
par des danses et des chants: la beauté d'Armide a
vaincu les chevaliers du camp de Godefroi)
HIDRAOT, CORYPHEES
Armide est encor plus aimable
Qu'elle n'est redoutable:
Que son triomphe est glorieux!
PEUPLES DE DAMAS
Armide est encor plus aimable etc.
HIDRAOT, CORYPHEES
Ses charmes les plus forts sont ceux de ses beaux yeux.
LES PEUPLES DE DAMAS
Ses charmes les plus forts sont ceux de ses beaux yeux.
Elle n'a pas besoin d'emprunter l'art terrible
Qui sait, quand il lui plain, faire armer les enfers.
HIDRAOT, CORYPHEES
PEUPLES DE DAMAS
Sa beauté trouve tout possible:
Nos plus fiers ennemis gémissent
dans ses fers.
Armide est encor plus aimable etc.
PEUPLES DE DAMAS
Suivons Armide, et chantons sa victoire,
Tout l'univers retentit de sa gloire.
PHENICE
Nos ennemis, affaiblis et troublés,
N'étendront plus le progrès de leurs armes;
Ah! Quel bonheur! Nos désirs sont comblés,
Sans nous coûter ni de sang ni de larmes.
SIDONIE
L'ardent amour, qui la suit en tous lieux,
S'attache aux coeurs
qu'elle veut qu'il enflamme;
Il est content de régner dans ses yeux,
Et n'ose encor passer jusqu'à son âme.
LES PEUPLES DE DAMAS
Suivons Armide, et chantons sa victoire,
Tout l'univers retentit de sa gloire.
Danse
(Triumph d'Armide est interrompue par l'arrivée de
Aronte qui avait été commandé pour escorter les
prisonniers et les blessés reviennent messieurs,
tenant une épée brisée.)
Scène 4
ARONTE
Ô ciel! Ô disgrâce cruelle!
Je conduisais vos captifs avec soin;
J'ai tout tenté pour vous marquer mon zèle,
Mon sang qui coule en est témoin!
ARMIDE
Mais, où sont mes captifs?
ARONTE
Un guerrier indomptable
Les a délivrés tous.
ARMIDE, HIDRAOT
Un seul guerrier!
SIDONIE, PHENICE
Un seul guerrier!
ARMIDE, HIDRAOT
Que dites-vous?
SIDONIE, PHENICE
Que dites-vous?
PEUPLES DE DAMAS
Un seul guerrier! Ciel!
ARMIDE, HIDRAOT
PHENICE, SIDONIE
Ciel! Ciel!
ARONTE
De nos ennemis, c'est le plus redoutable,
Nos plus vaillants soldats
sont tombés sous ses coups;
Rien ne peut résister à sa valeur extrême...
ARMIDE
O Ciel! C'est Renaud!
ARONTE
C'est lui-même!
ARMIDE, SIDONIE, PHENICE,
HIDRAOT, ARONTE, PEUPLES DE DAMAS
Poursuivons jusqu'au trépas
L'ennemi qui nous offense!
Qu'il n'échappe pas
A notre vengeance.
ACTE II
(Le théâtre représente une campagne
où une rivière forme une île agréable)
Scène 1
(Renaud et Artémidore)
ARTÉMIDORE
Invincible héros, c'est par votre courage
Que j'échappe aux rigueurs
d'un funeste esclavage:
Après ce généreux secours,
Puis-je me dispenser de vous suivre toujours?
RENAUD
Allez, allez remplir ma place
Aux lieux d'où mon malheur me chasse.
Le fier Gernand m'a contraint à punir
Sa téméraire audace:
D'une indigne prison Godefroi me menace
Et de son camp m'oblige à me bannir.
je m'en éloigne avec contrainte.
Heureux! si j'avais pu consacrer mes exploits
A délivrer la cité sainte
Qui gémit sous de dures lois.
Suivez les guerriers qu'un beau zèle
Presse de signaler leur valeur et leur foi:
Cherchez une gloire immortelle,
Je veux dans mon exil n'envelopper que moi.
ARTÉMIDORE
Sans vous, que peut-on entreprendre?
Celui qui vous bannit ne pourra se défendre
De souhaiter votre retour.
S'il faut que je vous quitte,
au moins ne puis-je apprendre
En quels lieux vous allez choisir votre séjour?
RENAUD
Le repos me fait violence,
La seule gloire a pour moi des appas,
Je prétends adresser mes pas
Où la justice et l'innocence
Auront besoin du secours de mon bras.
ARTÉMIDORE
Fuyez les lieux où règne Armide,
Si vous cherchez à vivre heureux;
Pour le coeur le plus intrépide,
Elle a des charmes dangereux.
C'est une ennemie implacable,
Evitez ses ressentiments;
Puisse le Ciel à mes voeux favorable
Vous garantir de ses enchantements.
RENAUD
Par une heureuse indifférence mon coeur
s'est dérobé, sans peine, à sa puissance;
Je la vis seulement d'un regard curieux.
Est-il plus malaisé d'éviter sa vengeance
Que d'échapper au pouvoir de ses yeux?
J'aime la liberté, rien n'a pu me contraindre
A m'engager jusqu'à ce jour.
Quand on peut mépriser les charmes de l'amour,
Quels enchantements peut-on craindre?
(Ils quittent )
Scène 2
(Hidraot et Armide)
HIDRAOT
Arrêtons-nous ici, c'est dans ce lieu fatal
Que la fureur qui nous anime
Ordonne à l'empire infernal
De conduire notre victime.
ARMIDE
Que l'enfer aujourd'hui tarde
à suivre nos lois!
HIDRAOT
Pour achever le charme,
il faut unir nos voix.
HIDRAOT, ARMIDE
Esprits de haine et de rage,
Démons, obéissez-nous!
Livrez à notre courroux
L'ennemi qui nous outrage!
Esprits de haine et de rage etc.
ARMIDE
Démons affreux, cachez-vous
Sous une agréable image.
Enchantez ce fier courage
Par les charmes les plus doux.
HIDRAOT, ARMIDE
Esprits de haine et de rage etc.
(Armide aperçoit Renaud qui s'approche
du bord de la rivière.)
ARMIDE
Dans le piège fatal notre ennemi s'engage.
HIDRAOT
Nos soldats sont cachés
dans le prochain bocage,
Il faut que sur Renaud ils viennent fondre tous.
ARMIDE
Cette victime est mon partage;
Laissez-moi l'immoler,
laissez-moi l'avantage
De voir ce coeur superbe
expirer de mes coups.
(Hidraot et Armide se retirent.)
Scène 3
(Renaud s'arrête au bord du fleuve et quitte
une partie de ses armes pour prendre le frais)
RENAUD
(seul)
Plus j'observe ces lieux et plus je les admire.
Ce fleuve coule lentement
Et s'éloigne à regret d'un séjour si charmant.
Les plus aimables fleurs et le plus doux zéphyr
Parfument l'air qu'on y respire.
Non, je ne puis quitter des rivages si beaux.
Un son harmonieux
se mêle au bruit des eaux.
Les oiseaux enchantés se taisent pour l'entendre.
Des charmes du sommeil j'ai peine à me défendre.
Ce gazon, cet ombrage frais,
Tout m'invite au repos sous ce feuillage épais.
(Il s'endort sur le pré au bord а la rivière.)
Scène 4
(Renaud endormi. Une naïade sort du fleuve. Des
nymphes, des bergers et bergères apparaissent.)
NAÏADE, CORYPHEES
Au temps heureux où l'on sait plaire,
Qu'il est doux d'aimer tendrement!
Pourquoi, dans les périls, avec empressement,
Chercher d'un vain honneur l'éclat imaginaire?
Pour une trompeuse chimère,
Faut-il quitter un bien charmant?
Au temps heureux où l'on sait plaire,
Qu'il est doux d'aimer tendrement!
CORYPHEES
Ah! Quelle erreur, quelle folie
De ne pas jouir de la vie!
C'est aux jeux, c'est aux amours,
Qu'il faut donner les beaux jours.
(Les démons, sous les traits des nymphes, des bergers
et des bergères enchantent Renaud et l'enchaînent
durant son sommeil avec des guirlandes de fleurs)
Danse
UNE BERGERE
On s'étonnerait moins que la saison nouvelle
Revînt sans amener les fleurs et les zéphyrs
Que de voir de nos ans la saison la plus belle
Sans l'amour et sans les plaisirs.
Laissons au tendre amour la jeunesse en partage;
La sagesse a son temps,
il ne vient que trop tôt:
Ce n'est pas être sage
D'être plus sage qu'il ne faut.
(Ils dansent)
CHOEUR
Ah! Quelle erreur, quelle folie etc.
Scène 5
(Armide, tenant un poignard à
la main; Renaud endormi)
ARMIDE
Enfin, il est en ma puissance,
Ce fatal ennemi, ce superbe vainqueur.
Le charme du sommeil
le livre à ma vengeance.
Je vais percer son invincible coeur.
Par lui, tous mes captifs
sont sortis d'esclavage,
Qu'il éprouve toute ma rage!
(Armide va pour frapper Renaud,
mais ne peut s'y résoudre.)
Quel trouble me saisit,
qui me fait hésiter?
Qu'est-ce qu'en sa faveur la pitié me veut dire?
Frappons! Ciel! Qui peut m'arrêter?
Achevons... Je frémis!
Vengeons-nous... Je soupire!
Est-ce ainsi que je dois me venger aujourd'hui?
Ma colère s'éteint quand j'approche de lui.
Plus je le vois, plus ma colère est vaine.
Mon bras tremblant se refuse à ma haine.
Ah! Quelle cruauté de lui ravir le jour!
A ce jeune héros tout cède sur la terre.
Qui croirait qu'il fût né seulement pour la guerre!
Il semble être fait pour l'amour.
Ne puis-je me venger à moins qu'il ne périsse?
Hé! ne suffit-il pas que l'amour le punisse?
Puisqu'il n'a pu trouver
mes yeux assez charmants,
Qu'il m'aime au moins par mes enchantements,
Que, s'il se peut, je le haïsse.
Venez, secondez mes désirs,
Démons, transformez-vous en d'aimables zéphyrs.
Je cède à ce vainqueur,
la pitié me surmonte;
Cachez ma faiblesse et ma honte
Dans les plus reculés déserts:
Volez, conduisez-nous au bout de l'univers!
(Transformés en zéphyrs, les démons
enlèvent Renaud et Armide)
ACTE III
(Le théâtre représente un désert)
Scène 1
(Armide, seule)
ARMIDE
Ah! Si la liberté me doit être ravie,
Est-ce à toi d'être mon vainqueur?
Trop funeste ennemi du bonheur de ma vie,
Faut-il que malgré moi tu règnes
dans mon coeur?
Le désir de ta mort fut ma plus chère envie,
Comment as-tu changé ma colère en langueur?
En vain, de mille amants je me voyais suivie,
Aucun n'a fléchi ma rigueur.
Se peut-il que Renaud
tienne Armide asservie?
Ah! Si la liberté me doit être ravie etc.
Scène 2
(Armide, Phénice et Sidonie)
PHENICE
Que ne peut point votre art?
La force en est extrême,
Quel prodige, quel changement!
Renaud, qui fut si fier, vous aime,
On n'a jamais aimé si tendrement.
SIDONIE
Montrez-vous à ses yeux,
soyez témoin vous-même
Du merveilleux effet de votre enchantement.
ARMIDE
L'enfer n'a pas encore
rempli mon espérance,
il faut qu'un nouveau charme
assure ma vengeance.
SIDONIE
Sur des bords séparés
du séjour des humains,
Qui peut arracher de vos mains
Un ennemi qui vous adore?
Vous enchantez Renaud,
que craignez-vous encore?
ARMIDE
Hélas! C'est mon coeur que je crains.
Votre amitié dans mon sort s'intéresse:
Je vous ai fait conduire avec moi dans ces lieux;
Au reste des mortels je cache ma faiblesse,
je n'en veux rougir qu'à vos yeux.
De mes plus doux regards
Renaud sut se défendre,
je ne pus engager ce coeur fier à se rendre,
Il m'échappa, malgré mes soins.
Sous le nom du dépit
l'amour vint me surprendre
Lorsque je m'en gardais le moins.
Plus Renaud m'aimera,
moins je serai tranquille;
J'ai résolu de le haïr.
Je n'ai tenté jamais rien de si difficile;
Je crains que pour forcer mon coeur à m'obéir
Tout mon art ne soit inutile.
PHENICE
Que votre art serait beau! Qu'il serait admiré
S'il savait garantir des troubles de la vie!
Heureux qui peut être assuré
De disposer de son coeur à son gré!
C'est un secret digne d'envie,
Mais de tous les secrets, c'est le plus ignoré.
SIDONIE
La haine est affreuse et barbare;
L'amour contraint les coeurs dont il s'empare
A souffrir des maux rigoureux;
Si votre sort est en votre puissance,
Faites choix de l'indifférence;
Elle assure un repos heureux.
ARMIDE
Non, non, il ne m'est plus possible
De passer de mon trouble en un état paisible,
Mon coeur ne se peut plus calmer.
Renaud m'offense trop,
il n'est que trop aimable,
C'est pour moi désormais un choix indispensable
De le hait ou de l'aimer.
PHENICE
Vous n'avez pu haïr ce héros invincible,
Lorsqu'il était le plus terrible
De tous vos ennemis.
Il vous aime, l'amour l'enchaîne;
Garderiez-vous mieux votre haine
Contre un amant si tendre et si soumis?
ARMIDE
Il m'aime? Quel amour!
Ma honte s'en augmente.
Dois-je être aimée ainsi?
Puis-je en être contente?
C'est un vain triomphe, un faux bien.
Hélas! Que son amour est différent du mien!
J'ai recours aux enfers
pour allumer sa flamme,
C'est l'effort de mon art qui peut tout sur son âme,
Ma faible beauté n'y peut rien.
Par son propre mérite il suspend ma vengeance;
Sans secours, sans effort,
même sans qu'il y pense, Il enchaîne
mon coeur d'un trop charmant lien.
Hélas! Que mon amour est différent du sien!
Quelle vengeance ai-je à prétendre
Si je le veux aimer toujours?
Quoi! Céder sans rien entreprendre?
Non, il faut appeler la Haine à mon secours.
L'horreur de ces lieux solitaires
Par mon art va se redoubler.
Détournez vos regards
de mes affreux mystères,
Et surtout, empêchez Renaud de me troubler.
(Phénice et Sidonie sortent.)
Scène 3
(Armide, seule Air)
ARMIDE
Venez, venez, Haine implacable!
Sortez du gouffre épouvantable
Où vous faites régner une éternelle horreur.
Sauvez-moi de l'amour, rien n'est si redoutable;
Contre un ennemi trop aimable
Rendez-moi mon courroux, rallumez ma fureur.
Venez, venez, Haine implacable etc.
Scène 4
(La Haine sort des enfers avec sa suite.)
LA HAINE
Je réponds à tes voeux, ta voix s'est fait entendre
Jusque dans le fond des enfers.
Pour toi, contre l'amour, je vais tout entreprendre;
Et quand on veut bien s'en défendre,
On peut se garantir de ses indignes fers.
LA HAINE, LA SUITE DE LA HAINE
Plus on connaît l'amour, et plus on le déteste;
Détruisons son pouvoir funeste,
Rompons ses noeuds, déchirons son bandeau,
Brûlons ses traits, éteignons son flambeau.
(La suite de la Haine commence l'enchantement
qui doit détruire le pouvoir de l'amour.)
LA HAINE
Amour, sors pour jamais,
sors d'un coeur qui te chasse!
Laisse-moi régner en ta place!
Tu fais trop souffrir sous ta loi,
Non, tout l'enfer n'a rien de si cruel que toi!
CHOEUR
Amour, sors pour jamais,
sors d'un coeur qui te chasse!
Que la Haine règne en ta place!
Tu fais trop souffrir sous ta loi,
Non, tout l'enfer n'a rien de si cruel que toi!
(La suite de la Haine montre qu'elle se
prépare avec plaisir à triompher de l'amour.)
LA HAINE
(s'approchant d'Armide)
Sors, sors du sein d'Armide, amour,
brise ta chaîne!
ARMIDE
Arrête, arrête, affreuse Haine!
Laisse-moi sous les lois
d'un si charmant vainqueur;
Laisse-moi, je renonce à ton secours horrible!
Non, non, n'achève pas, non, il n'est pas possible
De m'ôter mon amour sans m'arracher le coeur!
CHOEUR
Sors, sors du sein d'Armide, amour,
brise ta chaîne!
LA HAINE
N'implores-tu mon assistance
Que pour mépriser ma puissance?
Suis l'amour, puisque tu le veux,
Infortunée Armide.
Suis l'amour, qui te guide
Dans un abîme affreux.
CHOEUR
Suis l'amour, puisque tu le veux etc.
LA HAINE
Sur ces bords écartés, c'est en vain que tu caches
Le héros dont ton coeur s'est trop laissé toucher;
La gloire à qui tu l'arraches
Doit bientôt te l'arracher;
Malgré tes soins, au mépris de tes larmes,
Tu le verras échapper à tes charmes.
CHOEUR
Suis l'amour, puisque tu le veux etc.
LA HAINE
Tu me rappelleras peut-être dès ce jour,
Et ton attente sera vaine;
Je vais te quitter sans retour.
Je ne te puis punir d'une plus rude peine
Que de t'abandonner pour jamais à l'amour.
CHOEUR
Suis l'amour, puisque tu le veux etc.
(La Haine et sa suite s'abîment)
Scène 5
(Armide, seule)
ARMIDE
O Ciel! Quelle horrible menace!
Je frémis, tout mon sang se glace!
Amour, puissant amour, viens calmer mon effroi,
Et prends pitié d'un coeur qui s'abandonne à toi!
(Elle sort)
ACTE IV
(Une vapeur s'élève et se répand dans le désert.
Des antres et des abîmes s'ouvrent, d'où sortent
des monstres épouvantables.)
Scène 1
(Ubalde et le Chevalier danois Ubalde, portant un
bouclier de diamant et tenant un sceptre d'or; destinés
а annuler les sorcelleries d'Armide et а libérer
Rinaldo
le Chevalier danois porte une épée qui aura а
présenter Rinaldo)
UBALDE, CHEVALIER DANOIS
Nous ne trouvons partout
que des gouffres ouverts;
Armide a dans ces lieux transporté les enfers.
Ah! Que d'objets horribles!
Que de monstres terribles!
(Le Chevalier danois attaque les monstres; Ubalde le
retient et s'adresse à lui en lui montrant le sceptre d'or)
UBALDE
Celui qui nous envoie a prévu ce danger
Et nous a montré l'art de nous dégager.
Ne craignons point Armide ni ses charmes;
Par ce secours plus puissant que nos armes,
Nous en serons aisément garantis.
Laissez-nous un libre passage,
Monstres, allez cracher votre inutile rage
Dans les gouffres profonds d'où vous êtes sortis.
(Les monstres se retirent, la vapeur se dissipe; le désert
disparaît et se change en une campagne agréable.)
LE CHEVALIER DANOIS
Allons chercher Renaud, le Ciel nous favorise
Dans notre pénible entreprise.
Ce qui peut flatter nos désirs
Doit, à son tour, tenter de nous surprendre:
C'est désormais du charme des plaisirs
Que nous aurons à nous défendre.
UBALDE, CHEVALIER
Redoublons nos soins, gardons-nous
Des périls agréables.
Les enchantements les plus doux
Sont les plus redoutables.
UBALDE
On voit d'ici le séjour enchanté
D'Armide et du héros qu'elle aime!
Dans ce palais Renaud est arrêté
Par un charme fatal dont la force est extrême;
C'est là que ce vainqueur si fier, si redouté,
Oubliant tout jusqu'à lui-même,
Est réduit à languir avec indignité,
Dans une molle oisiveté.
CHEVALIER
En vain, tout l'enfer s'intéresse
Dans l'amour qui séduit un coeur si glorieux;
Si sur ce bouclier Renaud tourne les yeux,
Il rougira de sa faiblesse,
Et nous l'engagerons à partir de ces lieux.
Scène 2
(Les démons, transformés en habitants de l'île
qu'Armide a choisi pour y retenir Renaud enchanté.
Un démon apparaît sous les traits de Lucinde.)
LUCINDE
Voici la charmante retraite
De la félicité parfaite;
Voici l'heureux séjour
Des jeux et de l'amour.
DEMONS
Voici la charmante retraite etc.
Danse
UBALDE
(au Chevalier Danois)
Allons, qui vous retient encore?
Allons, c'est trop nous arrêter.
CHEVALIER
Je vois la beauté que j'adore,
C'est elle, je n'en puis douter.
LUCINDE
Enfin je vois l'amant pour qui mon coeur soupire:
Je retrouve le bien que j'ai tant souhaité!
CHEVALIER
Puis-je voir ici la beauté
Qui m'a soumis à son empire?
UBALDE
Non, ce n'est
qu'un charme trompeur
Dont il faut garder votre coeur.
CHEVALIER
Si loin des bords glacés où vous prites naissance,
Qui peut vous offrir à mes yeux?
LUCINDE
Par une magique puissance
Armide m'a conduite en ces aimables lieux;
Et je vivais dans la douce espérance
De voir bientôt ce que j'aime le mieux.
UBALDE
Fuyez, faites-vous violence!
LUCINDE
Goûtons les doux plaisirs
que pour nos coeurs fidèles
Dans cet heureux séjour l'amour a préparés;
Le devoir, par des lois cruelles,
Ne nous a que trop séparés.
UBALDE
Fuyez, faites-vous violence!
CHEVALIER
L'amour ne me le permet pas,
Contre de si charmants appas
Mon coeur est sans défense.
UBALDE
Est-ce là cette fermeté
Dont vous vous êtes tant vanté?
LUCINDE, CHEVALIER
Jouissons du bonheur extrême
D'aimer et d'être aimé de même.
Hé! Quel autre bien peut valoir
Le plaisir de voir ce qu'on aime?
Hé! Quel autre bien peut valoir
Le plaisir de vous voir?
UBALDE
Malgré la puissance infernale,
Malgré vous-même, il faut vous détromper.
Ce sceptre d'or peut dissiper
Une erreur si fatale.
(Il touche Lucinde avec le sceptre d'or. Elle disparaît.)
Scène 3
(Le Chevalier danois, Ubalde)
CHEVALIER
Je tourne en vain les yeux de toutes parts.
Je ne vois plus cette beauté si chère.
Elle échappe à mes regards
Comme une vapeur légère.
UBALDE
Ce que l'amour a de charmant
N'est qu'une illusion qui ne laisse après elle
Qu'une honte éternelle.
Ce que l'amour a de charmant
N'est qu'un funeste enchantement.
CHEVALIER
Je vois le danger où s'expose
Un coeur qui ne fuit pas un charme si puissant;
Que vous êtes heureux si vous êtes exempt
Des faiblesses que l'amour cause!
UBALDE
Non, je n'ai point gardé
mon coeur jusqu'à ce jour,
Près de l'objet que j'aime il m'était doux de vivre;
Mais quand la gloire ordonne de la suivre,
Il faut laisser gémir l'amour.
Des charmes les plus forts la raison me dégage,
Rien ne nous doit ici retenir davantage;
Profitons des conseils que l'on nous a donnés.
Scène 4
(Un démon apparaît sous les traits de Mélisse.
Une jeune fille italienne aimée par Ubaldo)
MELISSE
D'où vient que vous vous détournez
De ces eaux et de cet ombrage?
Goûtez un doux repos,
étrangers fortunés;
Délassez-vous ici d'un pénible voyage.
Un favorable sort vous appelle au partage
Des biens qui nous sont destinés.
UBALDE
Est-ce vous, charmante Mélisse?
MELISSE
Est-ce vous, cher amant?
Est-ce vous que je vois?
UBALDE, MELISSE
Au rapport de mes yeux je n'ose ajouter foi.
Se peut-il qu'en ces lieux l'amour nous réunisse?
MELISSE
Est-ce vous, cher amant?
Est-ce vous que je vois?
UBALDE
Est-ce vous, charmante Mélisse?
CHEVALIER
Non, ce n'est qu'un charme trompeur
Dont il faut garder votre coeur;
Fuyez, faites-vous violence.
MELISSE
Pourquoi faut-il encor m'arracher mon amant?
Faut-il ne nous voir qu'un moment
Après une si longue absence?
Je ne puis consentir à votre éloignement;
Je n'ai que trop souffert un si cruel tourment,
Et je mourrai s'il recommence.
UBALDE, MELISSE
Faut-il ne nous voir qu'un moment
Après une si longue absence?
CHEVALIER
Est-ce là cette fermeté
Dont vous vous êtes tant vanté?
Sortez de votre erreur, la raison vous appelle.
UBALDE
Ah! Que la raison est cruelle!
Si je suis abusé, pourquoi m'en avertir?
Que mon erreur me paraît belle!
Que je serais heureux de n'en jamais sortir!
CHEVALIER
J'aurai soin, malgré vous,
de vous en délivrer.
(Il prend le sceptre d'or, en touche
Mélisse et la fait disparaître)
UBALDE
Que devient l'objet de ma flamme?
Mélisse disparaît soudain!
Ciel! Faut-il qu'un fantôme vain
Cause tant de trouble à mon âme?
CHEVALIER
Ce que l'amour a de charmant
N'est qu'une illusion qui ne laisse après elle
Qu'une honte éternelle.
UBALDE, CHEVALIER
Ce que l'amour a de charmant
N'est qu'un funeste enchantement.
UBALDE
D'une nouvelle erreur songeons à nous défendre.
Evitons de trompeurs attraits.
Ne nous détournons pas du chemin qu'il faut prendre
our arriver à ce palais. Duo
UBALDE, CHEVALIER
!Fuyons les douceurs dangereuses
Des illusions amoureuses,
On s'égare quand on les suit,
Heureux qui n'en est pas séduit!
ACTE V
(Le palais enchanté d'Armide)
Scène 1
(Armide et Renaud)
RENAUD
(sans armes et paré de guirlandes de fleurs)
Armide, vous m'allez quitter!
ARMIDE
J'ai besoin des enfers,
je vais les consulter;
Mon art veut de la solitude.
L'amour que j'ai pour vous cause l'inquiétude
Dont mon coeur se sent agité.
RENAUD
Armide, vous m'allez quitter!
ARMIDE
Voyez en quels lieux je vous laisse.
RENAUD
Puis-je rien voir que vos appas?
ARMIDE
Les plaisirs vous suivront sans cesse.
RENAUD
En est-il où vous n'êtes pas?
ARMIDE
Un noir pressentiment
me trouble et me tourmente,
II m'annonce un malheur que je veux prévenir;
Et plus notre bonheur m'enchante,
Plus je crains de le voir finir.
RENAUD
D'une vaine terreur pouvez-vous être atteinte,
Vous qui faites trembler le ténébreux séjour?
ARMIDE
Vous m'apprenez à connaître l'amour,
L'amour m'apprend à connaître la crainte.
Vous brûliez pour la gloire avant que de m'aimer.
Vous la cherchiez partout,
d'une ardeur sans égale;
La gloire est une rivale
Qui doit toujours m'alarmer.
RENAUD
Que j'étais insensé de croire
Qu'un vain laurier donné par la victoire
De tous les biens fût le plus précieux!
Tout l'éclat dont brille la gloire
Vaut-il un regard de vos yeux?
Est-il un bien si charmant et si rare
Que celui dont l'amour veut combler mon espoir?
ARMIDE
La sévère raison et le devoir barbare
Sur les héros n'ont que trop de pouvoir.
RENAUD
J'en suis plus amoureux plus la raison m'éclaire.
Vous aimer, belle Armide, est mon premier devoir,
Je fais ma gloire de vous plaire
Et tout mon bonheur de vous voir.
ARMIDE
Que sous d'aimables lois mon âme est asservie!
RENAUD
Qu'il m'est doux de vous voir
partager ma langueur!
ARMIDE
Qu'il m'est doux d'enchaîner
un si fameux vainqueur!
RENAUD
Que mes fers sont dignes d'envie! Duo
RENAUD, ARMIDE
Aimons-nous, tout nous y convie!
Ah! Si vous aviez la rigueur De m'ôter votre coeur,
Vous m'ôteriez la vie.
RENAUD
Non, je perdrais plutôt le jour
Que d'éteindre ma flamme!
ARMIDE
Non, rien ne peut changer mon âme!
RENAUD, ARMIDE
Non, je perdrais plutôt le jour
Que de me dégager d'un si charmant amour!
Non, je perdrais plutôt le jour
Que d'éteindre ma flamme!
Non, rien ne peut changer mon âme!
ARMIDE
Témoins de notre amour extrême,
Vous qui suivez mes lois dans ce séjour heureux,
Jusque à mon retour, par d'agréables jeux,
Occupez le héros que j'aime.
Scène 2
(Les Plaisirs, ainsi que les amants et amantes fortunés,
viennent divertir Renaud par des chants et des danses.)
UN PLAISIR
Les Plaisirs ont choisi pour asile
Ce séjour agréable et tranquille.
CHOEUR DES PLAISIRS
Les Plaisirs ont choisi pour asile
Ce séjour agréable et tranquille.
UN PLAISIR
Que ces lieux sont charmants
Pour les heureux amants!
CHOEUR
Que ces lieux sont charmants
Pour les heureux amants!
(Ils dansent)
UN PLAISIR
C'est l'amour qui retient dans ses chaînes
Mille oiseaux qu'en nos bois,
nuit et jour, on entend.
CHOEUR
C'est l'amour qui retient dans ses chaînes
Mille oiseaux qu'en nos bois,
nuit et jour, on entend.
UN PLAISIR
Si l'amour ne causait que des peines,
Les oiseaux amoureux ne chanteraient pas tant.
CHOEUR
Si l'amour ne causait que des peines,
Les oiseaux amoureux ne chanteraient pas tant.
(Ils dansent)
UN PLAISIR, CHOEUR
Jeunes coeurs, tout vous est favorable.
Profitez d'un bonheur peu durable.
Dans l'hiver de nos ans, l'amour ne règne plus,
Les beaux jours
que l'on perd sont pour jamais perdus.
(Ils dansent)
RENAUD
Allez, éloignez-vous de moi,
Doux Plaisirs, attendez qu'Armide vous ramène.
Sans la beauté qui me tient sous sa loi,
Rien ne me plaît, tout augmente ma peine.
Allez, éloignez-vous de moi,
Attendez qu'Armide vous ramène.
(Les Plaisirs, les Amoureux heureux
et les Amoureuses heureuses se retirent.)
Scène 3
(Renaud, Ubalde et le Chevalier danois)
UBALDE
Il est seul; profitons d'un temps si précieux.
(Il présente le bouclier de diamant
aux yeux de Renaud.)
RENAUD
Que vois-je! Quel éclat me vient frapper les yeux?
UBALDE
Le Ciel veut vous faire connaître
L'erreur dont vos sens sont séduits.
RENAUD
Ciel! Quelle honte de paraître
Dans l'indigne état où je suis!
UBALDE
Notre général vous appelle;
La victoire vous garde une gloire immortelle.
Tout doit presser votre retour.
De cent climats divers
chacun court à la guerre;
Renaud seul, au bout de la terre,
Caché dans un charmant séjour,
Veut-il suivre un honteux amour?
RENAUD
(arrachant les guirlandes de fleurs dont il est paré)
Vains ornements d'une indigne mollesse,
Ne m'offrez plus vos frivoles attraits;
Restes honteux de ma faiblesse,
Allez, quittez-moi pour jamais.
(Il reçoit le bouclier de diamant que lui donne Ubalde
et une épée que lui présente le Chevalier Danois.)
CHEVALIER
Dérobez-vous aux pleurs d'Armide;
C'est l'unique danger dont votre âme intrépide
A besoin de se garantir.
Dans ces lieux enchantés la volupté préside,
Vous n'en sauriez trop tôt sortir.
RENAUD, UBALDE, CHEVALIER
Allons, hâtons-nous de partir.
Scène 4
(Armide, Renaud, Ubalde, le Chevalier danois)
ARMIDE
(suivant Renaud)
Renaud! Ciel! Ô mortelle peine!
Vous partez! Renaud! Vous partez?
Démons, suivez ses pas,
volez, et l'arrêtez!
Hélas! Tout me trahit,
et ma puissance est vaine!
Renaud! Ciel! O mortelle peine!
Mes cris ne sont pas écoutés!
Vous partez! Renaud! Vous partez!
(Renaud s'arrête.)
Si je ne vous vois plus,
croyez-vous que je vive!
Ai-je pu mériter un si cruel tourment?
Du moins comme ennemi,
si ce n'est comme amant,
Emmenez Armide captive.
J'irai dans les combats, j'irai m'offrir aux coups
Qui seront destinés pour vous.
Renaud, pourvu que je vous suive,
Le sort le plus affreux me paraîtra trop doux.
RENAUD
Armide, il est temps que j'évite
Le péril trop charmant que je trouve à vous voir.
La gloire veut que je vous quitte,
Elle ordonne à l'amour de céder au devoir.
Si vous souffrez, vous pouvez croire
Que je m'éloigne à regret de vos yeux,
Vous régnerez toujours dans ma mémoire,
Vous serez après la gloire
Ce que j'aimerai le mieux.
ARMIDE
Non, jamais de l'amour tu n'as senti le charme.
Tu te plais à causer de funestes malheurs,
Tu m'entends soupirer, tu vois couler mes pleurs
Sans me rendre un soupir, sans verser une larme,
Par les noeuds les plus doux je te conjure en vain;
Tu suis un fier devoir,
tu veux qu'il nous sépare.
Non, non, ton coeur n'a rien d'humain,
Le coeur d'un tigre est moins barbare!
Je mourrai si tu pars, et tu n'en peux douter;
Ingrat! Sans toi je ne puis vivre!
Mais après mon trépas, ne crois pas éviter
Mon ombre obstinée à te suivre;
Tu la verras s'armer contre ton coeur sans foi,
Tu la trouveras inflexible
Comme tu l'as été pour moi;
Et sa fureur, s'il est possible,
Egalera l'amour dont j'ai brûlé pour toi.
(Elle tombe et s'évanouit.)
Ah! La lumière m'est ravie!
Barbare, es-tu content?
Tu jouis, en partant,
Du plaisir de m'ôter la vie.
RENAUD
Trop malheureuse Armide, hélas!
Que ton destin est déplorable.
UBALDE, CHEVALIER
Il faut partir, hâtez vos pas,
La gloire attend de vous un coeur inébranlable.
RENAUD
Non, la gloire n'ordonne pas
Qu'un grand coeur soit impitoyable.
UBALDE, CHEVALIER
Il faut vous arracher aux dangereux appas
D'un objet trop aimable.
RENAUD
Trop malheureuse Armide, hélas!
Que ton destin est déplorable.
(Ils sortent.)
Scène 5
(Armide, seule)
ARMIDE
Le perfide Renaud me fuit;
Tout perfide qu'il est, mon lâche coeur le suit.
Il me laisse mourante, il veut que je périsse.
A regret je revois la clarté qui me luit;
L'horreur de l'éternelle nuit
Cède à l'horreur de mon supplice!
Le perfide Renaud me fuit!
Tout perfide qu'il est, mon lâche coeur le suit.
Quand le barbare était en ma puissance,
Que n'ai-je cru la Haine et la Vengeance?
Que n'ai-je suivi leurs transports!
Il m'échappe, il s'éloigne, il va quitter ces bords;
Il brave l'enfer et ma rage;
II est déjà près du rivage,
je fais pour m'y traîner d'inutiles efforts.
Traître! Attends! je le tiens...
je tiens son coeur perfide.
Ah! je l'immole à ma fureur!
Que dis-je? Où suis-je?
Hélas! Infortunée Armide!
Où t'emporte une aveugle erreur?
L'espoir de la vengeance est le seul qui me reste.
Fuyez, Plaisirs, fuyez, perdez tous vos attraits!
Démons, détruisez ce palais!
Partons! Et, s'il se peut, que mon amour funeste
Demeure enseveli dans ces lieux pour jamais.
(Les démons détruisent le palais enchanté
et Armide s'envole sur un char.)

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Prólogo
(La escena se sitúa en un palacio. La Gloria
y la Sabiduría, junto a sus séquitos, celebran
su poder sobre un héroe sin nombre (Luis XIV).
En tiempo de guerra la Gloria tiene ventaja,
mientras que la Sabiduría domina en la paz.
Su héroe, el rey francés, les ha invitado a
contemplar la tragedia en la que se verá
al valeroso Rinaldo acudir allá donde la
Gloria lo llame)
ACTO I
(Plaza de la ciudad de Damasco, adornada
con un arco de triunfo)
Escena 1
(Armida, Fenicia y Sidonia)
Dúo
FENICIA
¿En un día triunfal lleno de festejos
qué puede causarte una tristeza tan profunda?
La Gloria, la grandeza, la belleza y la juventud,
todo lo que deseas se hace realidad.
SIDONIA
Tú inspiras una llama fatal
a la que nunca estuviste sometida;
ni el amor se atreve a perturbar la paz
que gobierna tu alma.
FENICIA, SIDONIA
¿Qué suerte hay mejor que la tuya?
Y si tú no puedes, ¿quién podría ser feliz?
FENICIA
Si la guerra parece extender su destrucción,
en las orillas del Jordán
deberemos detenerla.
FENICIA, SIDONIA
Nuestras pacíficas playas
no tienen nada que temer.
SIDONIA
Nuestras pacíficas playas
no tienen nada que temer.
El infierno nos apoya y por nosotros combatirá,
¡Tú puedes hacerte obedecer por él!
FENICIA
El hechizo de tus ojos ha sido suficiente
para debilitar las huestes de Godofredo.
FENICIA, SIDONIA
Sus más valientes guerreros
contra ti están indefensos
y ahora todos ellos están a tu merced.
ARMIDA
¡Sobre el más valiente de todos, aún no triunfé!
Rinaldo, por quien mi odio es tan violento,
el feroz Rinaldo, evade mi furia...
A todo el campo enemigo he seducido
y solamente él, siempre invicto,
se dignó mirarme con ojos indiferentes.
Está en la dulce edad en que es fácil amar...
No puedo fallar, no, en la conquista
de un corazón tan valeroso y soberbio.
SIDONIA
Si a tu victoria le falta un prisionero,
¿qué más da?
Muchos otros están atados por tus cadenas;
y por un esclavo menos,
no será menos glorioso un triunfo tan hermoso.
FENICIA
¿Por qué te obstinas en pensar
en aquello que te disgusta?
Más seguro es tomar venganza
con el olvido que con el furor.
FENICIA, SIDONIA
Más seguro es tomar venganza
con el olvido que con el furor.
ARMIDA
Cien veces ha anunciado el infierno
que contra ese guerrero
serán vanas nuestras armas,
y que él vencerá a nuestros más grandes reyes.
¡Ah, qué dulce sería encadenarlo
y detener el curso de su gloriosa gesta!
¡Cuánto lo odio! ¡Cómo me ultraja su desdén!
¡Con qué orgullo evita la esclavitud
a la que he sometido a tantos otros héroes!
Su inoportuna imagen, a pesar mío,
sin tregua turba mi paz.
Un sueño horrible me inspira un nuevo terror
frente a ese enemigo mortal.
¡He creído verlo y he temblado!
Me pareció que un golpe mortal me infligía
y a los pies del cruel vencedor yo caía.
Nada aplacaba su rigor;
y por un encantamiento desconocido para mí
me sentía obligada a amarlo
en el mismo momento
en que me atravesaba el corazón.
SIDONIA
¿Y sólo una pálida ilusión,
producto de un sueño, te perturba?
El bello día que para ti brilla
disipará esa vana quimera,
así como ha disipado
las sombras de la noche.
Escena II
(Idraote y su séquito llegan donde Armida,
Fenicia y Sidonia)
IDRAOTE
¡Armida, la sangre que a ti me une,
más el afecto que te tengo,
me hace sensible a tus deseos!
¡Qué alegría me produce tu triunfo!
¡Cuánto amo el brillo
del bello día que empieza!
No tengo otro deseo
que el de que escojas un esposo.
Veo que la muerte me acecha
y que la edad que avanza rápidamente
me oprimirá con su pesada carga.
Ahora, la última alegría a la que aspiro,
es verte prometida en casamiento
con un rey nacido de buena cuna.
Moriré sin apesadumbrarme por esa suerte,
si me acompaña tan dulce circunstancia
en la hórrida noche del sepulcro.
ARMIDA
La cárcel que significa el casamiento me paraliza,
pues temo sus dulces lazos.
¡Ah, cómo se vuelve infeliz un corazón,
cuando pierde la libertad!
La cárcel que significa el casamiento... etc.
IDRAOTE
Para ti, para lo que gustes,
el infierno está dispuesto.
En las artes mágicas
tú eres más hábil que yo.
Los grandes reyes a tus pies
han puesto sus coronas;
y quien te mira tan sólo un momento,
queda hechizado para siempre.
¿Puedes disfrutar mayor fortuna
que la de tener un esposo que te ama,
y digno de ser amado?
Para ti, para lo que gustes... etc.
ARMIDA
Contra mis enemigos con placer instigo
el negro imperio infernal.
El amor me encadena a los reyes;
de mil amantes soy señora y soberana;
pero mi mayor felicidad
es ser la dueña de mi propio corazón.
IDRAOTE
¿Reduces tu deseo a la cruel gloria del mal
que emana de tu belleza?
¿Nunca podrás encontrar la felicidad
en la alegría de un amante fiel?
ARMIDA
Si acaso algún día tengo que casarme,
al menos el que lo logre,
tendrá que ser lo suficientemente valeroso
para abrir mi corazón al amor.
Para transformarse en mi señor
no es suficiente con ser rey:
deberá demostrarme su valor
aquel a quien yo entregue mi fidelidad.
El vencedor de Rinaldo,
si es que alguna vez hay uno,
ése será digno de mí.
Escena 3
(Idraote, Armida, Fenicia y Sidonia. Los
habitantes de Damasco bailan y cantan alegres
por la victoria lograda, mediante la belleza de
Armida, sobre los caballeros de Godofredo)
IDRAOTE, CORO
Armida es aún más amable
de lo que su leyenda afirma.
¡Cuán glorioso es su triunfo!
PUEBLO DE DAMASCO
Armida es aún más amable etc.
IDRAOTE, CORIFEOS
¡Su más fuerte encanto son sus bellos ojos!
DAMAS
¡Su más fuerte encanto son sus bellos ojos!
No le hace falta usar su terrible magia,
fruto del infierno, que bien sabría usar, si quisiera;
IDRAOTE, CORIFEOS
PUEBLO DE DAMASCO
Su belleza hace todo posible:
encadenados gimen
nuestros más orgullosos enemigos.
Armida es aún más amable etc.
CORO
Sigamos a Armida y celebremos la victoria.
El universo también se hace eco de su gloria.
FENICIA
Nuestros enemigos, debilitados y aturdidos,
ya no podrán ampliar sus conquistas.
¡Qué alegría, nuestros deseos fueron satisfechos
sin tener que derramar lágrimas ni sangre!
SIDONIA
El ardiente amor que por todos lados la sigue,
se apodera de los corazones
que ella quiere que se inflamen.
El que reina en sus ojos es feliz,
pero no se atreve a descender a su alma.
CORO
Sigamos a Armida y celebremos la victoria.
El universo también se hace eco de su gloria.
Baile
(El triunfo de Armida es interrumpido por la
llegada de Aronte que había sido comisionado
para escoltar a los caballeros prisioneros y que
regresa herido, empuñando una espada rota.)
Escena 4
ARONTE
¡Oh, cielos! ¡Qué cruel infortunio!
Celosa escolta era yo de tus prisioneros.
Todo hice para demostrarte mi celo,
lo atestigua esta sangre que fluye.
ARMIDA
Pero ¿dónde están mis prisioneros?
ARONTE
Un imbatible guerrero
los ha liberado a todos.
ARMIDA, IDRAOTE,
¿Sólo un guerrero?
SIDONIA, FENICIA
¿Sólo un guerrero?
ARMIDA, IDRAOTE
¿Qué dices?
SIDONIA, FENICIA
¿Qué dices?
PUEBLO DE DAMASCO
¡Un sólo guerrero! Cielos!
ARMIDA, IDRAOTE
FENICIA, SIDONIA
¡Cielos! ¡Cielos!
ARONTE
De todos nuestros enemigos es el más peligroso.
Nuestros más valientes hombres
por él fueron derrotados.
Nada puede resistirse a su supremo valor...
ARMIDA
¡Oh, cielos, es Rinaldo!
ARONTE
¡Sí, el mismo!
ARMIDA, IDRAOTE, FENICIA,
SIDONIA, CORO
Persigamos hasta la muerte
al enemigo que nos ofende;
que no escape, no,
a nuestra venganza.
ACTO II
(La escena cambia y representa un paisaje
agradable, con un río y una hermosa isla)
Escena 1
(Artemidoro y Rinaldo)
ARTEMIDORO
Héroe invencible, hoy,
gracias a tu valor,
logré huir de una funesta esclavitud.
Después de tan generosa ayuda,
¿puedo dejar de seguirte por siempre?
RINALDO
Ve, ve, ponte en mi lugar,
en el sitio en que la adversidad me atrapa.
El feroz Gernando a combatir me obligó
con temeraria audacia.
Con una indigna prisión me amenazó Godofredo
y de su campamento me obligó salir.
Con esfuerzo marcho al exilio.
¡Feliz seré, si puedo con mis gestas,
liberar a la Ciudad Santa
que gime bajo duras leyes!
Seguid al guerrero que aplica su hermoso celo
para distinguirse por su valor y su fe.
¡Buscad la gloria inmortal!
En mi exilio no quiero a nadie conmigo.
ARTEMIDORO
¿Qué se puede hacer sin ti?
Aquel que te destierra no podrá evitar
el anhelar tu regreso.
Si es necesario que nos dejes,
al menos puedo saber
¿qué lugar elegirás para descansar?
RINALDO
Inoportuno es el reposo para mí,
solamente la gloria tiene para mí atractivo.
No quiero regresar sobre mis pasos
si no ir donde la justicia y la inocencia
necesiten de mi ayuda.
ARTEMIDORO
Rehúsa los lugares en donde reina Armida,
si quieres vivir feliz.
Aún para el corazón más intrépido
ella tiene peligrosos encantamientos.
Es una enemiga implacable,
evita sus atenciones.
¡Quiera el cielo secundar mis votos
y protegerte de sus malas artes!
RINALDO
Con una indiferencia afortunada, sin esfuerzos,
a su poder mi corazón se substrajo.
La vi sólo con mirada curiosa.
¿Es quizás más difícil evitar su venganza
que escapar del poder de sus ojos?
Amo la libertad; nada aún me ha podido forzar,
hasta hoy, a atarme a alguien.
Si se pueden ignorar las gracias del amor
¿qué encantamientos se pueden temer?
(salen.)
Escena 2
(Armida, Idraote)
IDRAOTE
Aquí nos detenemos; y que a este lugar fatal
el furor que nos mueve
ordene al imperio infernal
conducir a nuestra víctima.
ARMIDA
¡Cómo tarda hoy el infierno
en seguir nuestras leyes!
IDRAOTE
Para que se cumpla el hechizo
debemos unir nuestras voces.
ARMIDA, IDRAOTE
Espíritus del odio y de la ira,
demonios, obedecednos.
¡Entregadnos al enemigo
que osa ultrajarnos a nuestra cólera!
Espíritus del odio y de la ira, etc.
ARMIDA
Escondeos, demonios horribles,
bajo una apariencia agradable,
y a ese intrépido valiente embrujad
con los más amables encantos.
ARMIDA, IDRAOTE
Espíritus del odio y de la ira, etc.
(Armida descubre a Rinaldo que se
aproxima por la orilla del río.)
ARMIDA
En la trampa fatal cae nuestro enemigo.
IDRAOTE
En el bosquecillo cercano
se esconden nuestros soldados;
sobre Rinaldo todos deberán caer.
ARMIDA
Esta víctima es sólo mía.
Dejad que yo la inmole,
dejadme a mí el placer
de ver ese corazón soberbio
expirar por mis golpes.
(Idraote y Armida se retiran.)
Escena 3
(Rinaldo se detiene a la orilla del río, y deja
parte de sus armas para tomar un descanso)
RINALDO
(sólo)
Más observo estos lugares y más los admiro.
El río fluye con lentitud
y se aleja con pesar de un sitio tan dulce.
Las más bellas flores y el más dulce céfiro
perfuman el aire que se respira.
No puedo dejar, no, tan hermosas riberas.
Un sonido armonioso
se une al murmullo de las aguas.
Los pájaros, fascinados, se acercan a oírlo.
Apenas puedo oponerme a la dulzura del sueño.
Este césped, esta sombra fresca,
todo me invita al reposar bajo el espeso follaje.
(Se duerme sobre el prado a la orilla al río.)
Escena 4
(Rinaldo adormecido, una náyade sale del río.
Grupos de ninfas y pastores)
NÁYADE, CORIFEOS
En la edad feliz en la que se sabe disfrutar,
¡qué dulce es amar tiernamente!
¿Por qué buscar con celo, entre mil peligros,
el imaginario brillo de un vano honor?
¿Vale la pena quizás, por una falsa quimera,
abandonar un bien encantador?
En la edad feliz en la que se sabe disfrutar,
¡qué dulce es amar tiernamente!
CORO
¡Ah, qué error, qué locura
es no disfrutar de la vida!
Solamente por los juegos y por los amores,
son bellos los días de la vida.
(Los demonios con apariencia de ninfas y los
pastores encantan a Rinaldo y lo encadenan,
mientras duerme, con guirnaldas de flores.
Danza
UNA PASTORCITA
Sorprendería menos que la nueva estación
regresara sin céfiros y flores,
que ver la época más hermosa de nuestra vida
sin placeres y amores.
Dejemos al dulce amor su cuota de juventud.
La sabiduría tiene su tiempo,
que llega finalmente demasiado pronto.
Ser sabio no quiere decir
ser más sabio de lo necesario.
(bailan)
CORO
¡Ah, qué error que locura… etc
Escena 5
(Armida, llevando un puñal en su
mano, y Rinaldo que duerme)
ARMIDA
Al fin él está en mi poder,
el fatal enemigo, el campeón orgulloso.
El hechizo del sueño
lo ofrece a mi venganza.
Quiero traspasar su corazón invencible.
Por su culpa, mis prisioneros
han dejado de ser esclavos.
¡Que él experimente todo mi desdén!...
(Armida va a herir a Rinaldo, pero titubea
antes de cumplir con su propósito)
¿Qué desánimo me asalta?
¿Quién me hace dudar?
¿Qué cosas a favor suyo me dicta la piedad?
¡Matémoslo!... ¡Cielos! ¿Quién me detiene?
¡Adelante... tiemblo!
¡Vamos, venguémonos... Suspiro!
¿Es así que hoy debo vengarme?
Mi ira mengua cuando me acerco a él.
Cuanto más lo veo, más mi furia se desvanece;
se opone a mi odio el temblor de mi mano.
¡Ah, qué crueldad es arrancarle la vida!
Todo el mundo se rinde ante el joven héroe.
¿Quién creería que sólo ha nacido para la guerra?
Parece hecho para el amor.
¿No puedo vengarme sin que él perezca?
¡Ah!
¿No sería suficiente que lo castigue el amor?
Puesto que no encuentra fascinantes mis ojos,
que al menos me ame por mis hechizos;
y que yo, si es posible, siga odiándolo.
¡Venid, concededme mis deseos,
transformaos, demonios, en dulces céfiros!
Al vencedor me rindo,
me ha vencido la piedad;
ocultad mi vergüenza y vileza
en los desiertos más remotos.
¡Volad, y transportadnos al centro de universo!
(los demonios, convertidos en céfiros,
se llevan a Rinaldo y a Armida.)
ACTO III
(La escena cambia y representa un desierto)
Escena 1
(Armida a solas)
ARMIDA
¡Ah! Si la libertad me ha de ser quitada,
¿deberás de ser precisamente tú mi vencedor?
Mortal enemigo de la alegría de mi vida,
es muy cierto que, a pesar mío,
tú reinas en mi corazón.
Mi deseo más grande fue el de tu muerte.
¿Cómo has cambiado por languidez mi ira?
Por mil amantes fui en vano cortejada;
nadie jamás doblegó mi rigor.
¿Puede ser cierto que Rinaldo
tenga esclavizada a Armida?
¡Ah! Si la libertad me ha de ser quitada, etc
Escena 2
(Armida, Fenicia, Sidonia)
FENICIA
¿Qué es lo que no puede tu magia?
Es tu poder supremo.
¡Qué prodigio! ¡Oh, qué cambio!
Rinaldo, antes tan feroz, te ama tan tiernamente
como nunca ha amado.
SIDONIA
Mira en sus ojos,
mira en ti misma el milagro
que produjo tu encantamiento.
ARMIDA
El infierno no ha satisfecho
aún mis deseos;
un nuevo encantamiento
deberá asegurar mi venganza.
SIDONIA
En estas playas tan distantes
de las moradas humanas,
¿quién podrá arrebatarte
a un enemigo que te adora?
Rinaldo está hechizado
¿a qué temes, pues?
ARMIDA
¡Ay de mí, es a mi corazón a quien temo!
Vuestra amistad os une a mi destino,
por eso os he traído conmigo a estos lugares.
Al resto de los mortales mi vileza oculto,
sólo ante vuestros ojos quiero avergonzarme.
De mis más dulces miradas
Rinaldo se supo defender;
a ese corazón orgulloso no supe derrotar
y a pesar de mis esfuerzos, el se me escapó.
Fingiendo ser la piedad,
el amor por sorpresa me atrapó
cuando menos lo esperaba.
Cuanto más me ame Rinaldo,
menos tranquila estaré.
He decidido odiarlo.
Jamás he intentado nada más difícil.
Temo que será inútil toda mi magia
para forzar a mi corazón a obedecerme
FENICIA
¡Qué hermosa y admirable sería tu magia,
si supiese alejar las ansiedades de la vida!
¡Feliz es aquel que puede estar seguro
de disponer a su gusto de su propio corazón!
Es un secreto digno de envidia,
pero es entre todos el secreto más ignoto.
SIDONIA
El odio es horrible y bárbaro;
el amor obliga al corazón que conquista
a sufrir tremendos dolores.
Si tu destino está en tu poder,
elige la indiferencia,
pues asegura una tranquila felicidad.
ARMIDA
¡No, no, ya no me es posible pasar
de mi ansiedad a la serenidad!
Mi corazón no puede calmarse.
Demasiado me ultraja Rinaldo
y eso mismo hace que le mame más.
Necesito ahora sin falta decidir
si debo odiarlo o amarlo.
FENICIA
No fuiste capaz de odiar al héroe,
cuando él era el más terrible
de tus enemigos.
Ahora que él te ama, que el amor lo encadena,
¿podrías llegar a fomentar tu odio
contra un amante tan dulce y sumiso?
ARMIDA
¿Él me ama? ¡Pero con qué amor!
Mi vergüenza aumenta.
¿Tengo que ser amada de esta manera?
¿Puedo sentirme feliz?
Es un triunfo vano; una falsa felicidad.
¡Ay de mí, qué diferente es su amor del mío!
Para encender su pasión
tuve que recurrir al infierno;
solo forzó su corazón el poder de mi magia,
nada pudo hacer mi tenue belleza.
Por mérito propio él interrumpió mi venganza;
sin ayuda, sin ningún esfuerzo,
y finalmente sin que él lo supiera,
encadenó mi corazón con las más dulces cadenas.
¡Ay de mí, qué diferente es mi amor del suyo!
¿Qué venganza puedo pretender,
si deseo amarlo para siempre?
¿Qué? ¿Desistir entonces sin intentar nada?
No. Debo llamar al odio en mi ayuda.
El horror de estos lugares solitarios
redoblará mi magia.
De mis horrendos misterios
desviad vuestras miradas
y a Rinaldo impedid que me turbe.
(Fenicia y Sidonia salen)
Escena 3
(Armida sola)
ARMIDA
¡Ven, ven, Odio implacable,
sal del hórrido abismo
donde haces reinar el horror eterno!
¡Sálvame del amor, pues nada es tan temible!
Contra un enemigo muy dulce,
restituye mi desdén e incrementa mi furor.
¡Ven, ven, Odio implacable!
Escena 4
(El Odio sale del infierno con su séquito)
EL ODIO
Al tu llamada respondo,
pues tu voz se oye hasta en el fondo del infierno.
Si es necesario defenderte contra el Amor
y evitarte sus indignas cadenas,
todo lo intentaré.
EL ODIO Y SUS SEGUIDORES
Cuanto más se conoce al Amor, más se lo detesta.
¡Destruyamos su poder funesto!
Rompamos sus ataduras, aniquilemos su cortejo,
quememos sus flechas, apaguemos su antorcha.
(El séquito del odio empieza el hechizo
que debe que destruir el poder del amor)
EL ODIO
¡Amor, vete para siempre,
sal de un corazón que te rechaza
y deja que yo reine en tu lugar!
Tu ley hace sufrir demasiado, no,
en todo el infierno nada hay más cruel que tú.
CORO DE SEGUIDORES DEL ODIO
¡Amor, vete para siempre,
sal de un corazón que te rechaza
y deja que yo reine en tu lugar!
Tu ley hace sufrir demasiado, no,
en todo el infierno nada hay más cruel que tú.
(El séquito del odio parece que va
a triunfar sobre el amor)
EL ODIO
(se aproxima a Armida)
¡Sal del seno de Armida, Amor,
rompe tus ataduras!
ARMIDA
¡Detente, detente, Odio pavoroso!
¡Déjame sujeta
a un vencedor tan hermoso!
¡Apártate de mí, yo renuncio a tu terrible ayuda!
¡No, no sigas, no me puedes privar de mi amor,
sin arrancarme el corazón!
EL ODIO Y SU SÉQUITO
¡Sal del seno de Armida, Amor,
rompe tus ataduras!
EL ODIO
¿Mi ayuda imploraste
sólo para despreciar mi poder?
Sigue al Amor, puesto que lo deseas.
¡Oh, desventurada Armida,
sigue al Amor que te guía
hacia un hórrido abismo!
CORO
Sigue al Amor, ya que lo deseas, etc
EL ODIO
En estas playas remotas en vano ocultas
al héroe que ha tocado profundamente tu corazón.
La gloria, de la cual lo sustraes,
muy pronto te lo arrebatará a ti.
A pesar de tus desvelos y lamentos,
lo verás zafarse de tus encantamientos.
CORO
Sigue al Amor, puesto que lo deseas, etc
EL ODIO
Quizás un día e nuevo me llames,
pero todo tu esfuerzo será en vano.
¡Hoy te abandono para no volver a verte!
Una pena más severa no puedo infligirte
que abandonarte por siempre en manos del amor.
CORO
Sigue al Amor, puesto que lo deseas, etc
(El odio y su séquito se hunden en el abismo)
Escena 5
(Armida sola)
ARMIDA
¡Oh, cielos, qué horrible amenaza!
Tiemblo, toda mi sangre se hiela.
¡Amor, poderoso Amor, ven, calma mi temor,
ten piedad de un corazón que se rinde a ti!
(Sale)
ACTO IV
(Una niebla que ya se ha visto en el tercer
acto, se levanta y se esparce sobre el desierto.
Aparecen algunos monstruos.)
Escena 1
(Ubaldo y el Caballero Danés. Ubaldo con un
escudo de diamantes y un cetro de oro que le ha
dado un mago, destinados a anular los hechizos
de Armida y liberar a Rinaldo. El Caballero
Danés con una espada que presentará a Rinaldo)
UBALDO Y CABALLERO DANÉS
Por todas partes encontramos
sólo abismos.
Armida ha trasladado el infierno a estos lugares.
¡Ah, qué cosas tan horribles!
¡Qué monstruos terribles!
(El Caballero Danés ataca a los monstruos;
pero Ubaldo lo detiene mostrándole el cetro)
UBALDO
Quién nos envía aquí, ha previsto el peligro
y nos ha enseñado la manera de librarnos de él.
Ni a Armida ni a sus hechizos debemos temer;
con esta ayuda, más poderosa que las armas,
estaremos fácilmente protegidos.
¡Monstruos, dejadnos libre el paso,
e id a celar vuestra vana ira
a los profundos abismos de los que habéis salido!
(Los monstruos se retiran y la niebla se diluye; el
desierto desaparece y se transforma en un vergel)
CABALLERO
Vayamos a buscar a Rinaldo pues el cielo
nos favorece en nuestra difícil misión.
Muy probablemente el espejismo
intentará de nuevo sorprendernos.
Del hechizo de los placeres
que ahora que debemos defendernos.
UBALDO, CABALLERO
Redoblemos nuestros esfuerzos,
pues nos aguardan atractivos peligros.
Los hechizos más dulces,
ésos son los más temibles.
UBALDO
Desde aquí se observa el refugio encantado
de Armida y del héroe al que ella ama.
En ese palacio Rinaldo está prisionero
de un fatal y fuertísimo hechizo.
Allí, el campeón valiente y temido,
se olvidó de todo... hasta de sí mismo.
Está obligado a languidecer indignamente
en la ociosa molicie.
CABALLERO
El infierno intenta en vano
seducir a un corazón tan glorioso.
Si sobre este escudo Rinaldo pone sus ojos,
de su flaqueza se avergonzará,
y así de estos lugares lograremos alejarlo.
Escena 2
(Demonios transformados en los habitantes de la
isla de Armida. Un de ellos bajo la apariencia de
Lucinda, joven danesa amada por el Caballero)
LUCINDA
Éste es el encantador refugio
de la felicidad perfecta.
He aquí la feliz morada
de los juegos y el amor.
CORO
Este es el encantador refugio… etc
Baile
UBALDO
(al Caballero Danés)
¡Vamos! ¿Qué te detiene?
¡Vamos, ya nos hemos demorado demasiado!
CABALLERO
Veo a la bella mujer que adoro.
¡Es ella, no me queda duda!
LUCINDA
Veo al amante por quien mi corazón suspira.
¡He encontrado, a quien tanto amo!
CABALLERO
¿Puedo ver aquí, a la bella dama
que me ha sometido a su imperio?
UBALDO
No, no es otra cosa
que un falaz encantamiento
sobre algo que guardas en tu corazón.
CABALLERO
Tan lejos de las heladas tierras dónde naciste
¿cómo es que estás aquí, ante mis ojos?
LUCINDA
Por el poder de la magia
Armida a estos amenos lugares me ha traído.
Yo vivía con la dulce esperanza
de estar cerca de quien más amo.
UBALDO
¡Huye, sé valiente!
LUCINDA
Disfrutemos de los dulces placeres
que para nuestros tiernos corazones
en tan feliz lugar el amor nos ha preparado.
El deber, con sus leyes crueles,
nos ha separado demasiado tiempo.
UBALDO
¡Huye, sé valiente!
CABALLERO
El Amor no me lo permite.
Frente a tan hermosa gracia
mi corazón está indefenso.
UBALDO
¿Es ésta la firmeza
de la que tanto has alardeado?
LUCINDA, CABALLERO
Disfrutemos de la suprema fortuna
de amar y ser amado.
¿Qué otro bien puede valer más
que el placer de contemplar a quien se ama?
¿Qué otro bien pueden ser superior
al placer de contemplarte?
UBALDO
A despecho del poder infernal
y de ti mismo,
debo desengañarte.
¡Este cetro de oro disolverá tan fatal error!
(Ubaldo toca a Lucinda que desaparece)
Escena 3
(El Caballero Danés, Ubaldo)
CABALLERO
En vano miro hacia todos lados
y ya no veo a mi bella dama.
De mis miradas huye
como el sutil vapor.
UBALDO
Aquello que de encantador tiene el amor
no es más que una ilusión
y no deja otra cosa que una vergüenza eterna.
Aquello que de encantador tiene el amor
no es más que un hechizo funesto.
CABALLERO
Veo el peligro al que se expone un corazón
que no huye de tan poderoso hechizo.
¡Feliz de ti, si puedes permanecer inmune
a las debilidades que el amor procura!
UBALDO
Cierto, mi corazón hasta hoy
he mantenido a salvo.
Era dulce vivir cerca de aquella a la que amo.
Pero si la Gloria ordena que la sigan,
se debe dejar que sufra el Amor.
De los más fuertes hechizos me libra la razón.
Nada nos debe retener aquí;
aprovechemos los consejos que nos han dado.
Escena 4
(Un demonio bajo el aspecto de Melisa,
una italiana amada por Ubaldo)
MELISA
¿De dónde venís que os apartasteis
de estas aguas y de estas sombras?
Disfrutad de un dulce descanso,
afortunados extranjeros,
aquí reposad de un fatigoso viaje.
Una suerte benigna os invita a gozar
de los bienes a los que estáis destinados.
UBALDO
¿Eres tú, bella Melisa?
MELISA
¿Eres tú, mi querido amante?
¿Eres tú a quien estoy viendo?
UBALDO, MELISA
¡No puedo creer lo que ven mis ojos!
¿Es posible que el amor nos reúna aquí?
MELISA
¿Eres tú, mi querido amante?
¿Eres tú a quien estoy viendo?
UBALDO
¿Eres tú, hermosa Melisa?
EL CABALLERO DANÉS
No, no es más que otro hechizo falaz
del cual tienes que proteger tu corazón.
¡Huye, ten valor!
MELISA
¿Otra vez deben de arrebatarme a mi amado?
¿Tendremos que vernos sólo un momento,
después de una ausencia tan larga?
¡No puedo dejar que te marches de nuevo!
Demasiado tiempo sufrí un tormento tan cruel,
y si éste recomenzara, moriría.
UBALDO, MELISA
¿Tendremos que vernos sólo un momento,
después de una ausencia tan larga?
CABALLERO
¿Es ésta la firmeza
de la que tanto has alardeado?
¡Sal de tu error, la razón te llama!
UBALDO
¡Ah, qué cruel es la razón!
Aunque esté engañado, ¿para qué decírmelo?
¡Cuán hermoso me parece mi error!
¡Y qué feliz sería de no salir jamás de él!
CABALLERO
A pesar de ti mismo,
encontraré la forma de liberarte de tu engaño.
(El Caballero Danés toma el cetro de oro y
toca con él a Melisa haciéndola desaparecer)
UBALDO
¿Qué fue de aquella por la cual ardo de pasión?
¡Melisa ha desaparecido de repente!
¡Cielos! ¿Puede quizás un vano fantasma
perturbar mi alma con tanta fuerza?
CABALLERO
Aquello que de encantador tiene el amor
no es más que una ilusión
y no deja otra cosa que una vergüenza eterna.
UBALDO, CABALLERO
Aquello que de encantador tiene el amor
no es más que un funesto hechizo.
UBALDO
De los nuevos hechizos vamos a protegernos,
evitemos las engañosas ilusiones.
No nos desviemos del camino
que debemos seguir para llegar a ese palacio.
UBALDO, CABALLERO
Rehuyamos las insidiosas dulzuras
de las ilusiones del amor pues,
si las seguimos, nos perderemos.
¡Bendito quien no es seducido por ellas!
ACTO V
(Palacio encantado de Armida)
Escena I
(Rinaldo, Armida)
RINALDO
(Desarmado y cubierto de guirnaldas de flores)
¡Armida! ¿Me abandonas?
ARMIDA
Necesito de los seres infernales,
y voy a consultarlos.
Mi magia requiere que esté a solas.
El amor que te tengo me causa inquietud
y agita mi corazón.
RINALDO
¡Armida, me abandonas!
ARMIDA
Mira en qué lugar te dejo.
RINALDO
¿Puedo mirar otra cosa que no sea tu belleza?
ARMIDA
Devotos te acompañarán los placeres.
RINALDO
¿Y puede haber placer, donde tú no estés?
ARMIDA
Un negro presagio
me perturba y me atormenta,
anunciándome un dolor que quiero prevenir.
Me gusta nuestra felicidad,
pero temo verla acabar.
RINALDO
¿Por tan vano terror estás intranquila, tú,
que haces temblar a los tenebrosos abismos?
ARMIDA
Tú me enseñaste a conocer el amor;
y el amor me enseña al conocer el miedo.
Antes de amarme, ardías en deseos de gloria
y la buscabas por todas partes
con ardor sin igual.
La gloria es una rival
que siempre me hará estar alerta.
RINALDO
¡Cómo fui de insensato al creer
que el vano laurel de la victoria
era el más precioso de todos los bienes!
¿Vale más todo el esplendor de la gloria
que una mirada de tus ojos?
¿Existe quizás un bien más fascinante y raro
que aquel con que paga el amor mi esperanza?
ARMIDA
La severa razón y el estricto deber
siempre tienen demasiado poder sobre los héroes.
RINALDO
Cuanto razono, más enamorado estoy.
Amarte, bella Armida, es mi primer deber.
Disfrutar de ti será mi gloria
y contemplarte, la felicidad.
ARMIDA
¡A qué dulces leyes se somete mi alma!
RINALDO
¡Qué dulce es ver
cómo compartes mi languidez!
ARMIDA
¡Qué dulce es ser esclava
de tan ilustre vencedor!
RINALDO
¡Dignas de envidia son mis cadenas!
RINALDO, ARMIDA
¡Amémonos, todo nos invita a hacerlo!
Ah, si fueras tan cruel como para negarme
tu corazón me quitarías la vida.
RINALDO
No, mejor es perder la vida
que extinguir la pasión que me abraza.
ARMIDA
No, nada puede cambiar mi alma.
RINALDO, ARMIDA
No, mejor es perder la vida
que perder un amor tan hermoso.
No, mejor es perder la vida
que extinguir la pasión que me embarga.
No, nada puede cambiar mi alma.
ARMIDA
Vosotros, testigos de nuestro supremo amor,
que en este feliz refugio seguís mis leyes,
con alegres juegos entretened hasta mi regreso
al héroe que amo.
Escena 2
(Los Placeres intentan entretener a Rinaldo
durante la ausencia de Armida)
UN PLACER
Los Placeres han escogido para refugiarse
este ameno y tranquilo lugar.
CORO DE LOS PLACERES
Los Placeres han escogido para refugiarse
este ameno y tranquilo lugar.
UN PLACER
¡Qué sitio tan encantador
para los amantes felices!
CORO
¡Qué sitio tan encantador
para los amantes felices!
(bailan)
UN PLACER
Es el amor quien retiene con sus encadenas
a los mil pájaros que se oyen
noche y día en nuestros bosques.
CORO
Es el amor quien retiene con sus encadenas
a los mil pájaros que se oyen
noche y día en nuestros bosques.
UN PLACER
Si el amor sólo causara penas,
los pájaros enamorados no cantarían tanto.
CORO DE LOS PLACERES
Si el amor sólo causara penas,
los pájaros enamorados no cantarían tanto.
(bailan)
UN PLACER, CORO
Jóvenes corazones, todo os favorece,
aprovechad esta alegría perecedera.
En el invierno de los años, el amor ya no reina;
los bellos días que se pierden
estarán perdidos para siempre.
(bailan.)
RINALDO
¡Iros, alejaos de mí!
Dulces Placeres, aguardad a que Armida os guíe.
Sin la belleza que me subyuga,
nada me agrada y todo aumenta mi penar.
¡Idos, alejaos de mí!
Dulces Placeres, aguardad a que Armida os guíe.
(Los Placeres y el coro de felices
enamorados se retiran.)
Escena 3
(Rinaldo, Ubaldo y el Caballero Danés)
UBALDO.
Está solo; aprovechemos este precioso momento.
(Ubaldo presenta el escudo de
diamantes ante los ojos de Rinaldo.)
RINALDO
¡Qué veo! ¿Qué resplandor agrede mis ojos?
UBALDO
El cielo quiere hacerte conocer
el error que ha seducido tus sentidos.
RINALDO
¡Oh cielos, qué vergüenza verme sumido
en el indigno estado en que me encentro!
UBALDO
Nuestro general te reclama.
La victoria te reserva una palma inmortal.
Todo está dispuesto para tu regreso.
De los más diversos lugares de la tierra,
todos corren a la guerra.
¿Solamente Rinaldo, en el confín del mundo,
escondido en un refugio encantado,
quiere seguir tras un vergonzante amor?
RINALDO
(se arranca las guirnaldas de flores)
Vanos ornamentos de una indigna molicie,
¡ya no me ofrezcáis vuestros frívolos encantos!
Restos indignos de mi debilidad,
¡marchaos, abandonadme para siempre!
(Ubaldo da a Rinaldo el escudo de diamantes
y el Caballero le entrega una espada)
CABALLERO
Substráete de los llantos de Armida,
el único peligro del que tu alma intrépida
debe protegerse. En estos lugares hechizados
reina la voluptuosidad:
salir de aquí nunca es demasiado pronto.
RINALDO, CABALLERO, UBALDO
¡Vamos, apresuremos la partida!
Escena 4
(Armida, Rinaldo, Ubaldo, el Caballero Danés)
ARMIDA
(Siguiendo a Rinaldo)
¡Rinaldo, cielos! ¡Oh, qué pena mortal!
¿Partes, Rinaldo? ¿Te marchas?
¡Demonios, seguid sus pasos,
volad y detenedlo!
¡Ay de mí, todo me traiciona
y mi poder es vano!
¡Rinaldo, cielos! ¡Oh, qué pena mortal!
¡Mis lamentos no son escuchados!
¡Partes, Rinaldo! ¡Te marchas!
(Rinaldo se detiene para escuchar.)
Si no te vuelvo a ver,
¿crees que podré seguir viviendo?
¿Merezco un tormento tan cruel?
Si no es como amante,
al menos como enemiga,
¡llévate a Armida como prisionera!
Estaré en las batallas ofreciéndome como escudo
a los golpes destinados a ti.
Rinaldo, si puedo seguirte,
dulce me parecerá el más horrible destino.
RINALDO
Armida, es el momento en que debo huir
del mágico peligro que al contemplarte encuentro.
La gloria requiere que te abandone,
e impone que el amor ceda al deber.
Si tú sufres, créeme que yo también me alejo
con el llanto de tus ojos.
Por siempre reinarás en mi memoria;
y después de la gloria
serás lo que más ame.
ARMIDA
No, del amor nunca has sentido el encanto.
Te regocija causar tan funestos dolores.
Me oyes suspirar, ves correr mi llanto,
pero ni un suspiro, ni una lágrima me dedicas.
Con los más dulces lazos en vano te conjuro;
un feroz deber persiste
y quiere que nos separemos.
No, tu corazón no tiene nada de humano,
es menos salvaje el corazón de un tigre.
Si tú partes yo moriré, no lo dudes.
Sin ti, ingrato, no puedo vivir.
Pero después de mi muerte, no pienses evitar
que mi obstinada sombra te persiga;
la verás armarse contra tu infiel corazón.
La encontrarás tan inflexible
como tú lo has sido conmigo.
Y su furor, si acaso es posible,
igualará al amor que siente por ti...
(Se desvanece)
¡La luz, ah, me ha sido arrebatada!
Cruel, ¿estás contento?
Disfrutas marchándote
por el placer de arrebatarme la vida.
RINALDO
¡Desdichadadísima Armida, ay de mí!
¡Qué penoso es tu destino!
UBALDO, CABALLERO
¡Debemos partir, apuremos el paso!
De ti la gloria espera un corazón inflexible.
RINALDO
No, no ordena la gloria que un gran corazón
deba ser despiadado.
UBALDO, CABALLERO
Es necesario arrancarte de las insidiosas gracias
de un ser tan amable.
RINALDO
¡Desdichadadísima Armida, ay de mí!
¡Qué penoso es tu destino!
(salen.)
Escena 5
(Armida sola)
ARMIDA
El pérfido Rinaldo me abandona;
y aunque sea un pérfido, mi corazón lo sigue.
Moribunda me deja, él quiere que yo muera.
Con dificultad vuelvo a ver el brillo de la luz;
el horror de la noche eterna
cede al horror de mi suplicio.
El pérfido Rinaldo me abandona;
y aunque sea un pérfido, mi corazón lo sigue.
Cuando el bárbaro estuvo en mi poder,
¿por qué no di rienda suelta al odio y venganza?
¿Por qué no seguí sus impulsos?
Huye de mí, se va, está por abandonar este lugar.
Él desafía al infierno y a mi ira;
ya está junto a la orilla.
Para detenerlo, todo esfuerzo será vano.
Traidor, escucha... Lo tengo...
Tengo, su pérfido corazón...
¡Ah, a mi furor lo inmoló!...
¿Qué digo? ¿Dónde estoy?
¡Oh, desventurada Armida
a dónde te lleva un ciego error?
Solamente me queda el deseo de venganza.
¡Huid, placeres, y que las gracias desaparezcan!
¡Vosotros, demonios, destruid el palacio!
Partamos, y, si es posible, que mi funesto amor
permanezca sepultado para siempre en este lugar.
(Los demonios destruyen el palacio encantado.
Armida desaparece en un carro volador.)
Digitalizado y Traducido por:
José Luís Roviaro
2012
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